Pendant les trois premières années de la guerre d’Algérie, de 1954 à 1957, François Mitterrand fut ministre de l’Intérieur puis ministre de la Justice.
"A 39 ans, il prend ses fonctions de ministre de la Justice, le 2 février 1956, dans le gouvernement de Guy Mollet. C'est un homme politique confirmé, qui a déjà assumé sept portefeuilles ministériels depuis la fin de la guerre. Il connaît bien le problème algérien, puisqu'il était ministre de l'Intérieur quand l'insurrection a éclaté, quinze mois plus tôt, le 1er novembre 1954. Sa réaction d'alors est connue : « L'Algérie, c'est la France [...] ceux qui veulent l'en dissocier seront partout combattus et châtiés " (François Malye)
A l'époque, pour la majeure partie de la classe politique, il n'est pas question d'envisager l'indépendance de l'Algérie. Quant à la gauche traditionnelle, elle se refuse de prendre en compte le nationalisme algérien et la question coloniale.
" Les forces politiques issues de la Résistance se laissent investir par le parti colonial. « Je vous ai donné la paix pour dix ans ; si la France ne fait rien, tout recommencera en pire et probablement de façon irrémédiable », avait averti le général Duval, maître d’œuvre de la répression.
Le PCF – qui a qualifié les chefs nationalistes de « provocateurs à gages hitlériens » et demandé que « les meneurs soient passés par les armes » – sera, malgré son revirement ultérieur et sa lutte pour l’amnistie, considéré comme favorable à la colonisation.
En Algérie, après la dissolution des AML le 14 mai, les autonomistes et les oulémas accusent le PPA d’avoir joué les apprentis sorciers et mettent fin à l’union du camp nationaliste. Les activistes du PPA imposent à leurs dirigeants la création d’une organisation paramilitaire à l’échelle nationale. Le 1er novembre 1954, on les retrouvera à la tête d’un Front de libération nationale. La guerre d'Algérie a bel et bien commencé à Sétif le 8 mai 1945." (Mohammed Harbi)
Au nom de la lutte contre la “subversion”, le droit de la guerre n'était pas appliquer en Algérie et les nationalistes n'étaient pas considérer comme des combattants.
" Le 17 mars 1956 sont publiées au Journal officiel les lois 56-268 et 56-269, qui permettent de condamner à mort les membres du FLN pris les armes à la main, sans instruction préalable. Pourtant avocat de formation, François Mitterrand accepte d’endosser ce texte terrible : " En Algérie, les autorités compétentes pourront [...] ordonner la traduction directe, sans instruction préalable, devant un tribunal permanent des forces armées des individus pris en flagrant délit de participation à une action contre les personnes ou les biens [...] si ces infractions sont susceptibles d’entraîner la peine capitale lorsqu’elles auront été commises. " (Source LDH)
Plus de 1 500 condamnations à mort seront prononcées par la justice française. Entre 1956 et 1962, 222 militants du FLN seront exécutés le plus souvent au terme d’une parodie de justice au regard de la légalité républicaine.
" (...) L’Histoire nous a enseigné que le système colonial n’exécutait pas les responsables politiques après jugement. On préférait, comme pour Ben M’Hidi, s’en débarrasser avant en les assassinant. Dans la réalité, ce sont surtout des pauvres bougres qu’on a guillotinés. Pour l’exemple, pour faire peur. " (Abdelkader Guerroudj, militant du parti communiste algérien, condamné à mort puis gracié)
Victime parmi d'autres, Fernand Iveton, ouvrier, communiste, rallié au FLN et guillotiné pour l'exemple à Alger en 1957.
"En novembre 1956, il avait décidé de procéder au sabotage d'un tuyau dans l'usine à gaz où il travaillait, au moyen d'une bombe. Des précautions avaient été prises pour que l'explosion n'occasionne pas de victime mais uniquement des dégâts matériels. Arrêté le 14 novembre 1956, avant même qu'il ait pu installer la bombe, il fut d'abord torturé par des policiers, comme cela était alors la règle: décharges électriques sur le corps, supplice de l'eau." Jean-Luc Einaudi
Des années plus tard Mitterand avouera : "J’ai commis au moins une faute dans ma vie, celle-là." Ses biographes insistent pour dire qu’il tenta de sauver des condamnés à mort, ce que démentent les avis défavorables contenus dans les dossiers et autres archives. Sylvie Thénault, dans son livre Une drôle de justice , note que : " son désaccord avec les exécutions est loin de s’exprimer ou d’apparaître dans les documents d’époque. "
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> La guerre d’Algérie a commencé à Sétif - Mohammed Harbi Le Monde diplomatique
> Les guillotinés de Mitterrand - Le Point - François Malye (avec Philippe Houdart)
> La guillotine et la guerre d’Algérie - LDH Toulon
> François Mitterrand et la guerre d'Algérie François Malye et Benjamin Stora.