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semaine sanglante

  • Eugène Varlin : "L’histoire finira par voir clair ..."

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    « L’histoire finira par voir clair et dira que nous avons sauvé la République ». 

    Eugène Varlin

    eugène varlinFigure du mouvement ouvrier et militant de la commune de Paris, Eugène Varlin, ouvrier relieur, fut un des pionniers du mouvement ouvrier français. Fondateur en 1857 de la Caisse de secours mutuel de sa corporation. Il adhéra à l' Association Internationale des Travailleurs dès 1865.


    En 1871, il fut un des principaux dirigeants de la Commune de Paris et membre de sa commission des finances. Il sera assassiné par les Versaillais le 28 mai 1871.

    " Au cours de la Semaine sanglante, 21-28 mai, Eugène Varlin demeura au service de la Commune. Après avoir dirigé la défense du VIe arr. : barricades de la rue de Rennes le 22 mai, de la Croix-Rouge le 23, le Panthéon le matin du 24, il commanda autour de la mairie du XIe arr. dans la soirée du même jour. Le 26, avec Camélinat et quelques autres, il tenta de s’opposer au massacre des otages, 85, rue Haxo, XXe arr. Le 27, vers midi, il se battait encore à la barricade de la rue de la Fontaine-au-Roi et, le soir, à celle de la rue Ramponneau, non loin du Père-Lachaise.

    Le dimanche 28, vers trois heures de l’après-midi, écroulé sur un banc rue Lafayette, près de la place Cadet, IXe arr. il fut reconnu et dénoncé. " Le Maitron

    *

    Louise Michel, dans La Commune, décrit l'arrestation d'Eugène Varlin.

    " Ce dimanche-là, du côté de la rue de Lafayette fut arrêté Varlin : on lui lia les mains et son nom ayant attiré l’attention, il se trouva bientôt entouré par la foule étrange des mauvais jours.

    On le mit au milieu d’un piquet de soldats pour le conduire à la butte qui était l’abattoir.

    La foule grossissait, non pas celle que nous connaissions houleuse, impressionnable, généreuse, mais la foule des défaites qui vient acclamer les vainqueurs et insulter les vaincus, la foule du væ victis éternel.

    La Commune était à terre, cette foule, elle, aidait aux égorgements.

    On allait d’abord fusiller Varlin près d’un mur, au pied des buttes, mais une voix s’écria : — Il faut le promener encore ; d’autres criaient : — Allons rue des Rosiers. Les soldats et l’officier obéirent ; Varlin toujours les mains liées, gravit les buttes, sous l’insulte, les cris, les coups ; il y avait environ deux mille de ces misérables ; il marchait sans faiblir, la tête haute, le fusil d’un soldat partit sans commandement et termina son supplice, les autres suivirent. — Les soldats se précipitèrent pour l’achever, il était mort.

    Tout le Paris réactionnaire et badaud, celui qui se cache aux heures terribles n’ayant plus rien à craindre vint voir le cadavre de Varlin. Mac-Mahon secouant sans cesse les huit cents et quelques cadavres qu’avait faits la Commune, légalisait aux yeux des aveugles, la terreur et la mort.

    Vinoy, Ladmirault, Douay, Clinchamp, dirigeaient l’abattoir écartelant, dit Lissagaray, Paris, à quatre commandements.

    Combien eût été plus beau le bûcher qui, vivants nous eût ensevelis, que cet immense charnier ! Combien les cendres semées aux quatre vents pour la liberté eussent moins terrifié les populations, que ces boucheries humaines ! Il fallait aux vieillards de Versailles ce bain de sang pour réchauffer leurs vieux corps tremblants."

    Maximin Luce, Eugène Varlin, exécution, Commune, Semaine sanglante, 1871

    Et voici comment le journal anti-communard Le Tricolore raconte la mort de Varlin, dénoncé par un prêtre et qui illustre à quel point la bourgeoisie était terrorisée par le programme de la Commune de Paris.

