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Zèbres en cavale

  • de Gaulle et la fuite à Baden-Baden

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    Le 29 mai 1968, en pleine "chienlit "et à l'insu de tous, le général de Gaulle tire sa révérence et part en voyage, disparaît, fuit en Allemagne dans une enceinte militaire. Il veut s'assurer du soutien de l'armée face à ce mai qui secoue son pouvoir.

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  • Eugène Varlin : "L’histoire finira par voir clair ..."

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    « L’histoire finira par voir clair et dira que nous avons sauvé la République ». 

    Eugène Varlin

    eugène varlinFigure du mouvement ouvrier et militant de la commune de Paris, Eugène Varlin, ouvrier relieur, fut un des pionniers du mouvement ouvrier français. Fondateur en 1857 de la Caisse de secours mutuel de sa corporation. Il adhéra à l' Association Internationale des Travailleurs dès 1865.


    En 1871, il fut un des principaux dirigeants de la Commune de Paris et membre de sa commission des finances. Il sera assassiné par les Versaillais le 28 mai 1871.

    " Au cours de la Semaine sanglante, 21-28 mai, Eugène Varlin demeura au service de la Commune. Après avoir dirigé la défense du VIe arr. : barricades de la rue de Rennes le 22 mai, de la Croix-Rouge le 23, le Panthéon le matin du 24, il commanda autour de la mairie du XIe arr. dans la soirée du même jour. Le 26, avec Camélinat et quelques autres, il tenta de s’opposer au massacre des otages, 85, rue Haxo, XXe arr. Le 27, vers midi, il se battait encore à la barricade de la rue de la Fontaine-au-Roi et, le soir, à celle de la rue Ramponneau, non loin du Père-Lachaise.

    Le dimanche 28, vers trois heures de l’après-midi, écroulé sur un banc rue Lafayette, près de la place Cadet, IXe arr. il fut reconnu et dénoncé. " Le Maitron

    *

    Louise Michel, dans La Commune, décrit l'arrestation d'Eugène Varlin.

    " Ce dimanche-là, du côté de la rue de Lafayette fut arrêté Varlin : on lui lia les mains et son nom ayant attiré l’attention, il se trouva bientôt entouré par la foule étrange des mauvais jours.

    On le mit au milieu d’un piquet de soldats pour le conduire à la butte qui était l’abattoir.

    La foule grossissait, non pas celle que nous connaissions houleuse, impressionnable, généreuse, mais la foule des défaites qui vient acclamer les vainqueurs et insulter les vaincus, la foule du væ victis éternel.

    La Commune était à terre, cette foule, elle, aidait aux égorgements.

    On allait d’abord fusiller Varlin près d’un mur, au pied des buttes, mais une voix s’écria : — Il faut le promener encore ; d’autres criaient : — Allons rue des Rosiers. Les soldats et l’officier obéirent ; Varlin toujours les mains liées, gravit les buttes, sous l’insulte, les cris, les coups ; il y avait environ deux mille de ces misérables ; il marchait sans faiblir, la tête haute, le fusil d’un soldat partit sans commandement et termina son supplice, les autres suivirent. — Les soldats se précipitèrent pour l’achever, il était mort.

    Tout le Paris réactionnaire et badaud, celui qui se cache aux heures terribles n’ayant plus rien à craindre vint voir le cadavre de Varlin. Mac-Mahon secouant sans cesse les huit cents et quelques cadavres qu’avait faits la Commune, légalisait aux yeux des aveugles, la terreur et la mort.

    Vinoy, Ladmirault, Douay, Clinchamp, dirigeaient l’abattoir écartelant, dit Lissagaray, Paris, à quatre commandements.

    Combien eût été plus beau le bûcher qui, vivants nous eût ensevelis, que cet immense charnier ! Combien les cendres semées aux quatre vents pour la liberté eussent moins terrifié les populations, que ces boucheries humaines ! Il fallait aux vieillards de Versailles ce bain de sang pour réchauffer leurs vieux corps tremblants."

    Maximin Luce, Eugène Varlin, exécution, Commune, Semaine sanglante, 1871

    Et voici comment le journal anti-communard Le Tricolore raconte la mort de Varlin, dénoncé par un prêtre et qui illustre à quel point la bourgeoisie était terrorisée par le programme de la Commune de Paris.

    » Dimanche dernier, vers trois, heures de l'après-midi, les promeneurs, très nombreux, ont pu voir, rue Lafayette, l'arrestation de Varlin, membre de la Commune, ex-délégué au ministère des finances.
    » Il était assez pauvrement vêtu et était entouré de quatre soldats conduits par un officier, qui venaient de s'emparer de sa personne.
    » Après l'avoir fouillé, on lui lia les mains, puis il fut dirigé vers les buttes Montmartre.
    » Au moment de son arrestation, il n'y avait que sept ou huit personnes croyant assister à la prise d'un simple fédéré, mais, au même instant, Un passant, probablement mieux informé que les autres, s'écria : C'est Varlin ! Les personnes présentes à cette exclamation se mirent à la suite des quatre soldats, remplissant dans ce moment les fonctions de gardiens de cet homme, qui n'avait pas craint de coopérer au commencement de la destruction de Paris.
    » La foule grossissait de plus en plus, et on arriva avec beaucoup de peine au bas des buttes Montmartre, où le prisonnier fut conduit devant un général dont nous n'avons pu retenir le nom; alors l'officier de service chargé de cette triste mission, s'avança et causa quelques instants avec le général, qui lui répondit d'une voix basse et grave : Là, derrière ce mur.
    » Nous n'avions entendu que ces quatre mots et quoique nous doutant de leur signification, nous avons voulu voir jusqu'au bout la fin d'un des acteurs de cet affreux drame que nous avons vu se dérouler devant nos yeux depuis plus de deux mois; mais la vindicte publique en avait décidé autrement. Arrivé à l'endroit désigné, une voix, dont nous n'avons pu reconnaître l'auteur et qui fut immédiatement suivie de beaucoup d'autres, se mit à crier : II faut le promener encore, il est trop tôt. Une voix seule alors ajouta : Il faut que justice soit faite rue des Rosiers, où ces misérables ont assassiné les généraux Clément Thomas et Lecomte.
    » Le triste cortège alors se remit en marche, suivi par près de deux mille personnes; dont la moitié appartenait à la population de Montmartre.
    » Arrivé rue des Rosiers, l'état-major ayant son quartier général dans cette rue s'opposa à l'exécution.
    » Il fallut donc, toujours suivi de cette foule augmentant à chaque pas, reprendre le chemin des buttes Montmartre. C'était de plus en plus funèbre, car, malgré tous les crimes que cet homme avait pu commettre, il marchait avec tant de fermeté, sachant le sort qui l'attendait depuis plus d'une heure, que l'on arrivait à souffrir d'une aussi longue agonie.
    » Enfin, le voilà arrivé; on l'adosse au mur, et pendant que l'officier faisait ranger ses hommes, se préparant à commander le feu, le fusil d'un soldat, qui était sans doute mal épaulé, partit, mais le coup rata ;— immédiatement les autres soldats firent feu, et Varlin n'existait plus.
    » Aussitôt après, les soldats, craignant sans doute qu'il ne fût pas mort, se jetèrent sur lui pour l'achever à coups de crosse; mais l'officier leur dit : » Vous voyez bien qu'il est mort; laissez-le. »

