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Zèbres en cavale - Page 34

  • Patriot Act : l'effondrement des principes démocratiques

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    Qui peut imaginer que l'attentat à Charlie-Hebdo et les massacres antisémites de Paris ne seront pas réinvestis par le pouvoir ? Valls a déjà évoqué un renforcement de l’arsenal législatif devant des préfets réunis au ministère de l’Intérieur où ils suivaient en direct l’opération contre les frères Kouachi puis Amedy Coulibaly. Surenchères et apparents reculs vont se succéder avec en ligne de mire le Patriot Act et les prochaines présidentielles. 

    3992716853.pngSelon une méthode éprouvée, dans un premier temps on justifie une atteinte générale aux libertés publiques en insistant sur le caractère exceptionnel et sur l’importance des modes de contrôles, en particulier concernant l’habilitation des personnels et les protocoles à mettre en œuvre. Puis on élargit le champ d’application, et on réduit les possibilités de contrôle. L’exception devient la norme." J-P Manach

    Patriot Act  : l’exception devient la norme

    « Les entorses aux droits constitutionnels n’ont pas commencé avec M. Bush. Dans le sillage du premier attentat contre le World Trade Center, en 1993, et de celui qui a détruit le bureau fédéral d’Oklahoma City en 1995, le Congrès a passé l’Anti-Terrorism Act,, un des pires assauts à la Constitution depuis des décennies.»

    « Terrorism and Constitution »,
    The New Press, New York, 2002.

     

    patriot_poster1-231x300.jpgLe 25 octobre 2001, sous le gouvernement Bush, le Patriot Act était adopté à une écrasante majorité par le Congrès des États-Unis.

     Cette incroyable machinerie ultra-sécuritaire a exploité les attentats du 11 septembre. Elle a accru les pouvoirs administratifs d’espionnage des citoyens — perçus sous l’ange de terroristes potentiels — et a stigmatisé les arabes et les musulmans.  

     Dans l’incapacité de trouver une réponse aux questions sociales le gouvernement des États-Unis tentait d’unir la population autour de lui en réinvestissant les crimes réels et supposés. La prétendue « guerre contre le terrorisme »  servant également à " diaboliser les résistances en Palestine et dans le monde arabe, en Colombie et en Amérique latine."

     Terrible ironie de l’histoire, les terroristes impliqués dans l’attentat du World Trade Center appartenaient à cette famille que les gouvernements américains successifs ont armée en Afghanistan du temps de la " Guerre froide " contre l’URSS. Au nom, bien sûr, de la défense de la démocratie.

     

    - L’effondrement des principes démocratiques –

     En s’affranchissant des conditions légales d’encadrement, le Patriot Act restreint les libertés fondamentales, contourne le contrôle judiciaire et réduit les protections en matière criminelle. Il accroit la surveillance sans contrôle des citoyens, il facilite leur mise sur écoute, il contrôle leur activité sur internet, il permet l’intrusion dans leurs données personnelles, il supprime la confidentialité des lectures des Américains, il élargit les pouvoirs de perquisition, il autorise la détention des étrangers suspectés de porter atteinte à la sécurité, la constitution de listes de personnes à risques, la surveillance électronique par des banques de données, l'authentification des identités par la biométrie, la technologisation des contrôles aux frontières...

    « Outre le Patriot Act, la première vague de mesures antiterroristes comportait une mise à jour (c’est-à-dire un allongement considérable) des listes de personnes à surveiller, de nouvelles restrictions à la délivrance de visas, l’assouplissement des obligations de l’administration en matière de communication de l’information, une réglementation plus stricte des dons à des œuvres de bienfaisance tournées vers l’étranger et une foule d’autres mesures dont beaucoup étaient controversées mais pas toutes, du moins aux États-Unis. Il faut également mentionner quantité de lois adoptées non au niveau fédéral mais au niveau des États fédérés, et restées largement ignorées à l’intérieur même du pays, sans parler du reste du monde. Très souvent, ces textes facilitaient encore plus que la législation nationale l’interception des communications personnelles (téléphone et ordinateurs) et élargissaient les pouvoirs d’exception des États, notamment en matière de sante publique et de sécurité.»  (Mark Sidel)

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    - le magasin aux accessoires légaux -

     Dans les années 2002-2003, d’autres dispositifs sécuritaires tentèrent de compléter le Patriot Act. Certaines des mesures ultra-sécuritaires n’ont pu être mises en œuvre et d’autres n’ont été  votées par le Congrès qu’à titre provisoire. Mais ce qui est rejeté par la mobilisation des défenseurs des libertés publiques et civiques, par les résistances politiques ou l’intervention de juges, réapparaît bientôt après quelques rectificatifs sous un autre nom ou une autre forme.

