En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
Lorsque le pouvoir de transfiguration de la mort, ce rituel social qui commande l’éloge des disparus, se joint à la puissance d’une émotion commune à l’échelle de la société tout entière, il est à craindre que ce soit la clarté des idées qui passe un mauvais moment. Il faut sans doute en prendre son parti, car il y a un temps social pour chaque chose, et chaque chose a son heure sociale sous le ciel : un temps pour se recueillir, un temps pour tout dire à nouveau.
Mais qu’on se doive d’abord à la mémoire de ceux qui sont morts n’implique pas, même au plus fort du traumatisme, que toute parole nous soit interdite. Et notamment pour tenter de mettre quelque clarification dans l’inextricable confusion intellectuelle et politique qu’un événement si extrême ne pouvait manquer, en soi, de produire, à plus forte raison sous la direction éclairée de médias qui ne louperont pas une occasion de se refaire la cerise sur le dos de la « liberté d’expression », et de politiques experts en l’art de la récupération." >>>
Nous avons ces derniers jours vécu les mêmes bouleversements à répétition que tous nos concitoyens. Comme Juifs nous avons été profondément atteints par l’horrible attentat perpétré contre des Juifs parce que Juifs. Cela ne peut que faire résonner pour nous les pires heures de l’histoire du judaïsme français. Tout ce que nous croyons comme militants, citoyens, êtres humains, tout ce pour quoi nous luttons, la valeur de la vie, de l’égalité entre les hommes, le ta’ayush (le vivre ensemble), s’est vu bafoué ici dans la rédaction d’un journal, puis dans ce magasin cacher. Nous sommes convaincus que la liberté d’expression est une valeur fondamentale de toute société démocratique et qu’elle doit être défendue à tout prix contre la violence obscurantiste.
Les gouvernements successifs d’Israël n’ont quant à eux pas cessé depuis la même époque de s’adresser aux Juifs français en leur demandant de quitter une France pleine de musulmans antisémites et de faire leur « aliya » en Israël.
Enfin un aréopage d’intellectuels français, tenants du choc des civilisations, des Fourest, des Taguieff, des Tarnero, des Finkielkraut, mèneront à la fois le combat contre l’islam et celui pour le sionisme. Les gouvernements français successifs n’ont cessé, eux aussi, d’assimiler la légitime critique d’Israël et du sionisme à un racisme antisémite. Et la plupart des médias français ont repris la rengaine. On entendait même des journalistes après le massacre de Toulouse, parler d’Israël à des citoyens français juifs devant l’école visée, en leur disant « votre pays ». Souvenons-nous du fameux rapport Rufin qui demandait la pénalisation de l’antisionisme décrit comme une nouvelle forme d’antisémitisme.
D'autres articles sur le même thème:
Les liens vers le site de l' UJFP s'ouvrent dans la même fenêtre
En décembre 2013, Olivier Cyran, qui a travaillé à Charlie-Hebdo de 1992 à 2001, adressait une lettre ouverte à Charb ( directeur de Charlie), et à Fabrice Nicolino (journaliste) qui avaient signé une tribune dans Le Monde : Non, "Charlie Hebdo" n’est pas raciste !. Olivier Cyran revenait notamment sur la multiplication des caricatures contre les musulmans et des enquêtes fantaisistes :
" Petit à petit, la dénonciation en vrac des "barbus ", des femmes voilées et de leurs complices imaginaires s’imposa comme un axe central de votre production journalistique et satirique. Des" enquêtes" se mirent à fleurir qui accréditaient les rumeurs les plus extravagantes, comme la prétendue infiltration de la Ligue des droits de l’homme (LDH) ou du Forum social européen (FSE) par une horde de salafistes assoiffés de sang".
L'extrait suivant explique bien ce malaise ressentit par des lectrices et lecteurs de Charlie face à ce que Cyran qualifie de "gaudriole islamophobe". Il existe une différence en France, au vu de son histoire, entre une tradition anticléricale visant l'institution établie de l’Église catholique (et ses nombreux appuis politiques) et des caricatures incessantes à l'endroit des musulmans assimilés aux "intégristes" - tous rassemblés dans une communauté fantasmée qui n'existe pas.