    Le Tricolore, 1er juin 1871, cité dans
    Les Huit journées de mai derrière les barricades, par Lissagaray - p.179.

  • Le parti de l'ordre : que peut faire de mieux une monarchie ?

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    " Cette incarnation monstrueuse de l’égoïsme, de l’hypocrisie et de la férocité, que l’imbécile vulgaire accepte sous le nom de parti de l’ordre, et qui derrière cette raison sociale abrite effrontément ses tripots, ses coupe-gorge et ses lupanars. "

    André Léo

     André Léo, écrivaine et féministe, participa à la Commune de Paris. Dans " La guerre sociale", un discours prononcé au Congrès de la paix de Lausanne en 1871, elle tire quelques enseignements politiques de ces évènements et y dénonce  " la calomnie officielle " concernant la Commune de Paris, calomnie qui dure encore :

    " Combien y a-t-il d'esprits indépendants qui se soient dit : quand les vainqueurs ont seuls la parole, quand les vaincus ne peuvent rien alléguer ni rien démentir, il est de justice et de sens commun de suspendre son jugement. "

    Lors du Congrès, sa prise de parole dérangea tellement une partie du public, qu’après une première interruption le président lui interdit de continuer.

    *

    Dans cet extrait, André Léo revient sur le crime contre l’humanité que constitua la Semaine sanglante de mai 1871 et qui s'acheva le 28 mai. C’est  à l’armée de Mac Mahon que fut confiée l’exécution des basses œuvres et les massacres se poursuivront encore un mois, sans parler des déportations. Et ce fut Adolphe Thiers qui en fut le boucher en chef et représentait alors "le plus petit dénominateur commun des "centres" bourgeois, conservateurs et royalistes modérés "selon les termes de Jacques Serieys.

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    3992716853.pngLa liberté a repris ses chaînes ; la pensée ses menottes ; encore une fois, grâce à la peur, tout est permis à ceux qui règnent. La ville qui était la capitale du monde, et qui n’est plus même la capitale de la France, a perdu ses citoyens ; mais elle a retrouvé ses petits crevés et ses courtisanes. Tout ce qu’elle avait de sang généreux a coulé dans ses ruisseaux et a rougi – ce n’est pas une figure – les eaux de la Seine ; et pendant huit jours et huit nuits, afin que le Paris de la révolution redevint le Paris des empires, on en a fait un immense abattoir humain !

    J’ai vu ces jours de sang ; j’ai entendu pendant ces nuits horribles, le bruit des feux du peloton et des mitrailleuses. J’ai reçu de nombreux témoignages ; j’ai recueilli les aveux écrits des assassins eux-mêmes, au milieu de leur joie féroce ; et jamais le sentiment d’indignation qui s’est élevé en moi ne s’apaisera ! et tant que je vivrai, partout où je pourrai être entendue, je témoignerai contre cette incarnation monstrueuse de l’égoïsme, de l’hypocrisie et de la férocité, que l’imbécile vulgaire accepte sous le nom de parti de l’ordre, et qui derrière cette raison sociale abrite effrontément ses tripots, ses coupe-gorge et ses lupanars.

    Et l’on parle encore de 93 ! Et le spectre rouge, tout en loques, sert encore d’épouvantail à la volatile ! Qu’était cette terreur rouge du siècle dernier, la seule (car la démocratie n’en fait plus), qu’était-ce que cette crise fatale, qu’expliquent la famine et le danger, en comparaison de ces terreurs tricolores, dont la terreur de 71 est de beaucoup la plus épouvantable, et qui vont toujours croissant de rage et d’intensité ? Quel mois de 93 vaut cette semaine sanglante pendant laquelle 12 000 cadavres – ce sont leurs journaux qui le disent – jonchèrent le sol de Paris ? Les prisons suffisaient en 93 ; il leur faut aujourd’hui des plaines à Versailles et des pontons dans tous les ports. La terreur tricolore l’emporte de toute la supériorité de la mitrailleuse sur la guillotine ; de toute la distance qui sépare dans le mal, la préméditation et l’emportement. La guillotine, au moins, ne tuait qu’en plein jour et ne tranchait qu’une vie à la fois. Eux, ils ont tué huit jours et huit nuits d’abord ; puis la nuit seulement, pendant plus d’un mois encore. Deux personnes honorables, qui habitent deux points opposés des environs du Luxembourg, m’ont affirmé avoir encore entendu, dans la nuit du 6 juillet, les détonations lugubres.

    J’ai beau faire. Je ne vois du côté de la Commune que 64 victimes – si l’on persiste à lui attribuer l’exécution des otages, qu’elle n’a pas ordonnée – et de l’autre, j’en vois, suivant le chiffre le plus bas, 15 000 – beaucoup disent 20 000 – Mais   qui peut savoir le compte des morts dans une tuerie sans frein, dans un massacre sans jugement, dont toute la règle est le plus ou moins d’ivresse du soldat, le plus ou moins de fureur politique de l’officier ? Demandez aux familles qui cherchent en vain un père, un frère, un fils disparu, dont elles n’auront jamais l’extrait mortuaire.

