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Histoire - Page 7

  • Bruxelles 2015 – Evian 1938 : de sinistres résonances

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    Point de vue de Claire Rodier et Danièle Lochak paru dans Mediapart le 1er mai 2015.

     Ce point de vue de Claire Rodier, membre du Gisti et vice-présidente du réseau Migreurop, et Danièle Lochak, professeure émérite de droit de l’université Paris Ouest-Nanterre et membre du Gisti, a été publiée le 1er mai 2015 sur Mediapart.

    Bruxelles, avril 2015

    3992716853.pngUn sommet européen extraordinaire est consacré aux « pressions migratoires en Méditerranée ». Après avoir observé une minute de silence en hommage aux victimes des naufrages qui, en quelques jours, ont provoqué la mort de plus de 1000 personnes en quête de protection en Europe, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne décident... de ne rien faire pour mettre fin à cette hécatombe. Pire : en renforçant les moyens de l’agence Frontex – dont la mission est de surveiller les frontières et de dissuader l’immigration irrégulière, pas de faire du sauvetage – et en annonçant qu’ils vont s’attaquer à la principale « source » du problème – l’incontrôlable Libye – pour bloquer les tentatives de départ, les 28 États membres de l’UE ont choisi de rendre encore plus difficile la traversée, de renchérir le prix du passage et de renvoyer des réfugiés dans les mains de leurs persécuteurs. Et ce, malgré les exhortations venant de toutes parts, notamment du Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés qui les invite depuis quatre ans à faire preuve de solidarité en accueillant des réfugiés. Le sommet se conclut sans aucun engagement ferme d’accueil des exilés dans les pays européens.

    Evian, juillet 1938

    3992716853.pngL’adoption des lois raciales de Nuremberg en 1935 puis l’annexion de l’Autriche par Hitler précipitent plusieurs centaines de milliers de juifs dans les ambassades pour y demander des visas d’émigration. En vain... malgré les alertes du Haut-Commissaire pour les réfugiés (l’ancêtre du HCR d’aujourd’hui). A l’initiative de Roosevelt, désireux d’éviter un afflux massif de réfugiés aux Etats Unis, une conférence internationale réunit au mois de juillet 1938 les représentants de 31 pays à Evian pour discuter de l’installation dans des pays d’accueil des personnes persécutées en raison de leur race ou de leur religion. Après avoir évoqué avec beaucoup d’émotion le problème des réfugiés, les délégations abordent la question de leur éventuelle répartition dans leurs pays respectifs. À l’issue de neuf jours de discussion, il apparaît que les États ne sont pas prêts à leur ouvrir leurs portes. L’Angleterre n’a accepté de participer à la conférence qu’à la condition que n’y soit pas évoquée la possibilité d’émigrer en Palestine, alors sous mandat britannique. Les Etats Unis n’augmenteront pas leurs quota annuel d’immigrants - une trentaine de milliers toutes nationalités confondues. Quelques pays d’Amérique du Sud consentent à accepter des travailleurs agricoles. L’Australie, qui ne connaît pas de « problème racial réel » chez elle, juge inutile « d’en créer un » en accueillant des juifs (sic). La France n’en prendra pas : elle en est, selon le chef de sa délégation, « au point de saturation qui ne permet plus d’accueillir de nouveaux réfugiés sans une rupture d’équilibre de son corps social ».

    Dans la résolution finale de la conférence d’Evian, où les termes « réfugiés politiques » ont été remplacés par « immigrants involontaires » pour éviter de froisser le troisième Reich, aucun engagement n’est pris. Les centaines de milliers de juifs traqués par la violence nazie en Allemagne et en Autriche devront se contenter de l’annonce de la création d’un comité intergouvernemental « chargé d’entreprendre des négociations en vue d’améliorer l’état des choses actuel et de substituer à un exode une émigration ordonnée, en rapport avec les pays d’asile et d’établissement ».

    Décidément l’histoire bégaie.