Vous vous réclamez de la tradition anticléricale, mais en feignant d’ignorer en quoi elle se différencie fondamentalement de l’islamophobie : la première s’est construite au cours d’une lutte dure, longue et acharnée contre un clergé catholique effectivement redoutable de puissance, qui avait – et a encore – ses journaux, ses députés, ses lobbies, ses salons et son immense patrimoine immobilier ; la seconde s’attaque aux membres d’une confession minoritaire dépourvue de toute espèce d’influence sur les sphères de pouvoir. Elle consiste à détourner l’attention des intérêts bien nourris qui gouvernent ce pays pour exciter la meute contre des citoyens qui déjà ne sont pas à la fête, si l’on veut bien prendre la peine de considérer que, pour la plupart d’entre eux, colonisation, immigration et discrimination ne leur ont pas assigné la place la plus reluisante dans la société française. Est-ce trop demander à une équipe qui, selon vos termes, « se partage entre tenants de la gauche, de l’extrême gauche, de l’anarchie et de l’écologie », que de prendre un tantinet en compte l’histoire du pays et sa réalité sociale ? "
Je suis convaincu, depuis longtemps, que l’idée d’un « péril musulman » est une absurdité, que la fixation sur l’islam est dangereuse car elle dresse une partie de l’humanité contre l’autre, une partie des populations européennes contre d’autres. Elle tend à remplacer le combat contre les injustices sociales par une guerre religieuse. Plus largement, on voit se développer en France un courant que l’on peut appeler « occidentalo-atlantiste » (selon la formule de Hubert Védrine) et qui tend à voir dans les Autres, qu’ils soient musulmans, russes ou chinois, une menace existentielle pour « nos » valeurs et « notre » civilisation.
Qui peut imaginer que l'attentat à Charlie-Hebdo et les massacres antisémites de Paris ne seront pas réinvestis par le pouvoir ? Valls a déjà évoqué un renforcement de l’arsenal législatif devant des préfets réunis au ministère de l’Intérieur où ils suivaient en direct l’opération contre les frères Kouachi puis Amedy Coulibaly. Surenchères et apparents reculs vont se succéder avec en ligne de mire le Patriot Act et les prochaines présidentielles.
Selon une méthode éprouvée, dans un premier temps on justifie une atteinte générale aux libertés publiques en insistant sur le caractère exceptionnel et sur l’importance des modes de contrôles, en particulier concernant l’habilitation des personnels et les protocoles à mettre en œuvre. Puis on élargit le champ d’application, et on réduit les possibilités de contrôle. L’exception devient la norme." J-P Manach
Patriot Act : l’exception devient la norme
« Les entorses aux droits constitutionnels n’ont pas commencé avec M. Bush. Dans le sillage du premier attentat contre le World Trade Center, en 1993, et de celui qui a détruit le bureau fédéral d’Oklahoma City en 1995, le Congrès a passé l’Anti-Terrorism Act,, un des pires assauts à la Constitution depuis des décennies.»
« Terrorism and Constitution », The New Press, New York, 2002.
Le 25 octobre 2001, sous le gouvernement Bush, le Patriot Act était adopté à une écrasante majorité par le Congrès des États-Unis.
Cette incroyable machinerie ultra-sécuritaire a exploité les attentats du 11 septembre. Elle a accru les pouvoirs administratifs d’espionnage des citoyens — perçus sous l’ange de terroristes potentiels — et a stigmatisé les arabes et les musulmans.
Terrible ironie de l’histoire, les terroristes impliqués dans l’attentat du World Trade Center appartenaient à cette famille que les gouvernements américains successifs ont armée en Afghanistan du temps de la " Guerre froide " contre l’URSS. Au nom, bien sûr, de la défense de la démocratie.
- L’effondrement des principes démocratiques –
En s’affranchissant des conditions légales d’encadrement, le Patriot Act restreint les libertés fondamentales, contourne le contrôle judiciaire et réduit les protections en matière criminelle. Il accroit la surveillance sans contrôle des citoyens, il facilite leur mise sur écoute, il contrôle leur activité sur internet, il permet l’intrusion dans leurs données personnelles, il supprime la confidentialité des lectures des Américains, il élargit les pouvoirs de perquisition, il autorise la détention des étrangers suspectés de porter atteinte à la sécurité, la constitution de listes de personnes à risques, la surveillance électronique par des banques de données, l'authentification des identités par la biométrie, la technologisation des contrôles aux frontières...
