Le 21 février 1944 au matin, 22 des 23 résistants parisiens au sein des FTP-MOI ( Francs - Tireurs et Partisans – Main d’Œuvre Immigrée ) du groupe Manouchian, arrêtés par la police française et condamnés à mort par un tribunal militaire allemand, tombaient sous les balles nazies au Mont Valérien. La 23e, la résistante Olga Bancic, était transférée en Allemagne. De nouveau jugée et condamnée à mort à Stuttgart, elle est décapitée le 10 mai 1944. Certains étaient Juifs, d’autres non.
A l’heure où le racisme sévit sous toutes ses formes en Europe et en France, où la construction de l’Autre – musulman, arabe,rrom, noir, étranger sans-papiers – comme ennemi intérieur est portée au plus haut niveau des gouvernements et des Etats, où les attentats antisémites de plus en plus alarmants se multiplient, il est important de nous souvenir que les héros de l’Affiche rouge se battaient au nom de principes universels plus que jamais d’une grande actualité : le refus de la barbarie nazie, l’affirmation de la nécessité d’une solidarité internationaliste que certains avaient déjà mise en pratique au cours de la guerre d’Espagne, l’exigence enfin de l’émancipation de l’humanité, de paix et de justice pour tous.
Plus que jamais, celle et ceux de l’Affiche rouge, éclairent nos combats actuels si nous voulons conserver notre humanité et faire ce qu’il se doit." Union Juive Française pour la Paix
De nombreux étrangers, présents en France avant la Seconde Guerre mondiale, se sont engagés dans la Résistance contre les nazis. Etaient-ils moins patriotes que les BOF, les "Beurre-Oeufs-Fromage", ces bons français pétainistes et réalistes enrichis par la pratique du marché noir à grande échelle ?
Nazis et collaborateurs français tentèrent de compromettre la Résistance en jouant sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Le procédé n'est pas neuf. Il est toujours aussi infect.
L'affiche de propagande nazie fait état de l’exécution au Mont Valérien des «terroristes», membres des FTP-MOI ( Francs - Tireurs et Partisans – Main d’Œuvre Immigrée ) du groupe Manouchian. Y sont mentionnés des juifs, des communistes, des étrangers.
« Grzywacz – Juif polonais, 3 attentats »,
« Elek – Juif hongrois, 8 déraillements »,
« Wajsbrot – Juif polonais, 1 attentat, 3 déraillements »,
« Witchitz – Juif polonais, 15 attentats »,
« Fingerweig – Juif polonais, 3 attentats, 5 déraillements »
« Boczov – Juif hongrois, chef dérailleur, 20 attentats »,
« Fontano – Communiste italien, 12 attentats »,
« Alfonso – Espagnol rouge, 7 attentats »,
« Rajman – Juif polonais, 13 attentats »,
«Manouchian – Arménien, chef de bande, 56 attentats, 150 morts, 600 blessés » ;
Aragon a rendu hommage aux victimes de la haine nazie et pétainiste. Son poème est ici chanté par Léo Ferré sous le titre l'Affiche Rouge.
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servi simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.”
Louis Aragon (1897 - 1982) Le Roman Inachevé, 1956
> Ils ont eu le courage de dire « non » : Les résistants du groupe Manouchian (1943-1944) Matthieu Lépine - Une histoire populaire.