    Quand on contemple de tels faits et qu’on voit la réprobation s’attacher… à qui ? aux victimes ! on est étourdi, et l’on se demande quelle est cette plaisanterie qu’on nomme l’opinion, la conscience humaine ? Oui, ce sont les égorgeurs qui accusent !  Le monde n’est rempli que de leurs cris. Et c’est aux égorgés qu’on refuse même le droit d’asile, en alléguant la morale outragée et la sainte pudeur ! Quelle est donc cette morale ? Que signifie cette justice ? Qu’est devenu le sens des mots ? Ce monde se dit sceptique ; ce siècle se prétend incrédule ; et il croit aux larmes de Thiers ! aux indignations des Jules Favre ! à la sensibilité des bourreaux et aux serments des faussaires ! Pourquoi pas à l’honneur des Louis Bonaparte ?

    Hélas ! la politique de cette malheureuse humanité ne consistera-t-elle jamais qu’en un changement de noms"

    André Léo : La Guerre sociale Discours prononcé au congrès de la paix

    *

    André Léo  résumait les années 1870 et 1871 : un schéma copié depuis - avec ou sans monarchie  :

    3992716853.pngLa France, abandonnée à l’étranger ; les trahisons et les malversations de 1870 ; l’armistice et la paix de 1871 , la guerre civile, l’égorgement de Paris, la terreur tricolore, l’instruction publique aux prêtres, la presse aux financiers, la justice aux entremetteurs, l’armée aux assassins, l’administration aux corrompus, la politique aux Basiles, que peut faire de mieux une monarchie ? "

  • Camp de Satory : l'ordre versaillais règne

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    Commune de Paris

    La répression versaillaise

    L'ordre régnait à Paris.
    Cavaignac avait promis le pardon, et il massacra.
    M. Thiers avait promis le massacre, il en saoula l'armée.
    Il n'y eut plus à Paris qu'un gouvernement, l'armée qui avait massacré Paris.
    « Soldats et marins, dit Mac-Mahon, le public applaudit au succès de vos patriotiques efforts.»

    Lissagaray

    camp de satory,commune de paris,versaillais

    Les Communards faits prisonniers durant la Semaine sanglante de mai 1871 étaient sommairement jugés par des cours martiales. Après les interrogatoires qui duraient en moyenne un quart d'heure, les condamnés étaient expédiés par groupe de 50 et de 100 devant les pelotons d'exécution. A Ivry, 800 d'entre eux furent exécutés à la mitrailleuse. Ceux qui avaient échappé à la mort étaient conduits à la Conciergerie de Versailles et  dans le camp militaire de Satory où ils étaient parqués dans des conditions atroces, couchant dehors à même le sol, vivant dans la boue et les excréments : la morbidité y fut évidemment très élevée.

    Les survivants furent ensuite dirigés en wagons à bestiaux vers les ports de mer où, enfermés plusieurs mois sur de vieux navires, ils attendirent le moment de leur déportation.

    A partir de  juillet 1871, c'est donc plus de 40 000 communards qui furent raflés par les troupes de Mac-Mahon et détenus dans différents lieux à Versailles.

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    Camp de Satory, 1871 -Pétroleuses emprisonnées et femmes chantantes, 1873, gravure .Ce sont ici les femmes du camp de Satory attendant la déportation. La seconde personne, bras croisés, à l'extrême droite, est Louise Michel.  (Institut international d'histoire sociale)
     

    Dans ses Mémoires, la communarde Louise Michel raconte :

    3992716853.pngOn ne peut rien voir de plus horrible que les nuits de Satory. On pouvait entrevoir par une fenêtre à laquelle il était défendu de regarder, sous peine de mort, (mais ce n'était pas la peine de se gêner) des choses comme on n'en vit jamais.
    Sous la pluie intense, où de temps à autre à la lueur d'une lanterne qu'on élevait, les corps couchés dans la boue, apparaissaient sous forme de sillons ou de flots immobiles s'il se produisait un mouvement dans l'épouvantable étendue sur laquelle ruisselait l'eau. On entendait le petit bruit sec des fusils, on voyait des lueurs et les balles s'égrenaient dans le tas, tuaient au hasard.
    D'autrefois, on appelait des noms, des hommes se levaient et suivaient une lanterne qu'on portait en avant, les prisonniers portant sur l'épaule la pelle et la pioche pour faire leurs fosses, qu'ils creusaient eux-mêmes, puis suivaient des soldats, le peloton d'exécution.
    le cortège funèbre passait, on entendait des détonations, c'était fini pour cette nuit-là."   

    Lissagaray, témoin et acteur de la Commune, dans Les Huit journées de mai derrière les barricades, donne de longues descriptions du camp et des conditions faites aux prisonniers :

    3992716853.pngLe Figaro décrivait ainsi la queue d'un convoi :

    «  Le hideux troupeau est suivi de charrettes. La première attire surtout l'attention de la foule.

    « Presque couché sur la première banquette enfoui dans la paille jusqu'aux genoux, mais, redressant le torse et la tête, on distingue un homme jeune encore, brun, et rappelant par son attitude le personnage principal des Moissonneurs, de Léopold Robert. Son visage annonce une rare énergie, il regarde la foule avec mépris, lui crie : Lâche ! lâche ! en lui lançant un crachat au détour de l'avenue.

    « A ses pieds est couché un homme qui agonise : sa main soubresaute fébrilement, ses jambes s'agitent comme celles d'un homme atteint de la danse de Saint-Guy ; il râle ; il va mourir dans un instant.

    « Sur une autre voiture est étendu un prisonnier qui a voulu s'échapper ; il porte au cou une large plaie béante ; sa tête chauve balance sur sa poitrine, comme si elle était à demi détachée du tronc. C'est horrible à voir.

    « Une cantinière, assise sur la première banquette, insulte à la foule en la menaçant du poing ; ce poing est ensanglanté et a perdu plusieurs doigts dans la lutte de la barricade : un rouge coup de sabre lui traverse la figure.

    « Un dernier peloton de chasseurs ferme la marche, et le hideux cortège va rejoindre le premier.

