Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Histoire - Page 4

  • A l'origine du 8 mars

    Pin it!
     
    Zetkin_luxemburg1910.jpgC'est la journaliste révolutionnaire et militante social-démocrate allemande Clara Zetkin* qui proposa, en 1910, lors de la 2e Conférence internationale des femmes socialistes à Copenhague, la création de la journée internationale des femmes, journée de manifestation annuelle afin d'obtenir pour le droit de vote et l'égalité entre les sexes. Ce jour sera fixé au 8 mars.
     
    Le 8 mars 1917, les ouvrières de Petrograd décidèrent d’appeler à la grève pour réclamer du "pain "et le retour de leurs maris envoyés au front. Ce sont 100 000 femmes et hommes qui manifesteront contre des conditions de travail et de vie désastreuses. Ce 8 mars sera le premier de la Révolution russe.
     
    *Clara Zetkin joua également, avec Rosa Luxemburg, un rôle essentiel dans la création du parti communiste allemand en 1916. 

    *

     > L'internationale des femmes socialistes  par  Nicole Gabriel  - Matériaux pour l'histoire de notre temps. Année 1989. Volume 16 Numéro 1 pp. 34-41 -Fait partie d'un numéro thématique : 1889: fondation de la IIe Internationale

    L'Internationale socialiste des femmes (ISF) - wiki rouge

    > Clara Zetkin, La lutte pour la libération des femmes, 1889

    > Biographie de Clara Zetkin
     http://www.secoursrouge.org/IMG/pdf/zetkin.pdf 

  • 21 février 1944 : 23 étrangers et nos frères pourtant...

    Pin it!

    3992716853.pngLe 21 février 1944 au matin, 22 des 23 résistants parisiens au sein des FTP-MOI ( Francs - Tireurs et Partisans – Main d’Œuvre Immigrée ) du groupe Manouchian, arrêtés par la police française et condamnés à mort par un tribunal militaire allemand, tombaient sous les balles nazies au Mont Valérien.  La 23e, la résistante Olga Bancic, était transférée en Allemagne. De nouveau jugée et condamnée à mort à Stuttgart, elle est décapitée le 10 mai 1944. Certains étaient Juifs, d’autres non.

    3992716853.pngA l’heure où le racisme sévit sous toutes ses formes en Europe et en France, où la construction de l’Autre – musulman, arabe,rrom, noir, étranger sans-papiers – comme ennemi intérieur est portée au plus haut niveau des gouvernements et des Etats, où les attentats antisémites de plus en plus alarmants se multiplient, il est important de nous souvenir que les héros de l’Affiche rouge se battaient au nom de principes universels plus que jamais d’une grande actualité : le refus de la barbarie nazie, l’affirmation de la nécessité d’une solidarité internationaliste que certains avaient déjà mise en pratique au cours de la guerre d’Espagne, l’exigence enfin de l’émancipation de l’humanité, de paix et de justice pour tous.

    Plus que jamais, celle et ceux de l’Affiche rouge, éclairent nos combats actuels si nous voulons conserver notre humanité et faire ce qu’il se doit."  Union Juive Française pour la Paix

    De nombreux étrangers, présents en France avant la Seconde Guerre mondiale, se sont engagés dans la Résistance contre les nazis. Etaient-ils moins patriotes que les BOF, les "Beurre-Oeufs-Fromage", ces bons français pétainistes et réalistes enrichis par la pratique du marché noir à grande échelle  ?  

    Nazis et collaborateurs français tentèrent de compromettre la Résistance en jouant sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Le procédé n'est pas neuf. Il est toujours aussi infect.

    affiche rouge

    L'affiche de propagande nazie fait état de l’exécution au Mont Valérien des «terroristes», membres  des FTP-MOI ( Francs - Tireurs et Partisans – Main d’Œuvre Immigrée ) du groupe Manouchian. Y sont mentionnés des juifs, des communistes, des étrangers. 