« Outre le Patriot Act, la première vague de mesures antiterroristes comportait une mise à jour (c’est-à-dire un allongement considérable) des listes de personnes à surveiller, de nouvelles restrictions à la délivrance de visas, l’assouplissement des obligations de l’administration en matière de communication de l’information, une réglementation plus stricte des dons à des œuvres de bienfaisance tournées vers l’étranger et une foule d’autres mesures dont beaucoup étaient controversées mais pas toutes, du moins aux États-Unis. Il faut également mentionner quantité de lois adoptées non au niveau fédéral mais au niveau des États fédérés, et restées largement ignorées à l’intérieur même du pays, sans parler du reste du monde. Très souvent, ces textes facilitaient encore plus que la législation nationale l’interception des communications personnelles (téléphone et ordinateurs) et élargissaient les pouvoirs d’exception des États, notamment en matière de sante publique et de sécurité.» (Mark Sidel)
- le magasin aux accessoires légaux -
Dans les années 2002-2003, d’autres dispositifs sécuritaires tentèrent de compléter le Patriot Act. Certaines des mesures ultra-sécuritaires n’ont pu être mises en œuvre et d’autres n’ont été votées par le Congrès qu’à titre provisoire. Mais ce qui est rejeté par la mobilisation des défenseurs des libertés publiques et civiques, par les résistances politiques ou l’intervention de juges, réapparaît bientôt après quelques rectificatifs sous un autre nom ou une autre forme.
- Programme intitulé « Regard d’aigle « ( Eagle Eyes), crée par l’Armée de l’air, il incite à informer les autorités sur tout individu ou incident suspect ;
-Le Patriot Act, régulièrement reconduit depuis 2001, autorise ainsi le viol légal d’un certain nombre de droits constitutionnels que garantit théoriquement la Constitution :1er amendement : liberté de religion, de parole, de réunion et e la presse.
- 4ème amendement : droit de ne pas subir des recherches et des saisies déraisonnables.
- 5ème amendement : nul individu ne peut être privé de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans un procès équitable.
- 6ème amendement : droit à un procès public rapide par un jury impartial, le droit d’être informé des éléments de l’accusation, le droit de confronter les témoins et d’assistance juridique.
- 8ème amendement : pas de détention arbitraire ou cruelle ni de condamnation exceptionnelle.
- 14ème amendement : tous les individus (citoyens américains ou non) résidant aux États-Unis ont droit à un procès équitable et une égale protection par la loi. (USA Patriot Act -Maya Ghozali)
- Le Patriot Act a été jusqu’en 2015. Cette fois par le gouvernement Obama, et toujours avec l’accord des deux chambres du Congrès pour qui le fait que cette législation conduit les autorités fédérales à outrepasser leurs droits ne pose aucun problème.
Surveiller la terre entière
La furie sécuritaire du Patriot Act américain concerne les sociétés américaines que se soit aux USA mais aussi dans le monde entier. La surveillance des courriels, des appels téléphoniques et des transactions financières ne concerne donc pas seulement les citoyens américains. L'Europe est aux premières loges.
- L’accord d’échange, des données bancaires passé entre l’Europe et les États-Unis dans le cadre de la lutte anti-terroriste ( Terrorist Financing Tracking System - TFTP) ne respecte ni les principes constitutionnels des États membres ni les droits fondamentaux.
Saïd Bouamama est sociologue et militant associatif et politique. Il s'intéresse particulièrement à l'immigration, aux discriminations et au racisme. Il compte parmi les fondateurs du mouvement des Indigènes de la République, il est également affilié à la CGT et membre de la Coordination communiste.
L’attentat contre l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo marquera notre histoire contemporaine. Il reste à savoir dans quel sens et avec quelles conséquences. Dans le contexte actuel de « guerre contre le terrorisme » (guerre extérieure) et de racisme et d’islamophobie d’État, les artisans de cet acte ont, consciemment ou non, accéléré un processus de stigmatisation et d’isolement de la composante musulmane, réelle ou supposée, des classes populaires. Les conséquences politiques de l’attentat sont déjà désastreuses pour les classes populaires et cela va se renforcer si aucune alternative politique à la fameuse « Union Nationale » n’est proposée. En effet, la manière dont les médias français et une écrasante majorité de la classe politique réagissent est criminelle. Ce sont ces réactions qui sont dangereuses pour l’avenir et qui portent en elles de nombreux « dégâts collatéraux » et de futurs 7 et 9 janviers toujours plus meurtriers. Comprendre et analyser pour agir est la seule posture qui peut permettre aujourd’hui d’éviter les instrumentalisations et dévoiements d’une émotion, d’une colère et d’une révolte légitime.(...)
Le 17 décembre 2010, alors que Mohamed Bouazizi s'immolait par le feu suicide et devenait ainsi l'élément déclencheur de la révolution en Tunisie. Alors que des dizaines de Tunisiens révoltés tombaient sous les balles du dictateur Ben Ali, le maire de Paris, Bertrand Delanoé, et la ministre sarkozyste des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, s'en allaient fêter leur réveillon en Tunisie - Parmi d'autres adorateurs.