    - Projet d’ « Information totale ≫ ( Total Information Awareness, TIA ):  Créer une mégabase de données et de fichiers de sources diverses dans le but d'identifier des auteurs d'actes terroristes. ;

    - Loi de renforcement de la sécurité intérieure  (Domestic Security Enhancement Act  appelée également Patriot Act II );

    - Système d’information et de prévention du terrorisme ( Terrorism Information and Prevention System, TIPS) visant à attirer des millions de travailleurs américains dans un vaste réseau de surveillance et de délation ;

    vSystème de filtrage informatique préalable des passagers ( Computer Assisted Passenger Prescreening System, CAPPS II) ;

    - Programme intitulé «  Regard d’aigle «  ( Eagle Eyes), crée par  l’Armée de l’air, il incite à informer les autorités sur tout individu ou incident suspect ;

    - Programme « Matrix »  (Multi-State Anti-Terrorism Information Exchange)  en remplacement du projet TIA,( voir plus haut). Echange d’informations sur le terrorisme par l' interconnexion de fichiers publics et privés .

     Amendements amendés

     -Le Patriot Act, régulièrement reconduit depuis 2001, autorise ainsi le viol légal d’un certain nombre de droits constitutionnels que garantit théoriquement la  Constitution   :1er amendement : liberté de religion, de parole, de réunion et e la presse.

     - 4ème amendement : droit de ne pas subir des recherches et des saisies déraisonnables.

     - 5ème amendement : nul individu ne peut être privé de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans un procès équitable.

     - 6ème amendement : droit à un procès public rapide par un jury impartial, le droit d’être informé des éléments de l’accusation, le droit de confronter les témoins et d’assistance juridique.

     - 8ème amendement : pas de détention arbitraire ou cruelle ni de condamnation exceptionnelle.

     - 14ème amendement : tous les individus (citoyens américains ou non) résidant aux États-Unis ont droit à un procès équitable et une égale protection par la loi. (USA Patriot Act -Maya Ghozali)

     - Le Patriot Act a été jusqu’en 2015. Cette fois par le gouvernement Obama, et toujours avec l’accord des deux chambres du Congrès pour qui le fait que cette législation conduit les autorités fédérales à outrepasser leurs droits ne pose aucun problème.

     Surveiller la terre entière

     La furie sécuritaire du Patriot Act américain concerne les sociétés américaines que se soit aux USA mais aussi dans le monde entier. La surveillance des courriels, des appels téléphoniques et des transactions financières ne concerne donc pas seulement les citoyens américains.  L'Europe est aux premières loges. 

     - Le patriot Act a pratiquement force de loi sur la directive européenne  95/46/EC concernant la protection des données et qui stipule que les entreprises doivent informer les utilisateurs dans le cas où ils divulguent des renseignements les concernant. Or les entreprises américaines, comme Microsoft ou Google doivent s’acquitter de l’obligation de renseignement qui leur est faite auprès des autorités américaines. " En avouant que les données stockées sur ses serveurs européens peuvent être transmises aux autorités judiciaires américaines, Microsoft lance une nouvelle vague d'inquiétudes sur la confidentialité des clouds publics."

    - L’accord d’échange, des données bancaires passé entre l’Europe et les États-Unis dans le cadre de la lutte anti-terroriste ( Terrorist Financing Tracking System - TFTP)  ne respecte ni les principes constitutionnels des États membres ni les droits fondamentaux. 