  • Tres de mayo / 3 mai 1808

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    Le 2 mai 1808, les habitants de Madrid se soulevèrent contre l'armée d'occupation napoléonienne. la nouvelle de l'insurrection provoqua une réaction immédiate dans  plusieurs régions d'Espagne comme les Asturies, l'Andalousie ou encore l'Aragon. Débutait alors en Espagne une longue guerre d'independance.

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    Dos de Mayo/ Francisco Goya

    3992716853.pngL’historiographie actuelle souligne elle aussi que c’est la volonté napoléonienne de faire triompher la politique de blocus qui permet de comprendre l’engagement de la France dans la péninsule. Jean Tulard rappelle que c’est dans le but de fermer les côtes du Midi aux marchandises britanniques que les troupes françaises envahissent le Portugal en 1807, tandis que l’invasion de l’Espagne, « guêpier » dans lequel Napoléon s’engage imprudemment, doit permettre d’intégrer entièrement la péninsule au système continental. Pour la première fois Napoléon mène une guerre qui ne relève pas de l’héritage révolutionnaire mais qui doit servir l’intérêt de sa dynastie. Natalie Petiteau, « Napoléon et l’Espagne », Mélanges de la Casa de Velázquez

    Au lendemain du soulèvement, et en représailles, les troupes françaises exécutèrent les combattants espagnols faits prisonniers au cours de la bataille du 2 mai, soit près de 400 personnes.

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    Tres de Mayo/ Francisco Goya

    Francisco Goya est également l'auteur d' une série de gravures intitulées « Désastres de la guerre » montrant la cruauté des bourreaux, les ravages d'un conflit sans règles et la mise en place du régime réactionnaire et théocratique de Ferdinand VII, après le départ des troupes napoléoniennes.

    photo.jpgGoya : Les Désastres de la guerre
    "Grand faits d'armes ! avec des mots"

    > Les désastres de la guerre, Jean-Philippe Chimot

     

  • Le godemichet de la gloire : la colonne Vendôme

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    " Un monument de barbarie, un symbole de force brutale et de fausse gloire, une affirmation du militarisme, une négation du droit international, une insulte permanente des vainqueurs aux vaincus, un attentat perpétuel à l’un des trois grands principes de la République française, la fraternité" ( La Commune)

      colonne vendôme

    E. Rouargue. 1846

    La place Vendôme s'ornait le 10 août 1792 d'une statue de Louis XIV renversée en même temps que la royauté.
    Après les campagnes de Napoléon, on édifia une colonne ornée de bas-reliefs en bronze qui glorifiaient les victoires de 1806. En 1810, l'ensemble fut couronné d'une statue de l'empereur en César,  parodiant ainsi la tradition  romaine du trophée.
    En 1814, La Restauration déboulonnait le tyran. Puis la monarchie de Juillet qui lui succédait en la personne de Louis-Philippe Ier en posait  une nouvelle : le 28 juillet 1833, la statue en pied de Napoléon I était inaugurée en présence du roi. Elle représentait l'empereur dans  la tenue légendaire  de Petit caporal : redingote et chapeau.
    En 1863, Napoléon III estimant que la statue est en péril le fit déposer.

    3992716853.pngL'embarrassante redingote grise érigée par Louis-Philippe avait été reléguée à Courbevoie en qualité de borne  fontaine, on parlait même de poser un robinet dans le dos du grand homme pour humilier les d'Orléans. On a compris depuis que du sublime au ridicule il ne restait plus qu'un demi pas, et des ingénieurs spéciaux sont en train de chercher pour ce bronze dédaigné un axe qui permette au soleil de se coucher dans le bas des reins du vainqueur d'Austerlitz, de façon à lui composer, vers huit heures du soir en été, et quatre heures, quatre heures et demie en hiver, une petite auréole de vingt-cinq minutes. " Rochefort, La lanterne

    La redingote est remplacée par un nouvel empereur qui renoue avec les meilleures traditions :

    " Si comiquement drapé à l'antique, que, le soir, sous les rayons de la pâle Phœbé, on le prend volontiers pour une blanchisseuse qui revient du lavoir."  Rochefort - La lanterne

    La colonne est baptisée successivement : "colonne d'Austerlitz", "colonne de la Victoire " ou encore "colonne de la Grande Armée".

