" au titre de la liberté d’expression, les religions sont des idéologies comme d’autres, et injurier une idéologie, un système de pensée, n’est pas insulter les personnes qui y adhèrent." Jean Boulègue
Le blasphème en France
Depuis la Révolution (1791), le délit de blasphème n’existe plus dans notre droit, à l'exception de l'Alsace et de la Moselle. Certains croyants et courants politiques rétrogrades tentent cependant de rétablir un délit qui n'a plus court.
- En 1972, la loi Pleven, modifiant la loi sur la presse de 1881, spécifiaient ainsi que les injures envers les personnes "à titre de leur appartenance, ou non appartenance religieuse " seraient plus lourdement sanctionnées que les simples injures.
- De l’affiche du film "Ave Maria", à l’affaire des "caricatures de Mahomet " des dizaines de procès ont été intentés en France contre injures envers une religion .
Le délit de blasphème, dans sa forme "ancien régime", a été pourtant réanimé par décret n°2010-835 du 21 juillet 2010 relatif à " l’incrimination de l’outrage au drapeau tricolore ".
« Art.R. 645-15.-Hors les cas prévus par l'article 433-5-1, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe le fait, lorsqu'il est commis dans des conditions de nature à troubler l'ordre public et dans l'intention d'outrager le drapeau tricolore :
« 1° De détruire celui-ci, le détériorer ou l'utiliser de manière dégradante, dans un lieu public ou ouvert au public ;
« 2° Pour l'auteur de tels faits, même commis dans un lieu privé, de diffuser ou faire diffuser l'enregistrement d'images relatives à leur commission.
« La récidive des contraventions prévues au présent article est réprimée conformément aux articles 132-11 et 132-15. »
Ainsi Yohan Leforestier, artiste de la compagnie de théâtre d’interventionL’Oreille arrachée, comparut en 2011 pour avoir, avant une manifestation de protestation contre la baisse des subventions d’État dans la politique de la ville, " revêtu, comme costume, une burqa tricolore, pour interpréter le personnage de " Nadine Hamouk, porte-parole des musulmans, transsexuels et patriotes de France ". Yohan Leforestier fut tout de même été relaxé.
Contre le délit de blasphème
La Libre Pensée demande qu’il soit mis fin à toutes les procédures pénales pour délit de blasphème en Europe. Il y actuellement, au moins, une procédure en Alsace-Moselle (France) concernant une pièce de théâtre (l’article 166 du code pénal d’Alsace-Moselle punit d’une peine maximum de trois ans d’emprisonnement ce délit); une procédure en Grèce concernant Filippos Loizos, blogueur et auteur d’un innocent canular sur un faux miracle prêté à un saint et condamné à 10 mois de prison; il y a eu récemment 99 procédures à Chypre.
> Le délit de blasphème est encore en vigueur ... en Alsace et Moselle - LDH Toulon
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Florilège
Soazig Chamaillard
Super Marie par Soazig Chamaillard
En 2011, à Nantes, devant la galerie d'art contemporain Albane, un groupe de catholiques traditionalistes avait organisé une sorte de messe pour laver la vierge des outrages que, pour eux, lui faisait subir Soazig Chamaillard :
" A travers le détournement de ces statues de la Vierge Marie, Mère de Jésus-Christ – que les chrétiens considèrent comme le Fils de Dieu et le Sauveur – vous attaquez la foi des chrétiens et l’Eglise, mais vous sapez aussi les racines culturelles, religieuses et identitaires de votre pays. (...) enfin, vous participez à ce travail de sape, insidieux, qui donne raison aux musulmans. Il seront confortés dans leur opinion que la religion chrétienne est une religion de faibles (puisque personne ne vous fera payer ce blasphème) et qu’ils ont raison d’imposer par la force et l’intimidation la loi islamique… " sur le site de l'observatoire de la christianophobie
Mème le très catholique" Service National de la Pastorale Liturgique et Sacramentelle (SNPLS) de la Conférence des évêques de France " n'avait rien trouvé de particulièrement blasphématoire à la présentation" d'objets décontextualisés" et répondait ainsi à une brebis blessée :
"(...) Il y a sans doute un conflit générationnelle entre une proposition d’une jeune artiste et la perception d’une personne plus âgée.
Cependant, rien n’interdit à Mademoiselle Chamaillard de récupérer ces statuettes de vierges issues pour la plupart des XIXe et XXe siècles, destinées souvent à finir en brocante ou pire à la poubelle et de leur donner une seconde vie « artistique ». Il n’y a pas à mon sens de caractère blasphématoire, et de plus l’objet est décontextualisé.
Dans le champ de la réception d’une œuvre d’art contemporain, seul notre regard et nos références personnelles nous servent de guide… " (lettre sur le site de l'observatoire de la christianophobie)
d'autant plus que Soazig Chamaillard s'était clairement exprimé sur son travail :
" Issue d’une société occidentale chrétienne, ma réflexion est influencée par mon environnement.
Par le jeu d’associations d’icônes, de transformations physiques, ou de combinaisons improbables, je parle avant tout de la femme, de sa place et de son rôle dans cette société. Ces questionnements m’ont amenés à travailler sur l’image sacrée de la Vierge Marie.
Je travaille à partir de statues abîmées, provenant de brocantes ou de dons, que je restaure et transforme.