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    > Après le Patriot Act :  la seconde vague de l’antiterrorisme aux États-Unis - par Mark Sidel

    > La signature d'Obama est-elle illégale? Slate.fr

    > "USA Patriot Act", par  Maya Ghozali · ejuristes.org

    > 2011 - Dix ans après, à quoi ont serviles lois antiterroristes - Bug Brother

    > Ayse Ceyhan Sécurité, frontières et surveillance aux Etats-Unis après le 11 septembre 2001 Paru dans Cultures & Conflits, 53, printemps 2004

    > Protection des données : un rapport sur l’accord Swift ulcère les eurodéputés , par Christophe Auffray - ZDNet

  • Patriotisme

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    3992716853.pngJe marquerai un autre trait du caractère que prend le patriotisme chez le clerc moderne : la xénophobie. La haine de l’homme pour l’ "homme du dehors" (le horsain), sa proscription, son mépris pour ce qui n’est pas de chez lui. Tous ces mouvements, si constants chez les peuples et apparemment nécessaires à leur existence, ont été adoptés de nos jours par des hommes dits de pensée, et avec une gravité d’application, une absence de naïveté, qui ne contribuent pas peu à rendre cette adoption bien digne.

    Julien Benda, La trahison des clercs, 1927

    *

    "S'il faut d'un mot dire nettement les choses, eh bien : — Nous ne sommes pas patriotes."

    Remy de Gourmont 25280655_p.jpg " La plaie saigne toujours, Monsieur Jaurès "
    Le Petit Journal, 3 décembre 1903

    En avril 1891, Remy de Gourmont publie dans le Mercure de France un article au titre provocateur  "Le Joujou Patriotisme".  Il y exprime son refus de l'esprit revanchard xénophobe qui ne fait qu'attiser le nationalisme guerrier. Le pamphlet, qui rend aussi hommage à la culture allemande, fait un tel scandale qu'il vaut à Remy de Gourmont d'être licencié de la Bibliothèque Nationale.

    Dans  Le Figaro du 18 mai 1891, Octave Mirbeau lui apporte courageusement son soutien  et met en pièces un patriotisme putassier qui est " un des meilleurs agents de la gouvernable ignorance, un des moyens les plus sûrs de retenir un peuple dans l’abrutissement éternel " :

     3992716853.pngDans la presse, dans la rue, au Parlement, au théâtre, le patriotisme s’étale et braille, couvrant de son manteau de pochard les plus honteuses faiblesses et les pires infamies. Il n’importe. Nous devons le respecter, nous devons subir, sans nous révolter, ses compromettantes violences, ses dangereuses brutalités, ses odieux vandalismes, ses sauvageries d’iconoclaste ; il faut courber le dos sous le flot des sentimentalités ineptes qui coule de lui et déborde sur nous. L’autorité si prompte à lancer ses bandes de sergents de ville sur les inoffensifs promeneurs, se trouve désarmée contre ce brigandage. Elle dit : " C’est excessif, mais si respectable. "  Et sait-on pourquoi le patriotisme est si respectable, tout en étant excessif ? C’est parce qu’il est un des meilleurs agents de la gouvernable ignorance, un des moyens les plus sûrs de retenir un peuple dans l’abrutissement éternel.  (...)

    Ce patriotisme abject, négatif de toute beauté, devenu une exploitation électorale, un ignoble moyen de réclame saltimbanquiste, le déversoir bruyant et malpropre de la sottise et de la grossièreté humaines.  Et sait-on pourquoi le patriotisme est si respectable, tout en étant excessif ? C’est parce qu’il est un des meilleurs agents de la gouvernable ignorance, un des moyens les plus sûrs de retenir un peuple dans l’abrutissement éternel."

      *

    Le Joujou Patriotisme

    Remy de Gourmont

    3992716853.pngUn de ces tomes cartonnés, niaisement abjects, que d'universitaires ou d'ecclésiastiques matassins produisent sans relâche pour la falsification des juvéniles cervelles ; on l'entrouvre et cette image surgit : un vieux militaire, le poitrail illustré de la devanture en toc d'une bijouterie de faubourg, gémit accablé dans son fauteuil, et un gamin, signalant d'un air entendu, avec le bâtonnet de son cerceau, les symboliques oreilles de tatou qui fleurissent la coiffe d'une nourrice alsacienne appendue au mur : « Pleure pas, grand-père, nous la reprendrons ! »

     Immédiatement, on pense à cet enfant monté en graine, plus hautement pédonculé que ces choux de Jersey dont on fait des cannes, — à M. Paul Déroulède. Lui aussi fait rouler, mais avec fracas et en tapant dessus avec un vieux sabre ébréché, le cerceau avarié du patriotisme, et se penchant vers la France, qui n'est pas sourde, lui hurle dans le tympan : « Pleure pas, grand'mère, on te la rendra, ta symbolique nounou ! »

    Moins gnan-gnan que le vétuste et lacrymatoire retraité, la matrone impatientée finit par répondre : « J'aimerais assez qu'on me confiât d'autres secrets. »

     Nous aussi : le désir de renouer à la chaîne départementale les deux anneaux rouillés qu'un heurt un peu violent en a détachés ne nous hante pas jour et nuit. Nous avons d'autres pensées plus urgentes; nous avons autre chose à faire. Personnellement, je ne donnerais pas, en échange de ces terres oubliées, ni le petit doigt de ma main droite : il me sert à soutenir ma main, quand j'écris ; ni le petit doigt de ma main gauche : il me sert à secouer la cendre de ma cigarette.