"Une dictature, la Tunisie ? L’Egypte, une dictature ? En voyant les médias se gargariser maintenant du mot "dictature" appliqué à la Tunisie de Ben Ali et à l’Egypte de Moubarak, les Français ont dû se demander s’ils avaient bien entendu ou bien lu. Ces mêmes médias et ces mêmes journalistes n’avaient-ils pas, durant des décennies, martelé que ces deux "pays amis" étaient des "États modérés" ? Le vilain mot de "dictature", dans le monde arabo-musulman, n’était-il pas exclusivement réservé (après la destruction de l’ "effroyable tyrannie" de Saddam Hussein en Irak) au seul régime iranien ? Comment ? Il y avait donc d’autres dictatures dans cette région ? Et nos médias, dans notre exemplaire démocratie, nous l’auraient-ils caché ?" Ignacio Ramonet
Déliquescence de l’État, répression accrue et "essor économique". Pour être le " rempart contre la déferlante intégriste dans la région", le régime de Ben Ali avait carte blanche pour réduire au silence la moindre opposition par la censure de la presse, les arrestations arbitraires, la torture et les procès d'opinion.
Le régime avait atteint sa vitesse de croisière :
Main mise sur le pole industriel de l’Institut Pasteur de Tunis par des membres de la famille de Leila Trabelsi;
Rachat d’Orange Télécom par la famille Ben Ali;
Rachat des parts d’Orascom dans l’opérateur de télécom Tunisiana;
Monopole de l’importation des viandes qui passe sous le contrôle de Imed Trabesli ( triste délinquant notoire et fils de Leila Ben Ali - son frère sur les registres de l’État civil);
La Banque BFT qui est en train d’être privatisée pour passer sous le contrôle de la famille (plusieurs prétendants sont sur la liste, tous de la famille Ben Ali et Trabesli).
Sur décision de Zine Ben Ali, tous les avoirs de la famille ont été transférés à Dubai et reconvertis en lingots d’or source Nawaat
Merveilleuse et inoxydable, Alliot-Marie. Elle fut sis fois ministre, sans discontinuer de 2002 jusque sous Sarkozy, premier dignitaire de la Ve République à inaugurer successivement quatre ministères dits " régaliens." Ministre des Affaires étrangères, elle vanta devant les députés, le 11 janvier 2011, les compétences de la France de droite pour venir en aide à Ben Ali et sécuriser une Tunisie agitée par une méchante insurrection.
" Nous proposons que le savoir-faire qui est reconnu dans le monde entier de nos forces de sécurité permette de régler des situations sécuritaires de ce type. C'est la raison pour laquelle nous proposons aux deux pays, dans le cadre de nos coopérations, d'agir en ce sens pour que le droit de manifester puisse se faire en même temps que l'assurance de la sécurité. "
Tunisie : les deux problèmes à régler selon la droite,avant la chute du dictateur.
- M. Jean-Paul Lecoq.(...) Madame la ministre des affaires étrangères, comment justifiez-vous cette incohérence de notre pays : d'un côté la France appelle au respect de la démocratie en Côte d'Ivoire alors que de l'autre elle soutient de manière indéfectible la dictature de M. Ben Ali ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
-M. Arnaud Montebourg. C’est vrai !
-M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.
-Mme Michèle Alliot-Marie. Monsieur le député, oui la Tunisie comme l’Algérie connaissent en ce moment des mouvements sociaux de grande ampleur et qui touchent particulièrement les jeunes. Face à cela, plutôt que de lancer des anathèmes,…
-M. Maxime Gremetz. Des anathèmes ? Il faut appeler un chat un chat !
- Mme Michèle Alliot-Marie,. …notre devoir est de faire une analyse sereine et objective de la situation. Parlons du fond, tout d’abord. Il est vrai que dans ces deux pays, il y a énormément d’attentes – notamment de la part des jeunes, et en Tunisie particulièrement de jeunes formés – de pouvoir accéder au marché du travail.
-M. Michel Lefait. En France aussi !
-Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État. Or c’est un problème pour ces pays. C’est bien la raison qui nous porte à souligner le bien-fondé de la volonté du Président de la République de répondre, dans le cadre du G8 et du G20, aux préoccupations et aux besoins de ces pays. Il s’agit, en particulier, de toutes les conditions nécessaires que la communauté internationale tout entière doit mettre pour permettre aux jeunes et aux jeunes diplômés de pouvoir accéder au marché du travail.
-M. Jean-Paul Lecoq. Et Ben Ali ?
-Mme Michèle Alliot-Marie. Le deuxième problème est effectivement celui des décès et des violences constatées à l’occasion de ces manifestations.
-M. Maxime Gremetz. Cinquante-deux morts !