    3992716853.pngLa Ville de Paris a son grand mât tout de bronze, sculpté de victoires, et pour vigie Napoléon. Cette nauf a bien son tangage et son roulis ; mais elle sillonne le monde, y fait feu par les cent bouches de ses tribunes, laboure les mers scientifiques, y vogue à pleines voiles, crie du haut de ses huniers par la voix de ses savants et de ses artistes : —" En avant, marchez ! suivez-moi ! " Elle porte un équipage immense qui se plaît à la pavoiser de nouvelles banderoles. Ce sont mousses et gamins qui rient dans les cordages;  lest de lourde bourgeoisie ; ouvriers et matelots goudronnés ; dans ses cabines, les heureux passagers , élégants midshipmen fumant leurs cigares ; puis sur le tillac, ses soldats, novateurs ou ambitieux qui vont aborder à tous les rivages, et qui, tout en y répandant de vives lueurs, demandent ou de la gloire qui est un plaisir, ou des amours qui veulent de l'or. "

     Honoré de Balzac, La Fille aux yeux d’or -1834-1835

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    Napoléon de la colonne - 1833

    Le gland qu'on abat 

    3992716853.pngDéjà une fois, les orages ont arrachés du faîte de la colonne Vendôme l’homme de fer qui pose sur son fût et en cas que les socialistes parvinssent au gouvernement, le même accident pourrait lui arriver une seconde fois, ou bien même la rage d’égalité radicale serait capable de renverser toute la colonne afin que ce symbole de gloire fût entièrement rasé de la terre. "  Heinrich Heine

    220px-PereDuchesneIllustre1_1_0.png

    En 1870, dans les jours qui suivent la déchéance du second Empire et la proclamation de la République,  le peintre Gustave Courbet émet le souhait, dans une réunion d'artistes, de déboulonner le  " monument dénué de toute valeur artistique, tendant à perpétuer par son expression les idées de guerre et de conquête qui étaient dans la dynastie impériale, mais que réprouve le sentiment d’une nation républicaine."

     Paris, 14 septembre 1870

    Proposition aux membres du gouvernement et de la Défense nationale

    Le Citoyen Courbet, président de la commission artistique préposée à la conservation des musées nationaux et objets d'art, nommé en assemblée générale des artistes,Attendu que la colonne Vendôme est un monument dénué de toute valeur artistique, tendant à perpétuer, par son expression, les idées de guerre et de conquêtes qui étaient dans la dynastie impériale, mais que réprouve le sentiment d'une nation républicaine, attendu qu'il est par cela même antipathique au génie de la civilisation moderne et à l'union de fraternité universelle qui désormais doit prévaloir parmi les peuples, attendu aussi qu'il blesse leurs susceptibilités légitimes et rend la France ridicule et odieuse aux yeux de la démocratie Européenne, émet le vœu :

    Que le gouvernement de la défense nationale veuille bien l'autoriser à déboulonner cette colonne ou qu'il veuille bien lui-même en prendre l'initiative en chargeant de ce soin l'administration du musée d'Artillerie et en faisant transporter les matériaux à l'hôtel de la Monnaie.

    Il désire aussi que cette mesure soit appliquée à la statue qui a été déplacée et qui actuellement est exposée à Courbevoie, avenue de la Grande Armée.

    Il désire enfin que ces dénominations de rues qui rappellent pour les uns des victoires, des défaites pour les autres, soient rayées de notre capitale pour être remplacées par les noms des bienfaiteurs de l'humanité ou bien par ceux qu'elles pourraient tirer de leur situation géographique. 

    Gustave Courbet - Correspondance de Courbet, Flammarion, p.342.

    Le 12 avril 1871, sur proposition de Felix Pyat,  la Commune vote le décret suivant :

    « La Commune de Paris, considérant que la colonne impériale de la place Vendôme est un monument de barbarie, un symbole de force brutale et de fausse gloire, une affirmation du militarisme, une négation du droit international, une insulte permanente des vainqueurs aux vaincus, un attentat perpétuel à l’un des trois grands principes de la République française, la fraternité, décrète :

    Article unique. La colonne de la place Vendôme sera démolie ».

    colonneVendome1871.jpg

    La technique de destruction adoptée est celle de "l’entaille en sifflet" qu'utilise les bûcherons pour abattre les grands arbres...