     Inutile, à ce propos, de me traiter de mauvais Français ou même de Prussien ; cela ne me toucherait pas : Kant était Prussien et Heine aussi ; puis je vous demanderais, par curiosité pure, ce que vous donneriez de vos précieuses peaux pour joindre à la France la Wallonie belge ou la vallée de Lausanne, — pays, ce me semble, un peu plus français de langue et de race que les bords du Rhin ? Personne n'aboie contre les Anglais, qui détiennent les îles normandes, et le lointain, mais clairement francais, Canada, province d'outre-mer, mais aussi nettement province de France que les Charentes ou la Picardie.

     Au fait, ces coins de terre d'au-delà les Vosges, sont-ils donc devenus si malheureux ? Les aurait-on, par hasard, fait changer de langue, de mœurs, de plaisirs ? Ont-ils subi un service militaire plus long ou plus dur, une administration plus pointilleuse, des fonctionnaires plus rogues, des maîtres d'écoles plus pédants et plus fats, des embêtements de conscience plus notoires, des impôts plus lourds, un gouvernement moins digne, moins sympathique, moins probe ?

     Il me paraît qu'elle a duré assez longtemps la plaisanterie des deux petites sœurs esclaves, agenouillées dans leurs crêpes au pied d'un poteau de frontière, pleurant comme des génisses, au lieu d'aller traire leurs vaches. Soyez sûr qu'avant comme après, elles mangent leurs rôtis à la gelée de groseilles, grignotent leurs dretzels salés et lampent leurs amples moss. N'en doutez point, elles font l'amour et elles font des enfants. Cette nouvelle captivité de Babylone me laisse froid.

     La question, du reste, est simple : l'Allemagne a enlevé deux provinces à la France, qui elle-même les avait antérieurement chipées : vous voulez les reprendre ? Bien. En ce cas, partons pour la frontière. Vous ne bougez pas ? Alors foutez-nous la paix.

     Jadis, en de permanentes guerres, avec de vraies armées, c'est-à-dire composées de soldats de métier et de carrière, on se trouvait vainqueur sans vanité, vaincu sans rancune. La défaite n'avait pas cette conséquence : une nation pleurnichant et hihihant pendant vingt ans, telle qu'une éternelle fillette ; oui, comme une fillette qui a laissé tomber sur le bon côté sa tartine de confitures.

     Jadis, le lendemain de la paix signée, les sujets des deux pays trafiquaient ensemble sans amertume, franchissaient indifférents les frontières modifiées, et les officiers des deux armées, la veille aux prises, buvaient à la même table, en gens d'esprit. Je verrais sans nul effarouchement des officiers francais trinquer avec des officiers allemands : font-ils pas le même métier, et pourquoi, noble ici, ce métier deviendrait-il, là, infâme ?

     Ce désintéressement supérieur, la France l'éprouva, tant qu'elle fut une nation spirituelle et de haute allure. Les Francais d'alors disaient, ayant perdu, délicats et sourieurs : « Messieurs, nous vous revaudrons ça » — puis parlaient d'autre chose. Serions-nous devenus, à cette heure, des brutes rancunières, douées de cervelles éléphantines  ?

     Dépurons-nous de ces humeurs ; prenons quelques pilules de dédain qui fassent issir par les voies naturelles ce virus nouveau, dénommé : Patriotisme.

     Nouveau, oui, sous la forme épaisse qu'il assume depuis vingt ans, car son vrai nom est vanité : nous sommes la civilisation, les Allemands sont la barbarie...

     Oh !