    « On entend un bruit de tambours lointain : une poussière blanche s'élève à l'horizon : c'est un nouveau convoi de prisonniers qu'on nous amène. »

    Les honnêtes gens de Versailles couraient comme à une fête au devant de ces chaînes sans fin. Et les dames du meilleur monde ne dédaignaient pas de donner du bout de leurs ombrelles dans le flanc de quelques fédérés. Escortés par les risées et les imprécations de cette populace gantée, ces malheureux traversaient dans toute son étendue la ville de Versailles, toujours tête nue au soleil, et gravissaient la hauteur de Satory. Le correspondant d'un journal clérical belge, disait avoir vu dans le même chariot à fumier un mort, un mourant, un blessé, et la foule criait : «  En voilà qui ne donneront pas d'embarras à leur confesseur. » Il ajoutait : «  Un avocat distingué, qui n'a pas son pareil pour maudire la Commune, dit qu'il a vu avec dégoût un officier tirer son sabre contre une femme qui tâchait de sortir des rangs, lui faire une large blessure au visage et lui enlever du même coup une portion de l'épaule. »

    «  En voyant comme volaient les injures, les ricanements, etc. » disait l'Indépendance Belge, « je ne pouvais m'empêcher de penser que si quelqu'un s'en fût permis autant, quand, il y a quatre mois, passaient dans une de nos villes des prisonniers prussiens, il n'y aurait eu qu'un cri de réprobation dans la foule. Quoiqu'il en soit, ce spectacle fait mal. Aux portes de la ville, on force les prisonniers à se découvrir : « Allons ! Canaille ! chapeaux bas devant les honnêtes gens ! » Quelques-uns résistent : alors le bout d'une canne fait tomber à terre leur képi.»

    Malheur à qui laissait échapper une parole de commisération. Sur la place d'Armes, deux rédacteurs des journaux les plus enragés de Versailles, écœurés à la fin de tant d'ignominies, voulurent élever la voix, faire respecter les vaincus. Immédiatement entourés, bousculés, maltraités, on les saisit et ce fut à grand-peine qu'ils purent être conduits au poste sans être mis en lambeaux. A Paris, beaucoup de personnes qui avaient manifesté sur le passage des prisonniers des sentiments de commisération, furent arrêtées et souvent jointes aux convois. L'arrestation de Rochefort n'avait pas été moins odieuse. «  De tous côtés, disait le Français, on entendait les cris : «  A mort ! à mort ! » Près de la porte de la prison, un spectateur ayant crié : « A la lanterne !» ce cri fut immédiatement répété par toute la foule! »

    Et voilà ces civilisés de Versailles qui devaient faire rentrer la France dans la voie de la civilisation ! Combien, malgré les souffrances affreuses de deux mois de siège, ces brigands de Paris furent bons et humains à côté de ces honnêtes gens ! Quand a-t-on insulté un prisonnier dans le Paris de la Commune? Quand peut-on citer une seule scène semblable aux sauvageries qui journellement se produisaient à Versailles ?

    Quel coin obscur de la Conciergerie a caché la millième partie des tortures qui s'étalaient en plein soleil au camp de Satory ?

    « Ils sont là, disait l'Indépendance française, plusieurs milliers, empoisonnés de crasse et de vermine, infectant à un kilomètre à la ronde. Des canons sont braqués sur ces misérables, parqués comme des bêtes fauves. Les habitants de Paris craignent l'épidémie résultant de l'enfouissement des insurgés tués dans la ville ; ceux que l'Officiel de Paris appelait les ruraux craignent bien davantage l'épidémie résultant de la présence des insurgés vivants au camp de Satory. »

    On les avait jetés là, en plein air, tête découverte ; ils couchaient dans la boue, n'ayant d'autre nourriture que du biscuit gâté et de l'eau infecte puisée à une mare dans laquelle les gardiens ne se gênaient pas pour faire leurs ordures. Les premières nuits furent très-froides, il plut beaucoup. Dans celle du vendredi 26, dix-sept d'entre eux moururent.

    Le grand mur d'enceinte du camp était crénelé. Par des trous de distance en distance passait la bouche des mitrailleuses, qu'on avait eu soin auparavant de faire défiler devant les prisonniers. Des deux côtés de la porte centrale, des chasseurs à cheval faisaient la haie, le sabre au poing. - Il arriva que les soldats, pris de panique ou de rage, déchargèrent leurs chassepots dans le tas. Dans la nuit du 25 au 26 mai, il y eut une sorte d'émeute, ou du moins les gardiens l'affirmèrent. Trois cents prisonniers furent passés par les armes. Amenés au bord d'une fosse garnie de paille ils y furent précipités à coups de fusil, puis on arrosa le tout de pétrole et on mit le feu. Beaucoup n'étaient pas morts. Il y eut des hurlements épouvantables. A de certaines heures, ordre était donné à tous de se lever, de se coucher sur le côté gauche ou sur le côté droit, et toute infraction à ce commandement était suivie de coups de revolver.

    Les journaux ne tarissaient pas sur la mine ignoble des prisonniers. «  Ces êtres sont hideux », disait Paris-Journal. « Toutes ces faces sont hargneuses, bilieuses, renfrognées » (Figaro). « Visages patibulaires » (la France). « Chienlits Maquillés de sang et de poudre, qui volaient à jeun et tuaient après dîner », disait un autre.

    Ces messieurs trouvaient étonnant que des gens qu'on couche dans la boue et en plein air, dont on fusille de temps en temps quelques centaines, n'eussent pas la mine fleurie d'un rédacteur versaillais. Et flétrir la mauvaise et triste mine voilà tout ce que cet odieux spectacle leur inspirait.

     Lissagaray. p 206 et suivantes

     

    3992716853.png Le camp de Satory devint, comme la route de Versailles, le but de promenade de la bonne compagnie. Les officiers en faisaient les honneurs aux dames, aux députés, aux fonctionnaires, leur montraient les sujets, au besoin les prêtaient à M. Dumas fils, pour qu'il pût commencer in anima vili ses études sur la question sociale.

    En général, les prisonniers, avant d'être envoyés à Satory, séjournaient quelque temps dans l'Orangerie de Versailles, entassés dans ces immenses serres, pêle-mêle, sans paille dans les premiers jours. Quand ils en eurent, elle fut bien vite réduite en fumier, on ne la renouvela plus. — Pas d'eau pour se laver, nul linge, nul moyen de changer ses guenilles. Deux fois par jour, dans une auge, un liquide jaunâtre, — c'était la pâtée. — Pas de médecins. Il y avait des blessés, la gangrène les rongea ; des ophtalmies se déclarèrent. —Les cas de folie furent nombreux. — Derrière les grilles s'entassaient les femmes ; les filles des prisonniers, hébétées, affolées, s'efforçant de distinguer un être cher dans ce troupeau vaguement entrevu dans l'ombre, derrière les caisses d'orangers rangées en palissade.