    16 mai 1871, la colonne est abattue.

    " Sur un lit de fumier"

    3992716853.pngL'ingénieur chargé de la démolition s'était engagé, ce au nom du " club positiviste de Paris ", par un contrat longuement motivé, à exécuter cele 5 mai, jour anniversaire de la mort de Napoléon, le jugement prononcé par l'histoire et édicté par la Commune de Paris contre Napoléon 1er." On lui débauchait souvent ses ouvriers et l'opération fut retardée jusqu'au 16.  Ce jour, à deux heures, une foule remplissait les rues voisines fort inquiètes, car. on prédisait toutes sortes de catastrophes. L'ingénieur, lui, s'était déclaré par son contrat ce en mesure d'éviter tout danger ". Il avait scié la colonne horizontalement un peu au-dessus du piédestal. Une entaille en biseau devait faciliter la chute en arrière sur un vaste lit de fagots, de sable et de fumier accumulé dans l'axe de la rue de la Paix. Un câble attaché au sommet de la colonne s'enroule autour du cabestan fixé à l'entrée de la rue.

    La place est remplie de gardes nationaux; les fenêtres, les toits, de curieux. A défaut de Jules Simon et Ferry, partisans naguère du déboulonnement, Glais-Bizoin, l'ex-délégué à Tours, félicite le nouveau délégué à la police Ferré, qui vient de remplacer Cournet, et lui confie que son ardent désir depuis quarante ans est de voir démolir le monument expiatoire. Les musiques jouent la Marseillaise. Le cabestan vire, la poulie se brise, un homme est blessé. Des bruits de trahison circulent. Une nouvelle poulie est bientôt installée. A cinq heures, un officier paraît sur la balustrade, agite longtemps un drapeau tricolore et le fixe à la grille.

    A cinq heures et demie, le cabestan vire de nouveau. Quelques minutes après, César oscille et son bras chargé de victoires vainement bat le ciel. Le fût s'incline, d'un coup se brise en l'air avec des zigzags et s'abat sur le sol qui gémit. La tête de Bonaparte roule et le bras homicide git détaché du tronc. Une acclamation comme d'un peuple délivré jaillit de milliers de poitrines. On se rue sur les ruines et, salué de clameurs enthousiastes, le drapeau rouge se plante sur le piédestal. Le peuple voulait se partager les débris de la colonne. La Monnaie s'y opposa sous raison de gros sous. L'un des premiers actes de la bourgeoisie victorieuse fut de relever ce bâton énorme, symbole de sa souveraineté.

    Pour remonter le maître sur son piédestal, il fallut un échafaudage de trente mille cadavres. Comme les mères du premier Empire, combien de celles de nos jours n'ont pu regarder ce bronze sans pleurer !  "

    Histoire de la Commune de  1871 -  Lissagaray - p. 289
     

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    Le lendemain, dans le journal officiel de la Commune, on peut lire :

    3992716853.png Le décret de la Commune de Paris qui ordonnait la démolition de la colonne Vendôme a été exécuté hier, aux acclamations d'une foule compacte, assistant sérieuse et réfléchie à la chute d'un monument odieux, élevé a la fausse gloire d'un monstre d'ambition.
    La date du 26 floréal sera glorieuse dans l'histoire, car elle consacre notre rupture avec le militarisme, cette sanglante négation de tous les droits de l'homme.

    Le premier Bonaparte a immolé des millions d'enfants du peuple et sa soif insatiable de domination ; il a égorgé la République après avoir juré de la défendre fils de la Révolution, il s'est entouré des privilèges et des pompes grotesques de la royauté; il a poursuivi de sa vengeance tous ceux qui voulaient penser encore ou qui aspiraient a être libres; il a voulu river un collier de servitude au cou des peuples, afin de trôner seul dans sa vanité, au milieu de la bassesse universelle : voilà son œuvre pendant quinze ans.