     On ne peut, il est vrai, nous dénier une littérature et un art supérieurs à la littérature et à l'art allemands ; mais cet art même et cette littérature, demeurés tout cénaculaires, sont inconnus à nos derviches hurleurs, et de ceux d'entre eux qui les soupçonnent, méprisés : ce qu'on en montre dans les journaux et dans les expositions devrait, au contraire, nous engager vers une certaine modestie. Quelle fierté les patriotes ont-ils jamais tirée des œuvres de, par exemple, Villiers de l'Isle-Adam ? Soupçonnaient-ils son existence, alors que le roi de Bavière l'accueillait et l'aimait ? Ont-ils subventionné Laforgue, qui ne trouva qu'à Berlin la nourriture nécessaire à la fabrication de ses chefs-d'œuvre d'ironie tendre ? Et pour ne citer qu'un seul nom d'artiste, est-ce par les patriotes que sont achetées les lithographies de Redon, dont les admirateurs sont presque tous scandinaves et germains ? Il y a un patriotisme à la portée de tous ceux qui possèdent trois francs cinquante, c'est d'acheter les livres des hommes de talent et de ne pas les laisser mourir de misère.

     Laissons donc l'art et la littérature, puisque les productions par lesquelles on nous clame supérieurs sont au contraire de celles qui nous humilieront à jamais dans l'histoire de l'esprit humain, — et parlons du reste.

     L'érudition, mais elle est allemande. Les Allemands ont inauguré, et détiennent encore, la philologie romane, et s'il faut chercher des professeurs connaissant mieux l'ancien français que les maîtres de l'École des Chartes, c'est en Allemagne. Qui nous a fait connaître notre littérature dramatique d'avant Corneille ? Des Allemands, et les bonnes éditions de ces poètes sont allemandes.

     Qui a connu mieux que nul l'histoire de la Révolution française ? Des Allemands, les Sybel et les Schmidt.

     Qui a débrouillé l'histoire grecque et l'histoire romaine, sinon les Mommsen et les Curtius ?

     Je ne dis rien de la philosophie, rien de la musique : domaines allemands, — et je me borne à ces indications pour ne point répéter un ancien article de M. Barrès, dont le spirituel antipatriotisme jadis m'avait charmé.

     Le vrai, c'est que l'intellect germain et l'intellect français se complètent l'un par l'autre, sont créés, dirait-on, pour se pénétrer, se féconder mutuellement : du cerveau de l'Europe, l'un des peuples est le lobe droit l'autre est le lobe gauche, et rien, en ce cerveau, ne peut fonctionner normalement si l'entente n'est parfaite entre les deux inséparables hémisphères.

     Peuples frères, il n'y en a guère qui le soient plus clairement ni mieux faits pour une entière et profonde sympathie, malgré des différences évidentes dans les modalités de la pensée. Ils sont calmes et nous sommes de salpêtre ; ils sont patients et nous sommes nerveux ; ils sont lents et un peu lourds, nous sommes vifs et allègres ; ils sont muets et nous sommes braillards ; ils sont pacifiques et nous avons l'air belliqueux : dernier point où l'entente est extraordinairement facile, car il semble certain qu'ils en ont, de même que nous, assez et, de même que nous, ne souhaitent rien, si ce n'est qu'on les laisse travailler en paix.

     Non, nous n'avons nulle haine contre ce peuple ; nous sommes trop bien élevés pour afficher une enfantine rancune, trop au-dessus de la sottise populaire pour même la ressentir : quant à moi, entre les assourdissants jappeurs ligués contre notre quiétude et les placides Allemands, je n'hésite pas, je préfère les Allemands.

     Les défiances s'assoupissaient, lorsque M. de Cassagnac s'est mis à trouver mauvais que l'impératrice, cette charmante femme, ait voulu voir Saint-Cloud et Versailles : ce sont cependant d'agréables promenades, et les choisir, une preuve de bon goût, car cette étrangère, n'aurait-elle pas aussi bien pu manifester le désir d'assister aux courses d'Auteuil ?

     Dire qu'il ne s'est pas trouvé en cette ville, qui se targue d'esprit et de bravoure, un peintre assez indépendant de l'opinion populaire, assez courageux contre la sottise journalistique pour oser obéir à cet instinct naturel qui domine aujourd'hui ce qu'on dénomme l'école française : l'intérêt de la vente ! Le Patriotisme a été le plus fort, étant la sottise suprême — pourquoi s'étonner ?