    « Grzywacz – Juif polonais, 3 attentats »,

    « Elek – Juif hongrois, 8 déraillements »,

    « Wajsbrot – Juif polonais, 1 attentat, 3 déraillements »,

    « Witchitz – Juif polonais, 15 attentats »,

    « Fingerweig – Juif polonais, 3 attentats, 5 déraillements »

    « Boczov – Juif hongrois, chef dérailleur, 20 attentats »,

    « Fontano – Communiste italien, 12 attentats »,

    « Alfonso – Espagnol rouge, 7 attentats »,

    « Rajman – Juif polonais, 13 attentats »,

    «Manouchian – Arménien, chef de bande, 56 attentats, 150 morts, 600 blessés » ; 

    Aragon a rendu hommage aux victimes de la haine nazie et pétainiste. Son poème est ici chanté par Léo Ferré sous le titre l'Affiche Rouge.

    Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes
    Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
    Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
    Vous vous étiez servi simplement de vos armes
    La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans

    Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
    Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
    L'affiche qui semblait une tache de sang
    Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
    Y cherchait un effet de peur sur les passants

    Nul ne semblait vous voir français de préférence
    Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
    Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
    Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
    Et les mornes matins en étaient différents

    Tout avait la couleur uniforme du givre
    A la fin février pour vos derniers moments

    Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
    Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
    Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
    Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses

    Adieu la vie adieu la lumière et le vent
    Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
    Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
    Quand tout sera fini plus tard en Erivan

    Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
    Que la nature est belle et que le cœur me fend
    La justice viendra sur nos pas triomphants
    Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
    Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant

    Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
    Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
    Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
    Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
    Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.”

    Louis Aragon (1897 - 1982) Le Roman Inachevé, 1956

    > Ils ont eu le courage de dire « non » : Les résistants du groupe Manouchian (1943-1944)   Matthieu Lépine - Une histoire populaire.

     

  • 25 février 1941 : les travailleurs néerlandais contre la persécution des juifs

    Pin it!

    Des hommes juifs à Amsterdam victimes d’une rafle par l’occupant nazi

    Il y a 75 ans 

    les travailleurs néerlandais

    faisaient grève contre la persécution des juifs

    >>>  source WSWS  

    Lire la suite

  • Joffre : Coûte que coûte et à tout prix !

    Pin it!

    joffre.jpg21 février - 19 décembre 1916 : Verdun, une bataille industrielle de 300 jours  avec ses 2000 morts quotidien dans chaque camp.

    Une bataille perçue comme une victoire parce que l'armée française "a tenu bon" malgré de nombreuses fautes de commandement.

    Joffre, le généralissime, n'a pas jamais tenu compte des avertissements qu'on lui avait lancés et qui annonçaient une offensive de l'armée allemande à Verdun.

    "Des débuts de la guerre à 1915, il est habituellement admis qu’une manière de régression démocratique a existé dans la France de la IIIe République. Certains parlent même de rupture de démocratie et de " dictature " du général Joffre."  François Cochet

     

    L'histoire officielle retient aussi difficilement les 370 000 victimes - côté français - lors des batailles des "Frontières" qui se déroulèrent du 14 au 24 août 1914. Face aux mitrailleuses massivement utilisées par l'armée allemande les soldats combattaient à l'ancienne, chargeant à la baïonnette dans leurs uniformes de couleur aux képis et aux pantalons rouge garance repérables sur le champ de bataille.  

    "Charleroi, Rossignol, Morhange : trois défaites cuisantes dont la France n'a jamais voulu se souvenir. Le 22 août 1914, sous un soleil de plomb, des dizaines de milliers de soldats tout juste mobilisés, épuisés par des jours de marche forcée dans leur pantalon rouge garance, vont brutalement connaître leur baptême du feu. Foudroyée par la puissance de feu de l'artillerie allemande, l'armée française vit alors les heures les plus sanglantes de son histoire : 27 000 soldats sont tués dans la seule journée du 22 août, soit autant que pendant toute la guerre d'Algérie (1954-1962). 