    Elle a débuté, le 18 brumaire, par le parjure, s'est soutenue par le carnage, et a été couronnée par deux invasions ; il n'en est resté que des ruines, un long abaissement moral, l'amoindrissement de la France, le legs du second Empire commençant au Deux-Décembre, pour aboutir à la honte de Sedan. La Commune de Paris avait pour devoir d'abattre ce symbole du despotisme elle e l'a rempli. Elle prouve ainsi qu'elle place le droit au-dessus de la force et qu'elle préfère la justice au meurtre, même quand il est triomphant.

    Que le monde on soit bien convaincu les colonnes qu'elle pourra ériger ne célébreront jamais quelque brigand de l'histoire, mais elles perpétueront le souvenir de quelque conquête glorieuse dans le champ de la science, du travail et de la liberté."
     
    Dans le chapitre de l'Histoire socialiste, consacré à la Commune, Jean Jaurès écrit :

    3992716853.pngLe 16 mai, la Commune jetait bas, aux applaudissements d’une foule immense, l’homme de bronze de la Place Vendôme, le Napoléon d’Auslerlitz et d’Iéna, de Wagram et d’Eylau qui, pendant quinze ans, avait passé, en les broyant, sur le ventre des nations. La colonne orgueilleuse tombait et se brisait en morceaux sous les yeux d’une part de l’armée française commandée par les généraux bonapartistes qui assiégeait Paris, d’autre part des armées prussiennes qui, deux mois auparavant, avaient investi et pris ce même Paris. On a bassement accusé la Commune à ce propos d’avoir cédé volontairement ou involontairement à des suggestions bismarckiennes et allemandes. Cette vilenie ne mérite même pas d’être relevée. En réalité la Commune, interprète de la conscience universelle, ne distinguait pas entre vainqueurs de l’avant-veille et vainqueurs de la veille, entre conquérants nationaux et asservisseurs étrangers ; elles les confondait les uns et les autres dans la même réprobation et la même exécration, couchant la gloire de Guillaume avec celle de Bonaparte, comme toute gloire militaire, sur le même lit de fumier."

    La nouvelle colonne

    3 ans après la défaite de la Commune, en mai 1873, le comte de Mac-Mahon, duc de Magenta,  Maréchal de France et  nouveau président d'une république qui ressemble à une monarchie, décide la reconstruction de la colonne pour la somme de 323 091 francs et 68 centimes  ( plus d’ 1 million d’euros).

    Le pouvoir versaillais attribue abusivement la responsabilité de cette démolition à Gustave Courbet.  On lui accorde  généreusement des facilités de paiement : 10 000 francs-or par an pendant 33 ans

    Le peintre, déjà condamné à une amende et à six mois de prison, ruiné après la chute de la Commune, tous ses biens frappés de séquestre par le Trésor, banni de son village, interdit de Salon par Meissonier, finit  par demander asile à la Suisse. En Juillet 1873 il se fixe sur les bords de Léman où il mourra le 31 décembre 1877 avant d’avoir jamais payé la première traite.

    Dans un des ses poèmes libertins, Le Godemichet de la gloire, Théophile Gautier ridiculise l’œuvre :

    Un vit sur la place Vendôme
    Gamahuché  par l' aquilon
    Décalote son large dôme
    Ayant pour gland Napoléon.
    Veuve de son fouteur, la Gloire,
    La nuit dans son con souverain,
    Enfonce — tirage illusoire ! —
    Ce grand godemichet d'airain...

                          "Vidua et Orbata"

    " Madame la Gloire ne pouvant plus combler l’abîme de son veuvage, vient de faire appel à la sensibilité de MM. les membres de l’assemblée de Versailles, lesquels l’ont renvoyée à Courbet, d’Ornans, maître peintre, condamné à rafistoler et redresser l’engin phallique de la dite dame, méchamment mis en capilotage par la Commune." Théophile Gauthier -Poésies libertines

    Actuellement, au sommet de la colonne Vendôme, le gland, Napoléon soi-même en pied, trône toujours.