     Ah ! si Henri Regnault n'avait pas été tué à Buzenval, si ce peintre patrouillait encore ses noirs savoyards, ses roses souillés, ses blancs de panaris, s'il se livrait encore, en de luxueux ateliers, à ce que Huysmans appelle « son vagabondage du dessin et son cabotinage édenté des couleurs » ! Mais les Prussiens l'ont occis. Cela ne fait jamais qu'un artiste médiocre de moins, — et il y en a tant !

     Puis, à chacun son métier : le sien était de faire de la peinture, même mauvaise, — comme le métier de Verlaine est à de divines poésies. Le jour, pourtant, viendra peut-être où l'on nous enverra à la frontière : nous irons, sans enthousiasme ; ce sera notre tour de nous faire tuer : nous nous ferons tuer avec un réel déplaisir. « Mourir pour la Patrie » : nous chantons d'autres romances, nous cultivons un autre genre de poésie.

     Leur supprimer, à ces « s... b... de marchands de nuages », — il s'agit de nous, selon Baudelaire, — leur couper toute religion, tout idéal et croire qu'ils vont se jeter affamés sur le patriotisme ! Non, c'est trop bête et ils sont trop intelligents.

     S'il faut d'un mot dire nettement les choses, eh bien : — Nous ne sommes pas patriotes.

     25 mars 1891
    publié dans le Mercure de France, juillet 1891

     > Wikisource

     > Octave Mirbeau "les beautés du patriotisme", Le Figaro, 18 mai 1891. Wikisource

     > Remy de Gourmont et Octave Mirbeau  :  de l'amitié à la rupture :  Gérard Pouloin -  Université de Caen

     > Interview d'Octave Mirbeau par Paul Huret - Echo de Paris

    > Remy de Gourmont - les amis de Gourmont

  • Les baricades mistérieuses

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    François Couperin

    Les baricades mistérieuses

    Interprètes : Scott Ross ( clavecin),  Miguel Yisrael ( luth baroque),  Yasunori Imamura (Théorbe), Christopher Parkening (guitare)  Roberto Caberlotto (accordéon)  Kaori Nakamura (piano), Bruno Procopio (clavecin).

  • Luz : “Tout le monde nous regarde, on est devenu des symboles

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    Un entretien avec le dessinateur Luz dans les Inrock's :

    Luz : “Tout le monde nous regarde, on est devenu des symboles

    3992716853.pngLuz dessine à Charlie Hebdo depuis vingt ans. Il doit la vie au fait d’être né un 7 janvier, et d’être arrivé à la bourre pour la conférence de rédaction de l’hebdomadaire satirique. Il participe avec les autres “survivants” à la fabrication du numéro de Charlie Hebdo qui sortira le 14 janvier, et qui sera exceptionnellement tiré à un million d’exemplaires. Aujourd’hui, comme hier, il se rendra dans les locaux de Libération, qui abritent la rédaction, pour discuter des angles, des sujets, de la couverture. Avec d’autres dessinateurs, il ira croquer le grand rassemblement républicain de dimanche. Au lendemain de l’attaque terroriste qui a coûté la vie à ses amis, ses mentors, sa famille, Luz nous confie ses doutes, ses craintes et sa colère. Dévasté par le chagrin, il s’interroge sur la possibilité de dessiner encore après ce terrible 7 janvier 2015 et livre un témoignage à contre-courant

    > la suite

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  • L’attentat contre Charlie Hebdo : l'occultation

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    Saïd Bouamama est sociologue et militant associatif et politique. Il s'intéresse particulièrement à l'immigration, aux discriminations et au racisme. Il compte  parmi les fondateurs du mouvement des Indigènes de la République, il est également affilié à la CGT et membre de la Coordination communiste.

    A lire, sur son blog, une réflexion sur "L’attentat contre Charlie Hebdo : l'occultation politique et médiatique des causes, des conséquences et des enjeux"

    3992716853.pngL’attentat contre l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo marquera notre histoire contemporaine. Il reste à savoir dans quel sens et avec quelles conséquences. Dans le contexte actuel de « guerre contre le terrorisme » (guerre extérieure) et de racisme et d’islamophobie d’État, les artisans de cet acte ont, consciemment ou non,  accéléré un processus de stigmatisation et d’isolement de la composante musulmane, réelle ou supposée, des classes populaires.
    Les conséquences politiques de l’attentat sont déjà désastreuses pour les classes populaires et cela va se renforcer si aucune alternative politique à la fameuse « Union Nationale » n’est proposée.
    En effet, la manière dont les médias français et une écrasante majorité de la classe politique réagissent est criminelle. Ce sont ces réactions qui sont dangereuses pour l’avenir et qui portent en elles de nombreux « dégâts collatéraux » et de futurs 7 et 9 janviers toujours plus meurtriers. Comprendre et analyser pour agir est la seule posture qui peut permettre aujourd’hui d’éviter les instrumentalisations et dévoiements d’une émotion, d’une colère et d’une révolte légitime.(...)