    » Dimanche dernier, vers trois, heures de l'après-midi, les promeneurs, très nombreux, ont pu voir, rue Lafayette, l'arrestation de Varlin, membre de la Commune, ex-délégué au ministère des finances.
    » Il était assez pauvrement vêtu et était entouré de quatre soldats conduits par un officier, qui venaient de s'emparer de sa personne.
    » Après l'avoir fouillé, on lui lia les mains, puis il fut dirigé vers les buttes Montmartre.
    » Au moment de son arrestation, il n'y avait que sept ou huit personnes croyant assister à la prise d'un simple fédéré, mais, au même instant, Un passant, probablement mieux informé que les autres, s'écria : C'est Varlin ! Les personnes présentes à cette exclamation se mirent à la suite des quatre soldats, remplissant dans ce moment les fonctions de gardiens de cet homme, qui n'avait pas craint de coopérer au commencement de la destruction de Paris.
    » La foule grossissait de plus en plus, et on arriva avec beaucoup de peine au bas des buttes Montmartre, où le prisonnier fut conduit devant un général dont nous n'avons pu retenir le nom; alors l'officier de service chargé de cette triste mission, s'avança et causa quelques instants avec le général, qui lui répondit d'une voix basse et grave : Là, derrière ce mur.
    » Nous n'avions entendu que ces quatre mots et quoique nous doutant de leur signification, nous avons voulu voir jusqu'au bout la fin d'un des acteurs de cet affreux drame que nous avons vu se dérouler devant nos yeux depuis plus de deux mois; mais la vindicte publique en avait décidé autrement. Arrivé à l'endroit désigné, une voix, dont nous n'avons pu reconnaître l'auteur et qui fut immédiatement suivie de beaucoup d'autres, se mit à crier : II faut le promener encore, il est trop tôt. Une voix seule alors ajouta : Il faut que justice soit faite rue des Rosiers, où ces misérables ont assassiné les généraux Clément Thomas et Lecomte.
    » Le triste cortège alors se remit en marche, suivi par près de deux mille personnes; dont la moitié appartenait à la population de Montmartre.
    » Arrivé rue des Rosiers, l'état-major ayant son quartier général dans cette rue s'opposa à l'exécution.
    » Il fallut donc, toujours suivi de cette foule augmentant à chaque pas, reprendre le chemin des buttes Montmartre. C'était de plus en plus funèbre, car, malgré tous les crimes que cet homme avait pu commettre, il marchait avec tant de fermeté, sachant le sort qui l'attendait depuis plus d'une heure, que l'on arrivait à souffrir d'une aussi longue agonie.
    » Enfin, le voilà arrivé; on l'adosse au mur, et pendant que l'officier faisait ranger ses hommes, se préparant à commander le feu, le fusil d'un soldat, qui était sans doute mal épaulé, partit, mais le coup rata ;— immédiatement les autres soldats firent feu, et Varlin n'existait plus.
    » Aussitôt après, les soldats, craignant sans doute qu'il ne fût pas mort, se jetèrent sur lui pour l'achever à coups de crosse; mais l'officier leur dit : » Vous voyez bien qu'il est mort; laissez-le. »

    Le Tricolore, 1er juin 1871, cité dans
    Les Huit journées de mai derrière les barricades, par Lissagaray - p.179.

  • Le parti de l'ordre : que peut faire de mieux une monarchie ?

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    " Cette incarnation monstrueuse de l’égoïsme, de l’hypocrisie et de la férocité, que l’imbécile vulgaire accepte sous le nom de parti de l’ordre, et qui derrière cette raison sociale abrite effrontément ses tripots, ses coupe-gorge et ses lupanars. "

    André Léo

     André Léo, écrivaine et féministe, participa à la Commune de Paris. Dans " La guerre sociale", un discours prononcé au Congrès de la paix de Lausanne en 1871, elle tire quelques enseignements politiques de ces évènements et y dénonce  " la calomnie officielle " concernant la Commune de Paris, calomnie qui dure encore :

    " Combien y a-t-il d'esprits indépendants qui se soient dit : quand les vainqueurs ont seuls la parole, quand les vaincus ne peuvent rien alléguer ni rien démentir, il est de justice et de sens commun de suspendre son jugement. "

    Lors du Congrès, sa prise de parole dérangea tellement une partie du public, qu’après une première interruption le président lui interdit de continuer.

    *

    Dans cet extrait, André Léo revient sur le crime contre l’humanité que constitua la Semaine sanglante de mai 1871 et qui s'acheva le 28 mai. C’est  à l’armée de Mac Mahon que fut confiée l’exécution des basses œuvres et les massacres se poursuivront encore un mois, sans parler des déportations. Et ce fut Adolphe Thiers qui en fut le boucher en chef et représentait alors "le plus petit dénominateur commun des "centres" bourgeois, conservateurs et royalistes modérés "selon les termes de Jacques Serieys.

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    3992716853.pngLa liberté a repris ses chaînes ; la pensée ses menottes ; encore une fois, grâce à la peur, tout est permis à ceux qui règnent. La ville qui était la capitale du monde, et qui n’est plus même la capitale de la France, a perdu ses citoyens ; mais elle a retrouvé ses petits crevés et ses courtisanes. Tout ce qu’elle avait de sang généreux a coulé dans ses ruisseaux et a rougi – ce n’est pas une figure – les eaux de la Seine ; et pendant huit jours et huit nuits, afin que le Paris de la révolution redevint le Paris des empires, on en a fait un immense abattoir humain !