    Ces malheureuses s'arrachaient les cheveux de désespoir, grondaient sourdement contre les soldats qui, le chassepot chargé, regardaient menaçants.

    De temps en temps, une sorte de magistrat instructeur arrivait, faisait appeler les détenus, qui étaient conduits devant lui par escouades de dix, les menottes aux mains, et accompagnés tantôt par des sergents de ville, tantôt par un peloton de soldats. — Instruction dérisoire! Comment d'ailleurs, par quel témoignage arriver à  constituer le  dossier de  quarante mille  prisonniers ? — On n'y songeait même pas.

    Bientôt le camp, quoique immense, fut encombré et l'on dut évacuer les victimes. Dès le 26, on les dirigea sur les ports de mer. On les enfermait dans des wagons à bétail solidement cadenassés, sans autres ouvertures que quelques trous à air, et. ils y restaient souvent trente-deux heures. Entre les différents wagons on en intercalait un, compose de sergents de  ville, munis de chassepots et de revolvers.

    A la Ferté-Bernard, le train avait dépassé la gare de 200 mètres, quand des cris partirent de plusieurs wagons ; les prisonniers étouffaient. Le chef de l'escorte fit arrêter le convoi, les agents descendirent et déchargèrent leurs revolvers à travers les trous à air. Le silence se fit... et les cercueils roulants repartirent à toute vapeur.

    A Brest et à Cherbourg, les prisonniers furent répartis sur de vieux vaisseaux embossés en rade, chacun de ces bâtiments contenant environ mille prisonniers. Depuis la cale jusqu'au pont, dit un témoin oculaire, ils sont — (ils sont encore après quatre mois !) — empilés dans des parcs formés par des madriers comme dans de grandes caisses d'emballage. Les sabords cloués ne laissent passer qu'un filet de lumière. Nulle ventilation. L'infection est horrible. La vermine y grouille. Il y a des blessés : pas de médicaments, pas d'ambulances ; rien.

    Les malheureux, inconnus, — car on n'a pas la liste de leurs noms, on ne s'est pas occupé de leur identité,— restent là, entassés dans leurs cages, gardés par des canons chargés à mitraille, enfermés entre d'énormes grilles de fer, plus misérables que les nègres à bord d'un navire faisant la traite. »

    Tout matelot que l'on surprend causant avec eux est passible de mort. Les sentinelles qui veillent aux entreponts ont ordre de tirer sur les détenus s'ils s'approchaient du grillage des sabords. Leur nourriture est ainsi composée : à cinq heures du matin, un biscuit ; à midi, du pain et des haricots ; à six heures, un biscuit et des haricots. Pas de vin, pas de tabac. Les envois ne parviennent point."

    Lissagaray, Les Huit journées de mai derrière les barricades,  p.212 et suivantes

     

     

  • 24 mai 1871 :agonie de la République démocratique et sociale

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    Une grande partie de l'action de la Commune fut absorbée dans la lutte contre l'offensive menée par les troupes régulières obéissant au gouvernement du pays dirigé par Thiers et dénommées les « versaillais » par les insurgés.

    Comme le montre sa correspondance télégraphique avec Jules Favre, qui négocia la paix avec les Allemands, Adolphe Thiers bénéficia de l'appui du chancelier allemand Bismarck qui libéra près de 60 000 prisonniers de guerre venus renforcer 12 000 soldats dont disposait Thiers. Le 1er avril, celui-ci déclarait à l'Assemblée nationale qu'il mettait sur pied « une des plus belles armées que la France ait possédée ». Où se niche le patriotisme.

    Les versaillais seront 130 000 au début de la Semaine sanglante pour le massacre final. (Source Wikipedia)

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    Elie Reclus, frère aîné du géographe Élisée Reclus, est l'auteur de La Commune de Paris, au jour le jour  - 19 mars-28 mai 1871. Journaliste, ethnologue et humaniste libertaire, il fut le porte-voix des « peuples sauvages ». S'engageant avec son frère pour défendre la Commune de Paris - il fut le directeur éphémère de la Bibliothèque nationale - il sera condamné par contumace pour ses activités révolutionnaires.

    3992716853.png24 mai 1871 - Nous en sommes donc venus là. Nous nous faisons la guerre entre concitoyens à la façon des Dacota et des Delaware se brûlant réciproquement leurs villages. On contemple ce spectacle d'horreur avec une froide désespérance avec un sang-froid méprisant. Brûle ce qui brûle: Précipités au fond de l'abîme, plongés dans le gouffre des désastres, quand on troue tant de poitrines vivantes, quand on écrase tant de cervelles qui pensent, quand nous étouffons dans une mer de sang, que nous font encore monuments et statues, livres et tableaux, paperasses et tapisseries ! Brûle ce qui brûle ! Quand une armée de deux cent mille baïonnettes, avec cinq cents canons et obusiers se ruent sur nos quartiers, quand la horde des bonapartistes, cléricaux, orléanistes et libéraux combinés s'acharnent sur notre infortunée République démocratique et sociale; quand la France se suicide de ses propres mains, que nous font quelques joyaux de moins au collier de Paris qui expire !

    Quand on a perdu « les causes de la vie » ainsi que s'exprime Lucrèce, on voit que le bonheur est peu de chose, et qu'il tient à peu de chose. Quand la racine maîtresse est coupée, tronc et branchages tombent volontiers.

    Flottants comme la malheureuse méduse échouée sur le rivage, notre volonté est inutile, nos efforts sont vains, notre espoir est ridicule, et le bon sens est absurde. Quand le flot la soulève, la méduse agite sa masse confuse, bras, rubans et tentacules grouillent et remuent, puis retombent dans le vide, inertes et paralysés. Nos petites existences sont portées par de grands événements. Maintenant la vague ramène le mollusque à la grande mer, source de vie; maintenant la vague le rejette sur le roc contre lequel elle le brise, lambeau par lambeau. Nous ne sommes qu'un accident perdu dans l'ensemble. Ce qui nous est personnel et individuel, ce qui est vraiment nous est mesquin, somme toute, et sordide. Mais quant à la vie générale, quant à l'immense histoire universelle, qu'elle nous touche, et vous saurez qu'elle est aveugle, qu'elle est cruelle !

    Nuit de mai splendidement belle, d'une beauté de Gorgone et d'Euménide.