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  • Valls : horizon 2017

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    manuel-valls-ce-n-est-pas-seulement-la-communaute-juive_927851_460x306.jpgDu temps où il vibrionnait en tant que ministre de l'Intérieur,   Walls était comme la mouche du coche et s'agrippait au moindre sujet médiatique.

    Il obéissait alors à une com' bien rodée se déroulant en trois temps et centrée sur les thèmes de l'immigration, de la sécurité et de la laïcité.

    Son ministère s'était spécialisé dans les catastrophes naturelles (crues, déraillements, avalanches...), les problèmes de cultes (et particulièrement ce qui concerne les musulmans), les faits divers ( braquage, meurtres et drogue) et les libertés publiques.

    Depuis il est devenu Premier ministre, et il est sur toute les grandes chaînes d'info :

    « Ainsi certaines gens, faisant les empressés,
    S'introduisent dans les affaires :
    Ils font partout les nécessaires,
    Et, partout importuns, devraient être chassés. »

    Les trois temps du political wannabe

    "Manuel Valls est par atavisme un political wannabe ; celui qui se place dans la roue des puissants du moment et qui ne la lâche plus : hier Rocard, puis Jospin, ensuite Royal, brièvement Strauss-Kahn, et, tardivement, Hollande. Deuxième et Première gauche, gauche caviar, gauche New Age et gauche démocrate. Valls s’est mis au service de tout le monde, sans aucun état d’âme. Si Manuel Valls accentue toujours plus sa rhétorique droitière, c’est qu’il est persuadé qu’il s’agit d’une stratégie payante. C’est le discours que ses conseillers à Euro RSCG (l’officine des socialistes losers de la présidentielle) et les sondeurs susurrent quotidiennement à son oreille. Un nombre croissant de ses collègues au gouvernement l’a compris : Valls évolue dans le champ politique au gré de ses intérêts personnels. La balise est déjà à l’horizon : Élysée 2017. ( Article de Philippe Marlière " Manuel Valls, le conformiste ou comment les grands médias français fabriquent un Solférinien présentable pour la prochaine présidentielle.

    Com' toujours

    Sondages en amont :

    1. ne pas prendre de risque : par exemple les sondages montrent un rejet de Dieudonné et de ses positions pour les 2/3 des Français; ceux concernant les propos du ministre  sur l'intégration des Roms étant approuvés par presque huit Français sur dix,.
    2. Utiliser l'opinion publique comme un bouclier contre les opposants de son propre camp.

    Le coup médiatique,  avec l'histérisation de certains médias :

    1. Être ici là et ailleurs et faire parler de soi : lors de la catastrophe ferroviaire de Brétigny, Valls était dans le Gard, il revenu de toute urgence à Brétigny, en falcone payé par les deniers publics, pour une déclaration de deux minutes avant de repartir dans le Gard.
    2. occuper le terrain: comme choisir une date d'intervention en période creuse, entre les deux réveillons;
    3. redorer son blason et se faire accepter par son camp. L'affaire Dieudonné intervient après l'épisode désastreux des Roms.
    4. Engager des combats peu risqués : l'antisémitisme aujourd'hui n'est pas un problème en France et n'est tenu et défendu que par une poignée d’extrémistes;
    5. Intervenir sans aucun risque médiatique, de manière brève au rythme de l'info en continu : le Monde lui a proposé un long interview depuis 2012 qu'il n'a jamais accepté.

    Sondage pour vérifier que le coup médiatique a réussi : séduire à droite et être le politique préféré des Français. 

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  • 3 bourreaux et 1 Charlie

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    4860007-7252596.jpgChantera-t-il la Marseillaise ce chef d’un gouvernement qui mène une politique raciste envers les palestiniens et une partie de sa population ? Ce responsable de crimes de guerre à Gaza et de la poursuite de la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem Est, entonnera-t-il le Chant des partisans ? Cet architecte du blocus de la bande de Gaza, déposera-t-il une couronne à la Bastille ou à République. Ou ce haut responsable de la politique belliciste et expansionniste israélienne n'est-il en France que pour provocation ?