    Du 20 au 26 août, au cours de la phase terminale de la bataille des frontières, qui se déroule le long des frontières franco-belge et franco-allemande, les Français sont chassés de la vallée de la Sambre, de la forêt des Ardennes et du bassin lorrain au prix de pertes effroyables : près de 100 000 morts au mois d'août, qui, avec septembre 1914, sera le mois le plus meurtrier de la première guerre mondiale. Le soir du 22, les Allemands ne sont même pas sûrs d'avoir remporté la victoire tant leurs pertes sont également élevées - plus de 10 000 de leurs hommes ont été tués. Leur commandement hésite à pourchasser les soldats français. Ce qui permet à ces derniers de battre en retraite jusqu'à la Marne d'où ils repousseront les Allemands, début septembre."

    >>> Le massacre du 22 août 1914, Antoine Flandrin
    http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/08/22/le-massacre-du-22-aout-1914_4475342_3224.html

    L'histoire officielle ne garde pas non plus en mémoire les falsifications de Joffre qui, en l'absence d'un pouvoir civil fort,  lui permirent de se maintenir longtemps en place. 

    " Joffre construit son système de direction de la guerre sur la notion de contrôle, voire de la rétention de certaines informations. Il estime que le gouvernement n’a pas à être informé de toutes les dimensions de la guerre. Les choses vont loin cependant dans le registre. Le 27 avril 1915, le président du Conseil René Viviani affirme avoir appris, par la fleuriste de son quartier, que le Grand Quartier général (GQG) devait quitter sa résidence de Chantilly. Encore le 15 janvier 1915, Abel Ferry note, « le GQG est secret inaccessible. Il a laissé ignorer, j’en ai maintenant la preuve, la défaite de Charleroi, au mois d’août, à Viviani, à Poincaré, à Messimy même, ministre de la Guerre. On apprend des échecs comme celui des jumelles d’Ornes, par moi ou par hasard. Le GQG refuse de faire connaître le chiffre de nos pertes au gouvernement ». Il interdit aux préfets de la zone des armées de communiquer des renseignements d’ordre militaire au ministre de l’Intérieur. Il refuse toute communication téléphonique aux préfets avec leurs sous-préfets ou avec le ministère de l’Intérieur. En août et septembre 1914, le GQG donne au président de la République la composition des armées allemandes, mais refuse de lui faire connaître les noms des commandants d’armées françaises."  

    >>> François Cochet : " Les débuts de la Grande Guerre en France : " dictature" imposée du militaire ou retrait du politique ?" 
    Revue historique des armées http://rha.revues.org/index1223.html

     

    "Il fabrique des informations erronées, destinées à tromper le gouvernement sur la réalité de la situation. Taisant les revers subis, il explique avoir disposé ses armées en supériorité numérique dans les meilleures positions, attendant qu’elles accomplissent leur devoir  : «  La parole est maintenant aux exécutants qui ont à tirer parti de cette supériorité  », écrit-il dans un télégramme au ministre de la guerre le 23 août 1914.

    Vingt-quatre heures plus tard, affectant l’air navré du chef qui vient d’être contredit dans ses espérances, il avoue des désastres vieux de plusieurs jours et accable les prétendus responsables  : «  Force est de se rendre à l’évidence. Nos corps d’armée, malgré la supériorité numérique qui leur avait été assurée, n’ont pas montré en rase campagne les qualités offensives que nous avaient fait espérer les succès partiels du début.  (..)

    Les généraux présents sur le terrain, qui n’ont fait qu’obéir aux ordres, sont décrétés coupables et  " limogés ".  La supériorité numérique revendiquée n’était pourtant qu’un mensonge. " 

    >>> Roger F raenkel)  " Le général Joffre, cet âne qui commandait des lions" 
    https://boutique.monde-diplomatique.fr/extrait-atlas-histoire2

    - Le héros -

    La leçon de la boucherie du mois d'août 1914 était apprise et retenue. Début septembre, après 15 jours de retraite, lors de la Bataille de la Marne, on prenait les mêmes et on recommençait.