    L' œuvre verte et gonflable de l'artiste américain Paul McCarthy, s'intitulant Tree (arbre) n'a pas été du goût de tout le monde. La sculpture éphémère, érigée sur la place Vendôme en octobre 2014 à l'occasion de la Foire internationale d'art contemporain, voulait sans doute répondre au gland impérial par sa forme suggestive où des spécialistes ont vu un plug anal.

    atlantico.fr_mccarthy_tree_plug_vendome.jpeg

    *

    > Gustave Courbet (1819-1877) : une biographie, Musée d'Orsay

    > "La chute de la colonne Vendôme : 16 mai 1871 : un après-midi pas comme les autres", sur le site Terre des écrivains

    > Le colonne Vendôme - 16 mai 1871. Raspouteam.org 

    > Prosper-Oliver Lissagaray (1838-1901) Histoire de la Commune de 1871 (Edition de 1929)

    > "La Colonne Vendôme déboulonnée,  Histoire par l'image

    >" Napoléon sur la colonne - Histoire par l'image

    > "Gustave Courbet et la Colonne Vendôme", sur le site consacré à Julien Descaves, journaliste et écrivain.

    >  "Cette chute de la colonne Vendôme..."  Par Bernard Vassor

    >  "Le bicentenaire de la colonne Vendôme" - 2010  France-Culture

    >  Poésies libertines de Théophile Gautier  sur Wikisource
  • Zépure Medzbakian l'Arménienne

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    "Zepur Medzbekian avait 95 ans en 1995 lorsque Zoé Varier l’a rencontrée à la maison de retraite arménienne de Montmorency. C’est un des témoignages les plus bouleversants de l’histoire de Là-bas si j’y suis. A écouter sur le site

     C’est d’abord quelque chose de profond qui passe entre Zepur et Zoé, puis toute l’émotion, la force et la précision de ce témoignage à vif et à nu qui a frappé des millions d’auditeurs, qui pour beaucoup ont découvert alors le génocide des Arméniens par la voix de Zepur et son « français cassé ». 

    « Quand je suis partie, j’étais seule, (...) j’avais juste un tablier de l’école et un manteau, j’avais 14 ans.(...) 

Un mois après j’ai trouvé ma mère dans un autre groupe, toute nue, une chemise de nuit, les cheveux, il n’y a pas de peigne pour peigner, j’ai senti comme une mendiante ma mère, 
j’étais très bouleversée. Alors comme ça nous sommes ensemble, continuer notre chemin. J’avais deux frères, deux sœurs plus petits que moi. 

Après huit jours à peine, mon frère est mort, huit ans, le matin je suis levée, il est mort à côté de moi. (...) 
Après quelques jours, c’est ma mère mort ou pas mort je ne sais pas. Nous sommes tombés dessus pour pleurer et le gendarme est venu "Allez ! Marchez ! Marchez !" (...) En pleurant nous avons quitté ma mère qui était mort ou pas mort, je ne sais pas. "Allez ! Marchez ! Marchez !" Qui est mort, il reste ! Ma mère était chaude quand nous sommes partis (...) on a pas laissé même pleurer un peu. »

    >  Dans la série Mémoire de l’émission de Daniel Mermet « Là-bas si j'y suis ».

    > Sur le site Collectif VAN - Vigilance Arménienne contre le Négationnisme, des retranscritpions de l'interview de Zépure Medzbakian ansi que sur le site sur le site Airgrige 

     

     

  • "Les 36 vues de la Tour Eiffel" d'Henri Rivière

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    Le 31 mars 1889 était inaugurée la Tour Eiffel

    "Les 36 vues de la Tour Eiffel"

    Au début du  vingtième siècle, Henri Rivière édita une série de lithographies en 5 couleurs, " Les 36 vues de la Tour Eiffel " qui montre la tour prise sous différents angles, vue depuis différents lieux du début à la fin de sa construction.  Ce travail qui s'inspire des Trente-six vues du Mont Fuji du peintre japonais Katsushika Hokusai, a  inspiré à son tour les "36 vues de la Tour Eiffel" du dessinateur André Julliard.