    Benjamin Netanyahu sera accompagné par Avigdor Lieberman et Naftali Bennett pour représenter l’État d’Israël à la manifestation européenne. Paris accueillera ainsi trois individus qui relèvent de la Cour Pénale Internationale pour les meurtres de masse commis à Gaza et ailleurs.

    Ces trois-là  ne représentent que eux-mêmes et n’ont aucune légitimité à venir honorer la mémoire de qui que ce soit et certainement pas des Juifs tués dans le magasin casher à Paris.

    " La manifestation devait être soi-disant « d’unité nationale » contre le terrorisme et pour la liberté d’expression. Elle sera en réalité une représentation des « valeurs du monde civilisé occidental » contre les « menaces terroristes du monde arabo-musulman », une manifestation bien dans la tonalité du « choc des civilisations » qui d’après nos gouvernants, même quand ils se défendent de diffuser ce point de vue, régit le monde actuel. " UJFP

    Le M'PEP, Mouvement d’émancipation populaire, dresse un rapide portraits des trois représentants d'Israël.

    3992716853.pngBenjamin Netanyahu, Premier ministre israélien, s’est toujours opposé aux Accords d’Oslo. Ces derniers résultent de discussions entre des négociateurs israéliens et palestiniens tenues à Oslo en Norvège, pour poser les premiers jalons d'une résolution du conflit israélo-palestinien. Une Déclaration de principes a été signée à Washington le 13 septembre 1993 en présence de Yitzhak Rabin, Premier ministre israélien, de Yasser Arafat, Président du comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et de Bill Clinton, Président des Etats-Unis, pour régler le problème et poser les bases d’une autonomie palestinienne temporaire de 5 ans. Benjamin Netanyahu a favorisé la construction de nouvelles implantations israéliennes en Cisjordanie, en expulsant les Palestiniens. Il s’est toujours opposé à la création d’un État palestinien. Avant de prendre l'avion pour Paris il a lancé un appel : "A tous les juifs de France, tous les juifs d'Europe, je vous dis : Israël n'est pas seulement le lieu vers lequel vous vous tournez pour prier, l'Etat d'Israêl est votre foyer".

    Avigdor Lieberman, ministre des Affaires étrangères, a fondé le parti d'extrême droite Israel Beytenou. Lors de la seconde intifada, en 2002, il demande le bombardement des stations d'essence, banques et centres commerciaux palestiniens. Il s'oppose au plan de désengagement des territoires occupés et propose en mai 2004 un plan alternatif dans lequel il prévoit une séparation entre Juifs et Arabes « pour créer deux États ethniquement homogènes ». En janvier 2008, Avigdor Liberman a quitté le gouvernement afin de s'opposer aux négociations de paix avec les Palestiniens. Il a été inculpé de « blanchiment d’argent », « fraude », « subornation de témoins », « entrave à la justice »…

    Naftali Bennett est un homme d’affaire et politicien qui dirige le parti politique sioniste religieux d’extrême-droite Le Foyer juif, ainsi que le mouvement pro-colonies My Israel. En juillet 2013 il déclare : « J'ai tué beaucoup d'Arabes dans ma vie. Et il n'y a aucun problème avec ça », lors d'une réunion retranscrite par le quotidien Yedioth Ahronoth.

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    activestills_1.jpgUne pensée pour la liberté d'expression, pour Abdallah Abu Rahma, militant palestinien, qui risque des années de prison pour simple délit d’opinion.

    Il a été déclaré coupable le 21 octobre pour des charges liées à une manifestation organisée en 2012. Pour son avocate, Gaby Lasky, " il semble que la per­sé­cution d’un Pales­tinien pour un acte sym­bo­lique non-​​violent contre l’occupation a davantage de signi­fi­cation poli­tique que criminelle ". 

    En 2010, il avait déjà été condamné à 12 mois de prison "pour col­lectage de douilles de gre­nades lacry­mo­gènes et de balles tirées sur les mani­fes­tants par l’armée israé­lienne et qu’il uti­lisait pour montrer les vio­lences per­pé­trées contre les mili­tants palestiniens."

    Abdallah Abu Rahma, défenseur des droits de l'homme, ne pourra donc pas venir à Paris.

    Pétition de soutien est en ligne

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