    Le 6 septembre 1914, Joffre, commandant en chef des armées françaises du Nord-Est, donnait l'ordre de contre-offensive générale.

    "Au moment où s'engage une bataille dont dépend le salut du pays il importe de rappeler à tous que le moment n'est plus de regarder en arrière. Tous les efforts doivent être employés à attaquer et refouler l'ennemi.
    Une troupe qui ne peut plus avancer devra coûte que coûte garder le terrain conquis et se faire tuer sur place plutôt que de reculer. Dans les circonstances actuelles aucune défaillance ne peut être tolérée. "

    Un ordre au parfum d'offensive à outrance, coûteuse en vies humaines, qui arrêta l'avancée des armées allemandes et dont Joffre ressortit couvert de gloire. "Coûte que coûte" et " à tout prix " auront été les leitmotiv de la guerre de 14-18.

    Deux ans plus tard, en décembre 1916, le gouvernement Briand, pour se sauver lui-même, persuadait Joffre d'abandonner le commandement direct des armées sur le territoire français - tout en lui faisant accroire qu'il conservait le commandement suprême des armées. 

    Remplacé à son poste par le général Nivelle, autre incompétent, Joffre recevait une fonction assez vague de conseiller technique du gouvernement dont il démissionnait en décembre 1916. En compensation le gouvernement l'élevait à la dignité exceptionnelle de Maréchal de France. Et c'est en maréchal que, le 14 juillet 1919, notre héros chevaucha en tête du défilé de la Victoire.

    Ses funérailles furent à la mesure de ses opérations militaires : grandioses - avec passage obligé dans les lieux qui symbolisent le sabre, l'Empire et le goupillon :

    "Mardi soir à 21 heures la dépouille mortelle du maréchal escortée par un escadron de cavalerie sera transportée à Notre-Dame. Le char mortuaire passera sous l'Arc de Triomphe et s'arrêtera devant la tombe du Soldat Inconnu. Des honneurs militaires lui siéront rendus; une minute de silence dont un signal marquera le début sera observée. Une salve de vingt-et-un coups de canon sera tirée des bords de la Seine pendant la durée du trajet de l'Arc de Triomphe à Notre-Dame.

    Mercredi, 7 janvier, aura lieu la cérémonie religieuse à Notre-Dame, elle commencera à 9 heures, aussitôt après l'arrivée du Président de la République. Des places seront réservées dans la nef aux représentants personnels des chefs d'États étrangers, aux membres du Gouvernement, au corps diplomatique aux membres du Parlement, aux représentants de l'Armée aux délégations des corps constitués et des Anciens Combattants, aux représentants de la presse L'ordre du cortège..." (Ouest Eclair du 6 janvier 1931
    http://ouestfrance.cd-script.fr/opdf/1931/01/06/49/1931-01-06_49_03.pdf).

     

  • Mitterrand et la guerre d’Algérie

    Pin it!

    L’insurrection avait débuté le 1er novembre 1954. Le ministre de l’intérieur François Mitterrand avait déclaré " l’Algérie, c’est la France !, la négociation avec les rebelles c'est la guerre."

    justice_sine-870d4.gif

    Pendant les trois premières années de la guerre d’Algérie, de  1954 à 1957, François Mitterrand fut ministre de l’Intérieur puis ministre de la Justice.

