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Clemenceau le sinistre

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Discours de prise de fonction de Didier Lallemant :  « La main de Clemenceau n’a jamais tremblée quand il s’agissait de défendre la France », « protéger les manifestations c’est briser l’émeute » « je vous demande l'impunité zéro»

Clémenceau, briseur de grève au beau parcours d'homme de gauche " qui aime à casser et détruire" . Ce type achevé du radical social-démocrate est d'ailleurs un modèle pour Valls. 

Il fit une carrière exemplaire sous les ors de la Troisième république née des ruines de la Commune de Paris. Une Troisième république qui avait rapidement établi le monopole politique d'une" bourgeoisie aussi égoïste et moins décorative que l'ancienne noblesse et de la corruption croissante d'une société asservie au capitalisme." :

Le parcours de Clemenceau fut émaillé de surnoms peu flatteurs qui le résument assez bien : Césarion, Bête rouge, Monstre, Tombeur de ministère, Empereur des mouchards Charcutier d’Arcueil, immonde Ganache, vieux Jouisseur homicide, sinistre de l'Intérieur... Celui de "Tigre" est passé à la postérité.

 " Clemenceau, ton heure est venue ! Monte, mon vieux, monte à la gloire ! Grimpe tout en haut de ce pouvoir que si longtemps tu as guigné d'en bas ! En haut comme en bas, fais les grimaces de malin singe, de singe espiègle et boulverseur qui aime à casser et détruire. Nargue les autres et toi-même ! Capable de tout, sauf d'œuvre utile ! Te voilà sauveur de la société ! Te voilà — l'eusses-tu cru ? sous Cornélius ! — Te voilà sauveur de la Patrie ! ...
Il faut, pour juger Clemenceau, qu'il ait rempli tout son destin, accompli tout son mandat de guerre civile et de guerre étrangère, réalisé tout son potentiel de destruction..."

Marcel Sembat

Le Tigre

Le 23 octobre 1906 Clemenceau est appelé à la présidence du Conseil qu'il dirigera jusqu'en 1909 tout en gardant le portefeuille de l'Intérieur.

De 1906 à 1908 des grèves se multiplient - comme  la révolte viticole de 1907 dans le Midi et, en 1908, la grève des carriers de Draveilles-Villeneuve-Saint-Georges.  Ces mouvements sociaux, Clemenceau les réprimera parce que sa mission est de défendre la république bourgeoise. Une république qui connaît l'accroissement des grandes fortunes en même temps que la paupérisation croissante des travailleurs.

 A jean-Jaurès qui lui reproche d'avoir ce "préjugé de l'ordre", il répond : " C'est vrai, le préjugé de l'ordre, je l'ai. Je n'ai peur d'aucune idée, d'aucune proposition, accessibles à ma raison, mais véritablement, à vous, qui avez de si ambitieux projets, et songez à de si vastes entreprises,  l'ordre est plus nécessaire qu'à nul autre, car rien ne peut se modifier, rien ne peut se créer , si l'ordre légal n'est pas maintenu."

 " Garant de l’ordre public, Clemenceau revendique le statut de « premier flic de France ». Son plus fameux surnom – « Le tigre » –  date de cette époque. Homme à poigne, il prévient une délégation de la Confédération générale du travail (CGT), fin avril 1906 : « Vous êtes derrière une barricade ; moi, je suis devant. Votre moyen d’action, c’est le désordre. Mon devoir, c’est de faire de l’ordre. Mon rôle est de contrarier vos efforts. » Paris est gardé par 45 000 hommes de troupes et l’on arrête Griffuelhes, leader de la CGT, inculpé de complot. Aussi le 1er mai se déroule-t-il sans encombre et les élections générales des 6 et 20 mai ont-elles lieu dans un climat relativement serein. La gauche socialiste et radical-socialiste sort victorieuse de la confrontation." Samuel Tomei

La réputation de Clemenceau de briseur de grèves et de boucher est vite faite comme en témoigne Victor Méric, un de ses contemporains :