-Mme Michèle Alliot-Marie. On ne peut que déplorer des violences concernant des peuples amis. Pour autant, je rappelle que cela montre le bien-fondé de la politique que nous voulons mener quand nous proposons que le savoir-faire de nos forces de sécurité, qui est reconnu dans le monde entier, permette de régler des situations sécuritaires de ce type.
-M. Roland Muzeau. Quelle honte !
-M. Pierre Gosnat. Et Ben Ali ? Répondez à la question !
- Mme Michèle Alliot-Marie. C’est la raison pour laquelle nous proposons aux deux pays de permettre, dans le cadre de la coopération, d’agir dans ce sens, afin que le droit de manifester soit assuré de même que la sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
-M. Jacques Desallangre. Quelle duplicité !
*
Le Canard enchaîné révéla qu'entre Noël et le jour de l'An 2010, Alliot-Marie et son conjoint Patrick Ollier, ministre chargé des Relations avec le Parlement - ainsi que des membres de leur famille, utilisèrent un jet privé appartenant à un dénommé Aziz Milad pour rejoindre à Tabarka leur lieu de villégiature appartenant également à Aziz Milad.
Pour en revenir à Aziz Milad, il était ce directeur de la compagnie aérienne Nouvelair, présenté par Alliot-Marie comme une victime du clan Ben Ali alors au pouvoir en Tunisie.
La victime Aziz Milad - tout comme le grand Rabbin de Tunisie - appelait pourtant en 2010 son bourreau de Ben Ali à se présenter à l'élection présidentielle de 2014. Il cosignait avec 64 autres personnalités un appel où l'on pouvait y lire :
« Nous nous permettons en tant que patriotes, au-delà des classifications politiques et idéologiques, d’appeler le dépositaire de la confiance en toute sincérité, à parachever ce qu’il a accompli, la marche, en dépit de l’immensité de ses acquis, demande encore la vision et le leadership de celui qui a fait montre de ses compétences à réaliser et changer. »
« La Tunisie, a encore besoin de vous, de vos visions perspicaces pour la gestion de ses affaires et la conduite de son avenir. C’est pourquoi, nous vous adjurons de vous porter candidat à un nouveau mandat présidentiel à l’horizon 2014. Par cet appel, nous disons oui à la stabilité et à la continuité qui sont à la base de toute action politique réussie. Nous disons oui aussi à davantage de développement, oui à la paix sociale, à l’équilibre de la société, oui à la dignité et à la souveraineté nationale.»
Et les signataires concluaient ainsi :
«Toutes les profondes mutations autour de nous et celles à venir soulignent l’indispensable recours pour la Tunisie à un commandement de la taille de celle du Président Zine el Abidine Ben Ali, avec tout son poids et toute sa sagesse. Nous sommes conscients que l’ultime décision demeure la vôtre, mais ce à quoi nous aspirons à travers notre initiative, c’est de nous accorder l’exercice de notre droit à la poursuite de l’espoir et de la confiance dans l’avenir de la Tunisie et celui de son peuple ce qui ne saurait s’accomplir sans la poursuite de votre leadership et de votre action afin de consolider davantage la stabilité, le progrès et la prospérité.»
Le 20 août 2010, la presse tunisienne aux ordres publiait un autre texte, "l’appel des mille " où un millier de personnalités développaient avec force éloges fleuris des "arguments" en faveur du " raïs " :
"En symbiose avec la volonté populaire qui est l’essence même de la Démocratie ; partant du fait que le principe électoral est à la base du régime républicain ; eu égard à l’évolution politique vers le pluralisme et la démocratie, laquelle évolution constitue une plateforme cognitive pour l’alternance au pouvoir dans un climat de concurrence pluraliste ouverte…
Et compte tenu du rôle historique assumé par le Président Zine El Abidine Ben Ali dans les progrès réalisés par la Tunisie et son accession à des classements mondiaux avancés dans tous les domaines ; eu égard, particulièrement, à son rôle déterminant et avant-gardiste dans l’édification d’une démocratie éclairée assurant à notre pays la stabilité et le développement continu en symbiose avec une contribution populaire large et consensuelle… Et étant convaincus que le Changement, à ce stade de son processus, est encore porteur de vastes horizons et de grandes ambitions pour le pays, ce qui rend nécessaire et impérieuse la permanence de Zine El Abidine Ben Ali aux commandes du projet national tendant à assurer stabilité, quiétude et pérennité à la Tunisie…
Compte tenu, donc, de ce qui a précédé, nous lançons cet appel à son Excellence le Président Zine El Abidine Ben Ali pour qu’il se porte candidat à la présidentielle de 2014-2019 et pour qu’il continue cette marche commencée avec son peuple. Tout en étant conscients des lourdes responsabilités que cela induit, nous espérons que son Excellence. M. le Président répondra favorablement à cet appel et qu’il répondra à l’appel du devoir pour la Tunisie, pour la préservation de son invulnérabilité, de ses acquis et de ses réussites.
