En décembre 2013, Olivier Cyran, qui a travaillé à Charlie-Hebdo de 1992 à 2001, adressait une lettre ouverte à Charb ( directeur de Charlie), et à Fabrice Nicolino (journaliste) qui avaient signé une tribune dans Le Monde : Non, "Charlie Hebdo" n’est pas raciste !. Olivier Cyran revenait notamment sur la multiplication des caricatures contre les musulmans et des enquêtes fantaisistes :
" Petit à petit, la dénonciation en vrac des "barbus ", des femmes voilées et de leurs complices imaginaires s’imposa comme un axe central de votre production journalistique et satirique. Des" enquêtes" se mirent à fleurir qui accréditaient les rumeurs les plus extravagantes, comme la prétendue infiltration de la Ligue des droits de l’homme (LDH) ou du Forum social européen (FSE) par une horde de salafistes assoiffés de sang".
La lettre ouverte est à lire sur le site Article 11. Elle est ccompagnée d'un texte signé de la rédaction qui répond à ceux qui estiment que cette lettre "serait une validation a priori de l’attaque terroriste ignoble contre Charlie hebdo".
L'extrait suivant explique bien ce malaise ressentit par des lectrices et lecteurs de Charlie face à ce que Cyran qualifie de "gaudriole islamophobe". Il existe une différence en France, au vu de son histoire, entre une tradition anticléricale visant l'institution établie de l’Église catholique (et ses nombreux appuis politiques) et des caricatures incessantes à l'endroit des musulmans assimilés aux "intégristes" - tous rassemblés dans une communauté fantasmée qui n'existe pas.
Vous vous réclamez de la tradition anticléricale, mais en feignant d’ignorer en quoi elle se différencie fondamentalement de l’islamophobie : la première s’est construite au cours d’une lutte dure, longue et acharnée contre un clergé catholique effectivement redoutable de puissance, qui avait – et a encore – ses journaux, ses députés, ses lobbies, ses salons et son immense patrimoine immobilier ; la seconde s’attaque aux membres d’une confession minoritaire dépourvue de toute espèce d’influence sur les sphères de pouvoir. Elle consiste à détourner l’attention des intérêts bien nourris qui gouvernent ce pays pour exciter la meute contre des citoyens qui déjà ne sont pas à la fête, si l’on veut bien prendre la peine de considérer que, pour la plupart d’entre eux, colonisation, immigration et discrimination ne leur ont pas assigné la place la plus reluisante dans la société française. Est-ce trop demander à une équipe qui, selon vos termes, « se partage entre tenants de la gauche, de l’extrême gauche, de l’anarchie et de l’écologie », que de prendre un tantinet en compte l’histoire du pays et sa réalité sociale ? "
> Des articles d'Olivier Cyran sur le site CQFD
> La peur d'une communauté qui n'existe pas , par Olivier Roy -
> Val, Cabu, le FN et l'ORTF, par Respiro
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A lire aussi " Encore, toujours, l’islam... par Alain Gresh - 2008