     Tour Eiffel, Henri Rivière

    33- Le chantier de la Tour Eiffel -

      

    La Tour Eiffel vue de la rue Beethoven

    De la Rue des Abesses

    De la Rue Lamarck

    De la Rue Rochechouart

    De l'estacade

     

    Derrière l'élan de Frémiet

    Des jardins du Trocadéro

    Des jardins de Grenelle (site l'anti-musée)

    Du Bois de Boulogne

    Du Boulevard Clichy

    Du Point du Jour

    Du Pont d'Austerlitz

    Du Pont des Saints-Père

    Du Quai de Grenelle

    Du Quai de Javel

    Du Quai de la Conférence

     

    Du Quai de Passy: sous la pluie

    En bateau-mouche

    En haut de la Tour

    Frontispice

    La Tour Eiffel en construction vue du Trocadéro

    Le peintre dans la Tour

    Le chantier de la Tour Eiffel

    Ouvrier plombier sur la Tour

    Sur les toits

     

     "Henri Rivière. Entre impressionnisme et japonisme" - BnF exposition et  rétrospective.

     "Dessinateur ayant débuté dans la revue du Chat noir, Henri Rivière fut aussi l'un des metteurs en scène du Théâtre d'ombres. Aquarelliste de talent, il s'est imposé dans l'histoire de l'estampe par sa passion de la couleur. En marge des courants de son époque, il puise son inspiration dans les paysages de Bretagne où il séjourne régulièrement et dans les estampes japonaises qu'il collectionne. "

    Voir aussi Les 36 vues sur le site de l'agence photographique de la Réunion des Musées Nationaux et sur l'Anti musée de Yann Gourvenec

  • Dimanche, ne perdez pas de vue...

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     1871

     Affiche apposée sur les murs 
    avant l’élection de  la Commune de Paris

     appelauxelecteurlacommunedeparis.jpg

          Citoyens,

    Ne perdez pas de vue que les hommes qui vous serviront le mieux sont ceux que vous choisirez parmi vous, vivant votre vie, souffrant des mêmes maux.

    Défiez-vous autant des ambitieux que des parvenus ; les uns comme les autres ne consultent que leur propre intérêt et finissent toujours par se considérer comme indispensables.

    Défiez-vous également des parleurs, incapables de passer à l’action ; ils sacrifieront tout à un beau discours, à un effet oratoire ou à mot spirituel.

    Évitez également ceux que la fortune a trop favorisés, car trop rarement celui qui possède la fortune est disposé à regarder le travailleur comme un frère.

    Enfin, cherchez des hommes aux convictions sincères, des hommes du peuple, résolus, actifs, ayant un sens droit et une honnêteté reconnue.

    Portez vos préférences sur ceux qui ne brigueront pas vos suffrages ; le véritable mérite est modeste, et c’est aux électeurs à choisir leurs hommes, et non à ceux-ci de se présenter.

          Citoyens,

     Nous sommes convaincus que si vous tenez compte de ces observations, vous aurez enfin inauguré la véritable représentation populaire, vous aurez trouvé des mandataires qui ne se considèrent jamais comme vos maîtres.

     Hôtel de Ville, le 17 mars 1871.

     Le Comité Central de la Garde Nationale.

  • Commune de Paris - Traîtres et valets

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    " Il n'y a rien de plus noble que la grandeur de la passion au service de la grandeur de l'idée".

    Prosper-Oliver Lissagaray

    " L'histoire de la Commune de 1871 a été fabriquée par des escamoteurs. Méconnaître ou haïr la classe qui produit tout est la caractéristique actuelle d'une bourgeoisie jadis grande, qu'affolent aujourd'hui les révolutions d'en bas. Celle du 18 mars 1871." 

    Lissagaray - préface 1896.