Bertrand Delanoë, alors maire de Paris et toujours natif de Bizerte, confiait en mars 2010 tout le bien qu'il pensait de la Tunisie et de son président : " un pays qui a vraiment enregistré des résultats remarquables sur le plan économique et social, notamment depuis que le Président Ben Ali a pu , à partir de 1987, entamer un certain nombre de réformes." A l'époque il confirmait aussi , grâce à ses dons de visionnaire, que la Tunisie est " non seulement sur la bonne voie mais elle réussit mieux que les pays comparables et parfois même mieux que des pays dits développés en terme de croissance."
Il faut dire, à sa décharge, qu'en août 1997, la France de la cohabitation Chirac-Jospin, avec Hubert Védrinne aux Affaires étrangères, confirmait son soutien " au modèle démocratique tunisien " et ses 2000 prisonniers politiques selon Amnesty international. Mais Jospin corrigeait la mauvaise impression que l'on pouvait avoir : "il ne faut pas confondre les temps, il ne faut pas confondre l'attitude qu'on adopte en routine diplomatique face à des États qui sont de toute nature et une proposition extrêmement choquante alors que le peuple s'est mis en mouvement en Tunisie"...
Embarrassé par l'ami gênant, L’Internationale socialiste se décidait enfin , le 11 janvier 2011, d’exclure le parti politique du président tunisien déchu de Ben Ali. L'annonce fut faite dans un communiqué lapidaire sans un mot ni une explication supplémentaire.
Ben Ali et le FMI
" Officiellement, le rôle du Fonds monétaire international est de « promouvoir la coopération monétaire internationale, de garantir la stabilité financière, de faciliter les échanges internationaux, de contribuer à un niveau élevé d’emploi, à la stabilité économique et de faire reculer la pauvreté ». Le FMI fournit des crédits aux pays en difficulté. Mais en contrepartie, il exige des politiques de rigueur, de libéralisation des services publics, de privatisations, de désengagement de l’État, nommés « Plans d’ajustement structurels ». Il dispose également d’un rôle de conseil et de formation... pour mener des politiques ultralibérales. Le FMI est dénoncé pour ses actions au niveau international par des centaines d’organisations actives dans les pays du Sud et du Nord. "(M'PEP)
Éloges de la part de Strauss-Kahn, alors directeur général du FMI, à l'issue de sa visite en Tunisie fin 2008 :
« C'est avec plaisir que j'ai visité la Tunisie à l'occasion du cinquantième anniversaire de la création de la Banque Centrale de Tunisie. Cette institution, un pilier de la gestion dynamique de l'économie tunisienne, a contribué à l'accélération de la croissance et à la stabilité économique. La crise financière très grave que connaît le monde requiert l'action claire et globale de tous nos pays ainsi qu'une coordination étroite des politiques conduites par chacun d'eux, et le rôle des banques centrales est à cet égard fondamental.
« Au cours de mon séjour à Tunis, j'ai eu le privilège de rencontrer Son Excellence le Président Ben Ali et le Gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, M. Taoufik Baccar.
« Les entretiens que nous avons eus ont témoigné de notre vision commune des réalisations de la Tunisie et de ses principaux défis à relever. Les politiques économiques mises en _uvre par les autorités et leur approche pragmatique des réformes structurelles ont produit des gains sensibles et la crise financière mondiale n'a pas eu d'impact financier direct sur la Tunisie. Dans l'immédiat, le défi principal est de limiter l'impact d'un ralentissement prévu de l'économie mondiale. A moyen terme, la création d'emplois et la croissance du revenu seront déterminantes pour le relèvement du niveau de vie.
« Nos entretiens ont également confirmé que le programme de réforme de la Tunisie progressait à rythme soutenu et que les perspectives du pays étaient favorables. J'ai félicité les autorités tunisiennes pour la création d'un comité qui suivra les impacts de la conjoncture économique et financière mondiale et prescrira des mesures pour en atténuer d'éventuels effets négatifs sur l'économie tunisienne ainsi que pour la célérité qui a caractérisé l'action de la Banque Centrale de Tunisie dès l'apparition de la crise. J'ai noté la bonne poursuite du renforcement de la situation du secteur bancaire et encouragé les autorités à persévérer dans cette réforme hautement prioritaire, compte tenu de la libéralisation graduelle du compte de capital. J'ai félicité les autorités pour leurs efforts d'avancement de l'intégration régionale qui pourrait potentiellement aider les pays du Maghreb à affronter l'adversité de l'environnement international actuel. » ( Fonds monétaire international : communiqué de presse n° 08/291 (F))
"Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux."