    La lune brille avec une douce majesté dans les vastes cieux. La Seine apporte des paillettes d'argent dans un lac d'or pâle. Un vent doux et frais se glisse çà et là en frôlant les feuilles palpitantes et les fleurs amoureuses.

    Au second plan, le fleuve s'élargit en un étang de fer fondu, c'est la réverbération des incendies : l'eau, la ville, le ciel flamboient. Contre la masse rougeoyante des Tuileries se profilent les noires tours de Notre-Dame. Jusqu'au zénith les flammes lancent des panaches de fumées rutilantes, sanglantes comètes.

    Un rossignol vocalise dans les arbres, on l'entend parfaitement, malgré le roulement grondant des canonnades incessantes. Et toute la nuit on distinguait dans l'effroyable cacophonie le tocsin douloureux de Belleville et de Ménilmontant, s'arrêtant, reprenant, puis les appels désespérés des tambours battant la générale. C'est le glas de l'agonie.

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    La Commune de Paris rendit  le Panthéon à un usage laïc :" Le 31 Mars 1871, trois jours après l'élection de la Commune par les parisiens, le drapeau rouge fut hissé sur le bâtiment. Le 2 avril, les petites branches de la croix qui surmonte l'édifice furent sciées et le drapeau fixé au sommet, salué par les canons qui se trouvaient sur la place."

    Le jeudi 25 mai le Panthéon était dépouillé de son drapeau rouge et redevenait l'église Sainte-Geneviève.

  • Sétif : 8 mai 1945

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    le-massacre-8-mai-1945.jpgLe 8 mai 1945, à l’appel conjoint du Parti du Peuple algérien et des Amis du Manifeste et de la liberté* une manifestation pacifique a lieu à Sétif pour fêter la chute du nazisme contre lequel de nombreux Algériens ont combattu.

    Dans la manifestation  se succèdent les  slogans " Libérez Messali! ", " Vive l’Algérie libre et indépendante! ", " A bas le fascisme et le colonialisme! " jusqu'au moment où  Bouzid Saal, un jeune homme de 22 ans, refusant de baisser le drapeau algérien qu’il porte,  est abattu par un policier .

    C'est ce qui déclenchera l’émeute suivie de la terrible répression.

    La foule d'environ 8.000 personnes se déchaîne et assassine 27 Européens  Puis l'insurrection s'étend à des villes voisines, faisant en quelques jours une centaine  de victimes  dans la population européenne.
    Aux côtés des morts " européens ", des dizaines de milliers de personnes seront tuées  : 8 000, 20 000, voire 45 000 selon les sources... Durant les quatre jours de massacres l'aviation elle-même sera requise pour bombarder les zones insurgées comme dans une véritable opération de guerre.

    A Guelma  les exactions seront commises de sang-froid par les Européens de la ville constitués en une milice coloniale organisée par  le sous-préfet André Achiary que couvre le gouverneur socialiste Yves Chataigneau qui l'a nommé à ce poste.

    3992716853.pngC’est une chose atroce de tuer nuitamment la famille d’un fermier de la Mitidja, ou de mitrailler la foule des promeneurs dominicaux dans une rue de Bône. Mais c’est une chose incommensurablement plus atroce de fonder sur des dizaines de milliers de cadavres périodiquement rafraîchis un régime d’abjection que huit millions d’Africains vomissent.
    La majorité africaine ou ses défenseurs emploient depuis 1954 les procédés de la terreur de masse contre la minorité européenne. Mais il est bon de se souvenir que depuis 1830 les procédés de la terreur de masse sont employés par la minorité européenne et ses défenseurs contre la majorité africaine. Priorité dans l’horreur. "Que messieurs les terroristes européens commencent. " Commencent à sacrifier des privilèges qui n’ont pu s’établir et ne sont protégés que par des bains de sang épisodiques et une oppression permanente." Robert Bonnaud »

     Sétif

    Albert Camus sera le seul éditorialiste à dénoncer ces crimes et à réclamer pour l’Algérie " le régime démocratique dont jouissent les Français " - sans pour autant aborder la question de son indépendance.

    Le traumatisme de Sétif et de Guelma - le plus grand massacre de l'histoire de la France contemporaine, en temps de paix - radicalisa irréversiblement le mouvement national algérien. En France il a été le plus souvent occulté ou travesti :

    " Jamais l’ordre chronologique des événements tels qu’ils se sont réellement déroulés n’a été rapporté dans les journaux. Jamais le véritable objet de l’intervention policière – empêcher la présence du drapeau du Parti du peuple algérien (PPA) parmi les emblèmes nationaux des pays victorieux de la seconde guerre mondiale – n’a été restitué par eux comme le point de départ des incidents. " (LDH Toulon )

    En 2005 l’ambassadeur de France en Algérie condamnait  les événements de mai 1945, qualifiés de "tragédie inexcusable". Mais trois ans plus tard l’historien français Henri Pouillot indiquait  que de nombreux documents dits non communicables à la recherche historique gardaient au secret "des réalités sur les massacres du 8 mai 1945, ou ceux du 17 octobre 1961 à Paris, et ceux traitant des cas de tortures par l’armée française, notamment à la villa Suzini d’Alger".  Par les effets de la loi  sur la conservation et la communication des archives de juillet 2008, ce n'est qu'en 2037 que le libre accès à tous les documents publics concernant la guerre d’Algérie sera autorisé.

    *

     


    Les massacres de Sétif, un certain 8 mai 1945

    par smallflume

    " Ce film a été réalisé en 1995 et la plupart des témoins sont désormais disparus ce qui donne d'autant plus de valeur à cette collecte de mémoires. Le réalisateur, Mehdi Lallaoui, vient d'ajouter à son film de nouvelles séquences documentaires, qui lui avaient été dissimulées en 1995 lors de la fourniture des documents par l'ECPA (Établissement cinématographique et photographique des armées). Des séquences montrant les brutalités et les crimes de la répression. Des "crimes contre l'humanité" car c'est la qualification qui devrait être retenue pour qualifier cette intervention qui, selon certains historiens, est la cause principale du déclenchement de la guerre d'Algérie."

    *

    * Le Parti du Peuple algérien est  un parti  interdit.  Messali Hadj, son fondateur, est assigné à résidence. Amis du Manifeste et de la liberté  de Ferhat Abbas,

    > La guerre d’Algérie a commencé à Sétif,  par Mohammed Harbi - Le Monde diplomatique.