     "A 39 ans, il prend ses fonctions de ministre de la Justice, le 2 février 1956, dans le gouvernement de Guy Mollet. C'est un homme politique confirmé, qui a déjà assumé sept portefeuilles ministériels depuis la fin de la guerre. Il connaît bien le problème algérien, puisqu'il était ministre de l'Intérieur quand l'insurrection a éclaté, quinze mois plus tôt, le 1er novembre 1954. Sa réaction d'alors est connue : « L'Algérie, c'est la France [...] ceux qui veulent l'en dissocier seront partout combattus et châtiés " (François Malye)

     A l'époque, pour la majeure partie de la classe politique, il n'est pas question d'envisager l'indépendance de l'Algérie. Quant à la gauche traditionnelle, elle se refuse de prendre en  compte le nationalisme algérien et la question coloniale.

    Lire la suite

  • Il n'y a pas de choc de civilisations

    Pin it!

    En 2002,  dans le magazine de géopolitique le Dessous des cartes, Jean-Christophe Victor synthétise la critique de la théorie du choc des civilisations.

    "L’idée du choc des civilisations développée par le professeur Samuel Huntington dans un article célèbre de la revue Foreign Affairs de 1993. Rappelons-en rapidement les grands points : le monde se diviserait en plusieurs civilisations qui, tout au long de l’Histoire, se seraient affrontées. Les idéologies du XXe siècle n’auraient été qu’une brève parenthèse dans cette lutte qui a repris de plus belle depuis la fin du bloc soviétique. Écrit au sortir de la guerre froide et en plein désarroi face à la poussée nationaliste en ex-Yougoslavie, cette théorie se distingue par une analyse pour le moins grossière des faits historiques." Les Historiens de garde.

    > Cet étrange M. Chauprade - Les Historiens de garde.

    > Le Dessous des cartes de Jean-Christophe Victor - Arte

    > Fiche de lecture : William Blanc & Christophe Naudin Charles Martel et la bataille de Poitiers. De l’histoire au mythe identitaire.  Libertalia, Paris, 2015.

  • " De reporter il est devenu domestique..."

    Pin it!

    3992716853.pngDe reporter, il est devenu domestique ; et il a gagné à cela beaucoup de considération. Tous les matins, il va chez le ministre, et le ministre lui commande la besogne de la journée, qui se compose d’entrefilets, pompeux et dénués de français, mais où la politique du maître est portée aux nues. Plus les actes sont criminels, plus les éloges sont enthousiastes. C’est là qu’on lit les choses les plus stupéfiantes de ce temps et qu’il est prouvé fort congrûment que nous ne sommes pas en guerre ; que nos soldats ne meurent pas au Tonkin ; qu’il n’y a point de Chinois, et que jamais la France ne fut plus prospère. Maginard excelle à dénaturer la vérité, et à enrubanner le mensonge. Il n’a d’ailleurs aucune idée à lui, et si, par hasard, il lui en vient, il les cache soigneusement, ce qui fait dire partout qu’il a l’oreille du ministre. Aussi l’entoure-t-on beaucoup et son prestige est-il énorme. Les demandes d’emploi pleuvent chez lui ; on s’adresse à lui pour mener à bien de petites intrigues malpropres, égayées de pourboires ; il a souvent en main des affaires dont il essaie de tirer de grasses commissions. Mais son crédit est plus apparent que réel, et il n’ose pas l’user pour les autres, parce qu’il peut en avoir besoin pour lui-même. Et puis, tout n’est pas rose dans ce métier. Le ministre n’est pas toujours aimable ; il a des impatiences qu’il faut savoir supporter, des fantaisies auxquelles on doit se plier silencieusement. Il faut que le dos et l’échine soient prêts aux coups comme aux caresses ; il est indispensable de recevoir une bourrade, de la même façon gracieuse qu’on reçoit un compliment. Maginard est fort habile en cet art et il ne sent pas le rouge lui monter parfois au visage. C’est à ces moments difficiles que son génie de pleutre et de courtisan éclate, et qu’il trouve des servilités admirables qui font tomber tout à coup la colère du ministre."

     

    Décorations, Octave Mirbeau - article paru dans Le Gaulois / 5 janvier 1885

    En ligne sur Wikisource Les Écrivains (1925)