" La politique de Clemenceau, radical et dreyfusard, s'affirma rapidement. Il avait promis l'abolition des conseils de guerre, la réduction du service militaire, les retraites ouvrières, l'impôt progressif (vieilles histoires, hein ?), tout ce qu'on voulait, tout ce qu'on désirait, tout ce qu'attendaient les démocrates. Premier effet de ces promesses : au 1er mai, Paris en état de siège, des troupes partout, des complots, des poursuites, des condamnations. Bientôt les prisons pleines de militants, de journalistes. Mon ami André Morizet, aujourd'hui sénateur de la Seine, a écrit là-dessus une brochure édifiante où il dresse le bilan (d'ailleurs incomplet) du ministère Clemenceau. C'est très instructif. Voyez plutôt.

 Pour l'année 1906 (Clemenceau a pris la présidence du Conseil le 23 octobre 1906), trente-deux ans, trois mois et six jours de prison distribués pour faits de grève. En 1907, cinquante-cinq ans, cinq mois et vingt-deux jours. Plus, au tableau, NEUF MORTS ET CENT SOIXANTE-SEPT BLESSÉS.

 En 1908, des massacres partout. SIX MORTS, TROIS CENTS BLESSÉS, onze ans, onze mois et vingt-six jours de prison. Ajoutez à cela les délits d'opinion, D'abord, trois cent quatre-vingt-douze révocations d'employés. Puis, onze ans, dix mois et huit jours de prison aux syndicalistes.

 Enfin, l'homme qui écrivait dans L'Aurore (1er janvier 1906) : Contre l'antipatriotisme, ce n'est pas des condamnations qu'il s'agit de produire, ce sont des arguments..., distribuait, en 1907, treize ans et six mois de prison aux antimilitaristes et, en 1908 — tenez-vous bien — soixante-quatorze ans, huit mois et dix-sept jours.

 Le bilan est joli. Et encore, à l'époque où il publia sa brochure, Morizet commit-il des oublis. C'est ainsi, pour prendre un exemple, qu'il ne mentionna point les cinq ans de prison (amnistiés par la suite) que je récoltai à la suite des affaires de Draveil-Villeneuve.

Mais, tel qu'il était établi, le total : quinze ouvriers tués, quatre cent soixante-sept mutilés, cent quatre-vingt-quatorze années de prison, trois cent quatre-vingt-douze révocations (bilan provisoire), avait de quoi réjouir. " Victor Méric

"Perd la victoire"

L'histoire officielle s'est attardée sur la fin de règne du "sinsistre" baignant dans la boucherie de la première guerre. Elle a aimé ce moment d'Union sacrée et de patriotisme qui vaudra au vieillard le surnom de " Père la victoire ."

Le 16 novembre 1917, dans un contexte de mutineries et de grèves, Clemenceau, âgé de 76 ans, est à nouveau nommé président du Conseil. A la tête d'un cabinet de guerre son programme est celui d'un jusqu'au-boutiste soutenu par la droite et les nationalistes.

Puis, les millions de morts passés, Clemenceau représente la France à la Conférence de paix de Versailles en 1919 où il défend une politique faite d'exigences visant à ruiner l'Allemagne par d'importantes concessions territoriales et le versement de réparations gigantesques : 269 milliards de Reich marks.  Au prétexte que " le Boche doit payer ", ces réparations exorbitantes pèseront lourdement sur les gouvernements allemands de la République de Weimar dans les années 1920 et contribueront à la venue au pouvoir d'Hitler en 1933. 

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>  La révolte des vignerons - CQFD

> 1906 : Clemenceau versus Jaurès, par Samuel Tomei  -  Cahiers de psychologie politique.

> Victor Méric : D'une élection sous Clemenceau, dans "À travers la jungle politique et littéraire"

> Le droit de grève : un ébranlement général, par Antoine Dumini.  "Interdite de la Révolution au Second Empire, virant à l’émeute, lentement légalisée sous Napoléon III, puis la IIIe République, il a fallu du temps et des luttes pour que la grève devienne un droit. Fakir revient sur son histoire."

> La République selon Georges Clemenceau par Bruno Fuligni  Le Monde diplomatique 

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