La Boétie
"Des bourgeois pleins de merde d'aujourd'hui déguisés en bourgeois pleins de merde d' autrefois célèbrent le bon vieux temps. Le bon vieux temps, c'est la Conquête anglaise de 1760; par la force des armes, les marchands anglais s'emparent du commerce de la fourrure."
Pierre Falardeau
Pierre Falardeau, cinéaste québécois.
" Renverser les monuments pour voir les vers qui grouillent. "
P. Vadeboncœur
On est au Ghana en 1957, avant l'indépendance. Jean Rouch tourne un documentaire, Les Maîtres fous, sur la religion des Haoukas. Chaque année, les membres de la secte se réunissent pour fêter. Ils sont possédés. Possédés par des dieux qui s'appellent le gouverneur, le secrétaire général, la femme du gouverneur, le général, la femme du docteur. En 1957, le Ghana, c'est une colonie britannique... quelques rois nègres pour faire semblant, mais les vrais maîtres sont anglais. Une colonie avec tout le kit : Union Jack, God Save the Queen, perruques, cornemuse, pis la face de la reine en prime. Ici, on connaît.
La religion Haoukas reproduit le système colonial en plus petit, mais à l'envers. Les colonisés se déguisent en colonisateurs, les exploités jouent le rôle des exploiteurs, les esclaves deviennent les maîtres. Une fois par année, les pauvres mangent du chien. Une fois par année, les fous sont maîtres. Le reste du temps, les maîtres sont fous.
On est au Québec en 1985. Chaque année, la bourgeoisie coloniale se rassemble au Queen Elizabeth Hotel pour le banquet du Beaver Club. Ici, pas de possédés, juste des possédants. A la table d'honneur, avec leur fausse barbe et leur chapeau en carton, les lieutenants gouverneurs des 10 provinces, des hommes d'affaires, des juges, des Indiens de centre d'achats, des rois nègres à peau blanche qui parlent bilingue. Comme au Ghana, on célèbre le vieux système d'exploitation britannique. Mais ici, c'est à l'endroit. Ici, les maîtres jouent le rôle des maîtres, les esclaves restent des esclaves. Chacun à sa place!
- Bonsoir, mesdames et messieurs. Good evening, ladies and gentlemen. My name is Roger Landry. I am your president of the Beaver Club. It is my privilege to welcome you to the twenty-seventh annual dinner of the Beaver Club celebrating this year the two-hundredth anniversary of the Beaver Club in Montreal. Sont réunis ici ce soir, dans cette illustre enceinte, des personnalités dont le seul nom évoque assurément la grandeur et l'honorabilité; puisque, en fait, à cette table ils sont tous honorables. En titre... Mais rassurez-vous, ce soir, exceptionnellement, ils redeviennent tous humains et les règles du protocole sont dès maintenant abolies. Avant de ce faire, j'ai reçu, il y a quelques instants, a few minutes ago this telegram: am very sorry that I am unable to be with you tonight, but I am pleased to be able to send congratulations on the occasion of the anniversaries. Je vous souhaite à tous une soiré agréable et au Beaver Club beaucoup de succès dans les années à venir. The right honorable prime minister of Canada, Brian Mulroney."
Des bourgeois pleins de merde d'aujourd'hui déguisés en bourgeois pleins de merde d' autrefois célèbrent le bon vieux temps. Le bon vieux temps, c'est la Conquête anglaise de 1760; par la force des armes, les marchands anglais s'emparent du commerce de la fourrure. Chaque année, les grands boss se réunissent pour fêter leur fortune. Ils mangent, ils boivent, ils chantent. Ils s'appellent McGill, Ellice, Smith, Frobisher, Mackenzie. C'est ca, le Beaver Club il y a 200 ans. C'est la mafia de l'époque. Ils achètent tout : les terres, les honneurs, les médailles, le pouvoir, tout ce qui s'achète. La gang de fourrure forme lentement l'élite de la société. Les voleurs deviennent tranquillement d'honorables citoyens. Ils blanchissent l'argent sale en devenant banquiers, seigneurs, politiciens, juges. C'est ça, le Beaver Club au début.