    > Mai 1945 : les "événements de Sétif" analysés par Albert Camus -Histoire coloniale & post-colonial

    > Deux rapports du consul de Suisse sur les événements de mai 1945 à Sétif - Histoire coloniale & post-coloniale

    > Massacres de Sétif et Guelma - Wikipedia

    > La répression de mai 1945 dans le Constantinois, par Mekhaled Boucif, Université d’Oran / ENS Lyon.


    > Les massacres de Sétif, un certain 8 mai 1945 - Quartier libres

    > La SFIO, Guy Mollet et l’Algérie de 1945 à 1955 (1986) Guy Perville

     

  • 1er mai : contre la sauvagerie d'autres siècles

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    à écouter l'émission  ;"une histoire du 1er mai" sur  Polemix Radio

     Quelles sont les origines du 1er mai ?

    Rosa Luxemburg

    3992716853.pngL’heureuse idée d’utiliser la célébration d’une journée de repos prolétarienne comme un moyen d’obtenir la journée de travail de 8 heures [1], est née tout d’abord en Australie. Les travailleurs y décidèrent en 1856 d’organiser une journée d’arrêt total du travail, avec des réunions et des distractions, afin de manifester pour la journée de 8 heures. La date de cette manifestation devait être le 21 avril. Au début, les travailleurs australiens avaient prévu cela uniquement pour l’année 1856. Mais cette première manifestation eut une telle répercussion sur les masses prolétariennes d’Australie, les stimulant et les amenant à de nouvelles campagnes, qu’il fut décidé de renouveler cette manifestation tous les ans.

    De fait, qu’est-ce qui pourrait donner aux travailleurs plus de courage et plus de confiance dans leurs propres forces qu’un blocage du travail massif qu’ils ont décidé eux-mêmes ? Qu’est-ce qui pourrait donner plus de courage aux esclaves éternels des usines et des ateliers que le rassemblement de leurs propres troupes ? Donc, l’idée d’une fête prolétarienne fût rapidement acceptée et, d’Australie, commença à se répandre à d’autres pays jusqu’à conquérir l’ensemble du prolétariat du monde.

    Les premiers à suivre l’exemple des australiens furent les états-uniens. En 1886 ils décidèrent que le 1er mai serait une journée universelle d’arrêt du travail. Ce jour-là, 200.000 d’entre eux quittèrent leur travail et revendiquèrent la journée de 8 heures. Plus tard, la police et le harcèlement légal empêchèrent pendant des années les travailleurs de renouveler des manifestations de cette ampleur. Cependant, en 1888 ils renouvelèrent leur décision en prévoyant que la prochaine manifestation serait le 1° mai 1890.

    Entre temps, le mouvement ouvrier en Europe s’était renforcé et animé. La plus forte expression de ce mouvement intervint au Congrès de l’Internationale Ouvrière en 1889 [2]. A ce Congrès, constitué de 400 délégués, il fût décidé que la journée de 8 heures devait être la première revendication. Sur ce, le délégué des syndicats français, le travailleur Lavigne [3] de Bordeaux, proposa que cette revendication s’exprime dans tous les pays par un arrêt de travail universel. Le délégué des travailleurs américains attira l’attention sur la décision de ses camarades de faire grève le 1° mai 1890, et le Congrès arrêta pour cette date la fête prolétarienne universelle.

    A cette occasion, comme trente ans plus tôt en Australie, les travailleurs pensaient véritablement à une seule manifestation. Le Congrès décida que les travailleurs de tous les pays manifesteraient ensemble pour la journée de 8 heures le 1er mai 1890. Personne ne parla de la répétition de la journée sans travail pour les années suivantes. Naturellement, personne ne pouvait prévoir le succès brillant que cette idée allait remporter et la vitesse à laquelle elle serait adoptée par les classes laborieuses. Cependant, ce fût suffisant de manifester le 1° mai une seule fois pour que tout le monde comprenne que le 1er mai devait être une institution annuelle et pérenne.

    Le 1er mai revendiquait l’instauration de la journée de 8 heures. Mais même après que ce but fût atteint, le 1er mai ne fût pas abandonné. Aussi longtemps que la lutte des travailleurs contre la bourgeoisie et les classes dominantes continuera, aussi longtemps que toutes les revendications ne seront pas satisfaites, le 1er mai sera l’expression annuelle de ces revendications. Et, quand des jours meilleurs se lèveront, quand la classe ouvrière du monde aura gagné sa délivrance, alors aussi l’humanité fêtera probablement le 1er mai, en l’honneur des luttes acharnées et des nombreuses souffrances du passé. 


     1894 - article publié dans le journal polonais « Sprawa Robotnicza »

    Notes

    1 - L’usage était alors une journée de travail d’au moins 10 à 12 heures par jour.
    2 - Il s’agit du premier congrès de la II° internationale.
    3 - Raymond Lavigne (1851- ?), militant politique et syndicaliste.

    *

    Chicago, 1884-1886

    En 1884, au cours du IVème congrès de l’American Federation of Labor, les principaux syndicats ouvriers américains se décident à «  imposer avant deux ans à leurs patrons la journée de 8 heures  »

    Les jours qui précèdent le 1er Mai 1886, le mot d’ordre court : «  Samedi prochain les ouvriers doivent défiler ». Environ 200 000 grévistes répondent pacifiquement à cet appel -  plus de 80 000  à Chicago. Certains patrons accordent la journée de 8 heures, d'autres non. 

    Le lundi 3 mai 1886, à Chicago, c’est donc la grève. Devant les usines Mc Cormik la police tire et tue un ouvrier. Le mardi 4 mai  3 000 personnes se joignent à une marche de protestation  place Haymarket.

    Tout se déroule dans le calme jusqu’à l'arrivée de près de 180 policiers. Il est demandé à la foule de se disperser et à ce moment une bombe est jetée dans les rangs de la police tuant huit hommes et en blessant soixante-sept autres. La police riposte : le nombre de morts ne sera jamais divulgué mais on sait que plus de 200 autres seront gravement blessées.

    Les « Martyrs de Chicago » ont des noms : Albert Parsons, August Spies, Michael Schwab,  George Engel, Adolph Fischer, Samuel Fielden, Louis Lingg. Parsons, Fielden, Fischer, Engel vont être pendus tandis que Lingg est suicidé en  prison.  Pendus par un Black Friday le 11 novembre 1887. Depuis, chaque 1er Mai, en dépit de la répression, le prolétaire tente de fleurir les rues pavées de la planète !" ( Jacques-Marie Bourget )

    A Chicago, sur une stèle commémorative du cimetière de Waldheim,  sont inscrites les dernières paroles de August Spies, l'un des condamnés :« Le jour viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd'hui .»