Je ne cherche pas à choquer ceux qui croient. Je ne cherche qu’à toucher ceux qui voient." (Présentation sur son site)
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le Service National de la Pastorale Liturgique et Sacramentelle (SNPLS) de la Conférence des évêques de France - See more at: http://www.christianophobie.fr/breves/exposition-blasphematoire-narthex-cautionne#sthash.aU8TEryD.dpuf
Leon Ferrari (1920 – 2013)
"Civilisation occidentale et chrétienne" (1965)
Cette sculpture de l' Argentin Leon Ferrari, artiste « blasphématoire » selon le pape Bergoglio, met en scène un Christ crucifié sur le ventre d'un bombardier américain durant la guerre du Vietnam : trois millions de morts et des terres ravagées.
Militant pacifiste et défenseur des droits de l’homme, Ferrari qui se posait également en anticlérical convaincu est décédé le 25 juillet 2013, à Buenos Aires. Il était âgé de 92 ans.
En 2004, eut lieu une rétrospective de l'œuvre de Leon Ferrari au Centre culturel de la Recoleta (CCR) à Buenos Aires. Cet évènement souleva la colère de la droite, de l'extrême droite et des religieux argentins bien en cours. Bergoglio, alors cardinal de Buenos Aires, s'était même fendu d'une lettre de protestation. En revanche le futur pape resta muet comme une carpe de carême aux propos d'Antonio Baseotto, un de ces coreligionnaires de choc, évêque aux armées, spécialiste en antisémitisme, en fascisme et en art non-blasphématoire. Il parlait ainsi des juifs :
« Ils se consacrent avec beaucoup d'habilité et très souvent avec très peu de principes moraux aux grandes affaires. Ce sont eux qui déplacent le plus de capital dans le monde. Il sont aveuglés par la possession. Peu importe avec quels moyens ils se sont enrichis. Si la pornographie est une bonne affaire, ils vendent de la pornographie. Si la drogue est une bonne affaire, ils vendent de la drogue. Si pour gagner plus il convient de faire du chantage ils le feront. Et si pour gagner plus ils doivent couler la concurrence par tout les moyens, ils le feront »
León Ferrari llega a Bogotá
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La Cène du délit
En 2005, pour le motif d' "injure visant un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une religion déterminée, en l'occurrence le catholicisme", une affiche publicitaire parodiant le tableau " la Cène" de Léonard de Vinci était interdite par le tribunal de grande instance de Paris à la demande de l'association "Croyances et libertés", relais des évêques de France.
Par la suite la Cour d’appel avait motivé sa condamnation en estimant qu’il était " fait gravement injure aux sentiments religieux et à la foi des catholiques " et que cette "représentation outrageante d’un thème sacré détourné par une publicité commerciale " était de nature à provoquer "un trouble manifestement illicite".
Par chance la Cour de cassation censura une telle entorse judiciaire à nos principes fondamentaux et annula la condamnation.
Dans sa version poétique," la Cène" vue par Jacques Prévert
Il sont à table
Ils ne mangent pas
Ils ne sont pas dans leur assiette
Et leur assiette se tient toute droite
Verticalement derrière leur tête.
> "Le délit de blasphème n'existe pas" Ligue des droits de l'Homme - Toulon.
> "La Cène en libre expression" le blog du Kazz
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Martin Kippenberger
la grenouille et le bénitier
Benoît XVI avait dénoncé le caractère blasphématoire d'une sculpture réalisée par l’artiste allemand Martin Kippenberger . La sculpture avait été exposée sans problème à Londres, Venise, New York et Los Angeles, puis en 2004 au musée de Laguna Beach,en Californie, dans le cadre d’une exposition intitulée “100 artistes voient Dieu”.
"Autoportrait de l’artiste en état de crise profond”
Relayant la papauté, Sandro Bondi, ministre de la culture, arbitre du bon goût et des élégances ,jugeait alors que " non seulement cette œuvre blesse le sentiment religieux de nombreuses personnes qui voient dans la croix le symbole de l’amour de Dieu, mais elle offense aussi le bon sens et la sensibilité de ceux qui ne se reconnaissent pas dans ce symbole". Les amis des grenouilles en ont été tout retournés. Et le ministre "berlusconien" de conclure : "Je serais heureux que les institutions publiques ou financées par le public n’exaltent pas uniquement l’art désacralisé, les provocations inutiles ou le non-sens".
Il y a ici comme une tentative de définir en quelques mots un "art officiel"propre et un "
art dégénéré" dont l'Europe a connu de grands pourfendeurs dans l'Allemagne nazie.
"J'ai compris que comme le Sacré Cœur de Jésus est l'objet sensible offert à nos adorations pour représenter son amour au très saint Sacrement de l'autel, de même la Face adorable de Jésus-Christ est l'objet sensible offert à nos adorations pour réparer les outrages commis par les blasphémateurs envers la Majesté et la Souveraineté de Dieu, dont cette sainte Face est la figure, le miroir et l'expression. Les blasphèmes lancés par les impies contre la Divinité, qu'ils ne peuvent atteindre, retombent comme les crachats des Juifs sur la sainte Face de Notre-Seigneur qui s'est fait victime des pécheurs. "
Extrait du Manuel de la Confrérie de la Sainte Face, à Tours.
> Voir la face de Dieu par David F. Llyod traduit par Gaël Feltracco