    Après avoir capturé Napoléon III et son armée à Sedan, les Prussiens assiègent Paris et battent les armées de Gambetta. Réfugié à Bordeaux, le "gouvernement de la Défense nationale" signe l'armistice le 28 janvier 1871 et prépare des élections générales. A Bordeaux, Adolphe Thiers, bourgeois phillipard de 73 ans,  est élu le 17 février "chef du pouvoir exécutif de la République française " et il obtient de l'Assemblée nationale qu'elle ratifie les préliminaires de paix.

    " Adolphe Thiers représente le plus petit dénominateur commun des "centres" bourgeois, conservateurs et royalistes modérés comme ancien chef du gouvernement sous le roi Louis-Philippe, ancien républicain du "parti de l’ordre" durant la Seconde république, ancien soutien de Louis Napoléon Bonaparte en 1851.". ( Jacques Serieys)

    Thiers et Bismarck, tous deux grands amis de l’ordre, sont d’accord pour écraser la révolution parisienne. Bismarck exige et obtient une répression rapide en échange, notamment, du retour des prisonniers d’Allemagne...

    Le 18 mars, le peuple de Paris refuse le coup de force de Thiers qui a donné l'ordre à 4.000 soldats de récupérer les canons de Paris. C'est au son du tocsin que la foule s'assemble, élève des barricades et fraternise avec les soldats. Thiers gagne Versailles suivi de 100 000 Parisiens (habitants des quartiers chics de l'ouest parisien ou fonctionnaires). Il reste à empêcher la province de rejoindre le combat des parisiens et que la révolution s'étende à tout le pays.

    Commune de Paris, Lissagaray

    " Quel est le grand conspirateur contre Paris ?

    Prosper-Oliver Lissagaray

    3992716853.pngLe 19 mars, que reste-t-il à M. Thiers pour gouverner la France ? Il n'a ni armée, ni canons, ni les grandes villes. Elles ont des fusils, leurs ouvriers s'agitent. Si cette petite bourgeoisie qui fait accepter à la province les révolutions de la capitale suit le mouvement, imite sa sœur de Paris, M. Thiers ne peut lui opposer un véritable régiment. Bismarck avait bien offert de se substituer à lui ; c'eût été la fin de tout. Pour subsister, contenir la province, l'empêcher d'arrêter les canons qui doivent réduire Paris, quelles sont les seules ressources du chef de la bourgeoisie ? Un mot et une poignée d'hommes. Le mot :  République ;  les hommes : les chefs traditionnels du parti républicain.

    Que les ruraux épais aboient au seul nom de République et refusent de l'insérer dans leurs proclamations, M. Thiers, autrement rusé, s'en remplit la bouche et, tordant les votes de l'Assemblée, le donne pour mot d'ordre. Aux premiers soulèvements, tous ses fonctionnaires de province reçoivent la même formule : " Nous défendons la République contre les factieux."

    C'était bien quelque chose. Mais les votes ruraux, le passé de M. Thiers, juraient contre ces protestations républicaines et les anciens héros de la Défense n'offraient plus caution suffisante. M. Thiers le sentit et il invoqua les purs des purs, les chevronnés, que l'exil nous avait rejetés. Leur prestige était encore intact aux yeux des démocrates de province. M. Thiers les prit dans les couloirs, leur dit qu'ils tenaient le sort de la République, flatta leur vanité sénile, les conquit si bien qu'il s'en fit un bouclier, put télégraphier qu'ils avaient applaudi les horribles discours du 21 mars. Quand les républicains de la petite bourgeoisie provinciale virent le fameux Louis Blanc, l'intrépide Schoelcher et les plus célèbres grognards radicaux, insulter le Comité Central, eux-mêmes ne recevant de Paris ni programme, ni émissaires capables d'échafauder une argumentation, ils se détournèrent, on l'a vu, laissèrent éteindre le flambeau allumé par les ouvriers. "

    Prosper-Olivier Lissagaray (1838-1901)

    Histoire de la Commune de 1871 (Gallica Édition de 1929)

    Éditions en différents formats  sur le site UQUAC

    Témoin et acteur de la Commune de Paris, Lissagaray travailla à son Histoire de la Commune de 1871 à 1896 -avec une  première livraison en 1876.