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     *

    Paris - 20 juin 1889

    Exposition universelle commémorant le centenaire de la Révolution française. Congrès international socialiste de fondation de la IIe Internationale

    Ce fut Edouard Anseele, socialiste belge, qui formula l'idée d'une grève internationale le 1er mai associant notamment les travailleurs français et allemands en une action commune. Lors du congrès international socialiste de Paris, Raymond Lavigne, syndicaliste français, déposa une résolution amendée par le dirigeant social-démocrate allemand Gustav Bebel et qui fut adoptée à l'unanimité :

    3992716853.pngIl sera organisé une grande manifestation internationale à date fixe, de manière que, dans tous les pays et dans toutes les villes, les travailleurs mettent, le même jour, les pouvoirs publics en demeure de réduire légalement la journée de travail à huit heures et d’ appliquer les autres résolutions du Congrès international de Paris.”.

         “ Attendu qu’ une semblable manifestation a déjà été décidée pour le 1er mai 1890 par l’ American Federation of Labor, dans son congrès de décembre 1988, tenu à Saint-Louis, cette date est adoptée pour la manifestation internationale”.

         “ Les travailleurs des diverses nations auront à accomplir cette manifestation dans les conditions qui leur sont imposées par la situation spéciale de leur pays.”

    *
    Fourmies, 1er mai 1891

     Le 1er mai 1891, les organisations ouvrières se préparent par différents moyens, dont la grève,  à obtenir enfin la journée de 8 heures.

    A Fourmies, petite ville textile du Nord de la France, à  10 Heures du matin, Les délégués désignés en Assemblée Générale des Travailleurs et réunis  au Café du Cygne, rue des Eliets, se rendent à la Mairie. Ils ont prévu d'y exposer leurs revendications :

    1. La journée de huit heures ;
    2. L'application de l'unification de l'heure pour la rentrée et sortie des fabriques et la même heure pour toutes, annoncée par la cloche locale ;
    3. Création d'une Bourse du Travail ;
    4. Révision générale des tarifs, suppression des règlements léonins, abrogation des amendes et des mal façons ;
    5. Fixation de la paie tous les huit jours, sans retard laissé dans la caisse des patrons au détriment de l'ouvrier, et l'obligation réciproque de prévenir 8 jours à l'avance en cas de cessation de travail ;
    6. Suppression des octrois ;
    7. Amélioration hygiénique à apporter dans certains ateliers en particulier à Fourmies et sa région.
    8. Création de Caisses de retraites pour les ouvriers.

    En réaction le patronat  menace de licenciement celles et ceux qui arrêteront le travail. Pour lui venir en aide, il obtient du préfet la mobilisation de deux compagnies d'infanterie équipées  du nouveau fusil Lebel  ( 9 balles de calibre 8 mm).

    "Ils avaient espéré épouvanter les ouvriers, mais ils ne purent que les exaspérer. Les plus indifférents furent pris de rage à cette menace qui les poussait à une cessation générale du travail. La quantité d'ouvriers qui ont été le 1er mai an travail fut si infime, que les fabricants durent les renvoyer chez eux."  Paul Lafargue

    En fin de journée,  face aux centaines de manifestants qui tentent d'obtenir la libération de grévistes interpellés dans la matinée et emprisonnés dans la mairie, le commandant Chapus crie : " Feu ! feu ! feu rapide ! Visez le porte-drapeau ! " La troupe s'exécute  tuant en quelques dizaines de secondes 9 manifestants - dont 4 femmes et un enfant - et en blesse une quarantaine d'autres.

    Le Matin, du 5 mai 1891,  dénonce les responsables du drame :

    "Le crime vient de plus haut et de plus loin. Il vient de ces faux apôtres du progrès, philosophes de quatre sous et politiciens de pacotille, qui ont entrepris de réformer les mœurs politiques de la France, en la déshabituant de ses anciennes croyances. C’est l’enseignement matérialiste inauguré par eux dans nos écoles qui engendre ces revendications impatientes et brutales."

    Le Nouvel Éclaireur de l’Oise, du 9 mai juge les enragés :

    "On a tué des femmes et des enfants ! crie-t-on. C’est vrai, c’est très fâcheux, soit ; mais qu’est-ce que ces femmes et ces enfants allaient faire là, s’il vous plaît ? Ils allaient porter aux hommes des pierres et des bâtons pour les jeter sur les soldats ; les femmes étaient là pour exciter les hommes et pour leur servir de bouclier. Tant pis pour eux. " Fallait pas qu’ils y aillent " dit la chanson, et ici la chanson dit vrai."

    Et L'Illustration, du 9 mai, ne cache pas son admiration :

    " C’est le fusil Lebel qui vient d’entrer en scène pour la première fois... Il ressort de ce nouveau fait à l’actif de la balle Lebel qu’elle peut très certainement traverser trois ou quatre personnes à la suite les uns des autres et les tuer. "

    fourmies

    La troupe et la cavalerie le jour des funérailles des victimes.

    " Tout Fourmies participa aux obsèques des neuf cadavres; on refusa l'accès du cimetière au maire et aux conseillers municipaux. Quant aux familles des victimes, elles refusèrent l'argent offert par les autorités municipales pour les frais des funérailles et leurs besoins; les ouvriers apportèrent les sommes recueillies par souscription."  Paul Lafargue 
    Suite aux massacre, un débat parlementaire  s’ouvre à la Chambre des Députés tandis que Culine et Lafargue sont arrêtés. Clemenceau réclame une amnistie générale en s’écriant : " C’est le quatrième Etat qui se lève et qui arrive à la conquête du pouvoir ". L’amnistie est repoussée.

    >  1er Mai 1891: la fusillade de Fourmies - Histoire par l'image

    >  Les effets du fusil Lebel étudiés par les médecins militaires du Val-de-Gâce

    > Sur le site marxists.org, le texte de  Paul lafargue, "La boucherie de Fourmies du 1er mai 1891"

    *

    Paris : manifestations du 1er mai 1906 

    paris 1er mai 1906

    Le Petit Journal