Deux cents ans plus tard, leurs descendants, devenus tout à fait respectables, font revivre cette fête par excellence de l'exploitation coloniale. Le gros Maurice, ministre des Forêts, devenu boss d'une multinationale du papier. Jeanne Sauvé, sa femme, administrateure de Bombardier, d'Industrial Insurance, et gouverneuse générale. Marc Lalonde, ancien ministre des Finances, maintenant au conseil d'administration de la City Bank of Canada. Francis Fox, ministre des Communications, engagé; par Astral Communications. Toute la gang des Canadiens français de service est là, costumé en rois nègres biculturels. Des anciens politiciens devenus hommes d'affaires. Des anciens hommes d'affaires devenus politiciens. Des futurs politiciens encore hommes d'affaires.
Toute la rapace est là: des boss pis des femmes de boss, des barons de la finance, des rois de la pizza congelée, des mafiosos de l'immobilier. Toute la gang des bienfaiteurs de l'humanité. Des charognes à qui on élève des monuments, des profiteurs qui passent pour des philanthropes, des pauvres types amis du régime déguisés en sénateurs séniles, des bonnes femmes au cul trop serré, des petites plottes qui sucent pour monter jusqu'au top, des journalistes rampants habillé en éditorialistes serviles, des avocats véreux, costumés en juges à 100 000$ par année, des liche-culs qui se prennent pour des artistes. Toute la gang est là : un beau ramassis d'insignifiants chromés, médaillés, cravatés, vulgaires et grossiers avec leurs costumes chics et leurs bijoux de luxe. Ils puent le parfum cher. Sont riches pis sont beaux; affreusement beaux avec leurs dents affreusement blanches pis leur peau affreusement rose. Et ils fêtent...
Au Ghana, une fois par année, les pauvres imitent les riches. Ici, ce soir, les riches imitent les riches. Chacun à sa place... Les bourgeois anglais se déguisent en bourgeois anglais, les collabos bilingues s'habillent en collabos bilingues, souriant et satisfaits, les Écossais sortent leur jupe écossaise, les Indiens se mettent des plumes dans le cul pour faire autochtones. On déguise les Québécois en musiciens pis en waiters. Les immigrés? Comme les Québécois, en waiters! Chemises à carreaux et ceintures fléchée. Manque juste les raquettes pis les canisses de sirop d'érable. Des porteurs d'eau déguisés en porteurs de champagne. Alouette, gentille alouette!
C'est toute l'histoire du Québec en raccourci. Toute la réalité du Québec en résumé : claire, nette pour une fois, comme grossie à la loupe. Ce soir, les maîtres fêtent le bon vieux temps. Ils fêtent l'âge d'or et le paradis perdu. Ils crient haut et fort, sans gêne, leur droit au profit, leur droit à l'exploitation, leur droit à la sueur des autres. Ils boivent à leurs succès. Ils chantent que tout va bien, que rien ne doit changer, que c'est pour toujours... toujours aux mêmes, toujours les mêmes.
Ils sont pareils partout... à New York, à Paris, à Mexico. Je les ai vus à Moscou vomir leur champagne et leur caviar sur leurs habits Pierre Cardin. Je les ai vus à Bangkok fourrer des enfants, filles ou garçons, pour une poignée de petit change. Je les ai vus à Montréal dans leur bureau avec leurs sales yeux de boss, leur sale voix de boss, leur sale face de boss, hautains, méprisants, arrogants. Des crottés avec leur chemise blanche pis leur Aqua Velva. Minables avec leur Mercedes pis leur raquette de tennis ridicule. Comme des rats morts. Gras et épais avec leurs farces plates pis leurs partys de cabane à sucre. Pleins de marde jusqu'au bord à force de bêtise et de prétention. Crosseurs, menteurs, voleurs. Et ça se reproduit de père en fils. Une honte pour l'humanité!
Au Ghana, les pauvres mangent du chien. Ici, c'est les chiens qui mangent du pauvre. Et ils prennent leur air surpris quand on en met un dans une valise de char.
- Ensemble, merci au chef, nos applaudissements, nous lui disons merci. Ladies and gentlemen, together let's thank magnificently. Bravo! Et maintenant, as president of the Beaver Club, may I say to you the following : never any club has been so honoured and so magnificently rewarded on its two-hundredth anniversary to have such a magnificent membership as you are. A vous tous, nos membres, à nous tous, applaudissons-nous. We are magnificent people and I raise my hat to all of us. Bravo. You are as beautiful as I think I am. Thank you very much. Good evening. Bravo. Good night... Tout le monde, les serviettes, on fête, on témoigne notre appréciation. Everyone, yes, that's right ! Bravo.
Applaudissons-nous. We are magnificent people. Quelle boufonnerie !
- Bravo! God bless you !...
"Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux." La Boétie