    J’ai vu ces jours de sang ; j’ai entendu pendant ces nuits horribles, le bruit des feux du peloton et des mitrailleuses. J’ai reçu de nombreux témoignages ; j’ai recueilli les aveux écrits des assassins eux-mêmes, au milieu de leur joie féroce ; et jamais le sentiment d’indignation qui s’est élevé en moi ne s’apaisera ! et tant que je vivrai, partout où je pourrai être entendue, je témoignerai contre cette incarnation monstrueuse de l’égoïsme, de l’hypocrisie et de la férocité, que l’imbécile vulgaire accepte sous le nom de parti de l’ordre, et qui derrière cette raison sociale abrite effrontément ses tripots, ses coupe-gorge et ses lupanars.

    Et l’on parle encore de 93 ! Et le spectre rouge, tout en loques, sert encore d’épouvantail à la volatile ! Qu’était cette terreur rouge du siècle dernier, la seule (car la démocratie n’en fait plus), qu’était-ce que cette crise fatale, qu’expliquent la famine et le danger, en comparaison de ces terreurs tricolores, dont la terreur de 71 est de beaucoup la plus épouvantable, et qui vont toujours croissant de rage et d’intensité ? Quel mois de 93 vaut cette semaine sanglante pendant laquelle 12 000 cadavres – ce sont leurs journaux qui le disent – jonchèrent le sol de Paris ? Les prisons suffisaient en 93 ; il leur faut aujourd’hui des plaines à Versailles et des pontons dans tous les ports. La terreur tricolore l’emporte de toute la supériorité de la mitrailleuse sur la guillotine ; de toute la distance qui sépare dans le mal, la préméditation et l’emportement. La guillotine, au moins, ne tuait qu’en plein jour et ne tranchait qu’une vie à la fois. Eux, ils ont tué huit jours et huit nuits d’abord ; puis la nuit seulement, pendant plus d’un mois encore. Deux personnes honorables, qui habitent deux points opposés des environs du Luxembourg, m’ont affirmé avoir encore entendu, dans la nuit du 6 juillet, les détonations lugubres.

    J’ai beau faire. Je ne vois du côté de la Commune que 64 victimes – si l’on persiste à lui attribuer l’exécution des otages, qu’elle n’a pas ordonnée – et de l’autre, j’en vois, suivant le chiffre le plus bas, 15 000 – beaucoup disent 20 000 – Mais   qui peut savoir le compte des morts dans une tuerie sans frein, dans un massacre sans jugement, dont toute la règle est le plus ou moins d’ivresse du soldat, le plus ou moins de fureur politique de l’officier ? Demandez aux familles qui cherchent en vain un père, un frère, un fils disparu, dont elles n’auront jamais l’extrait mortuaire.

    Quand on contemple de tels faits et qu’on voit la réprobation s’attacher… à qui ? aux victimes ! on est étourdi, et l’on se demande quelle est cette plaisanterie qu’on nomme l’opinion, la conscience humaine ? Oui, ce sont les égorgeurs qui accusent !  Le monde n’est rempli que de leurs cris. Et c’est aux égorgés qu’on refuse même le droit d’asile, en alléguant la morale outragée et la sainte pudeur ! Quelle est donc cette morale ? Que signifie cette justice ? Qu’est devenu le sens des mots ? Ce monde se dit sceptique ; ce siècle se prétend incrédule ; et il croit aux larmes de Thiers ! aux indignations des Jules Favre ! à la sensibilité des bourreaux et aux serments des faussaires ! Pourquoi pas à l’honneur des Louis Bonaparte ?

    Hélas ! la politique de cette malheureuse humanité ne consistera-t-elle jamais qu’en un changement de noms"

    André Léo : La Guerre sociale Discours prononcé au congrès de la paix

    *

    André Léo  résumait les années 1870 et 1871 : un schéma copié depuis - avec ou sans monarchie  :

    3992716853.pngLa France, abandonnée à l’étranger ; les trahisons et les malversations de 1870 ; l’armistice et la paix de 1871 , la guerre civile, l’égorgement de Paris, la terreur tricolore, l’instruction publique aux prêtres, la presse aux financiers, la justice aux entremetteurs, l’armée aux assassins, l’administration aux corrompus, la politique aux Basiles, que peut faire de mieux une monarchie ? "

  • "La bourgeoisie nous étouffe, elle nous asphyxie toujours."

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    Commune de Paris
    Mai 1871

    Du dimanche 21 mai au 28 mai 1871, la Commune de Paris est écrasée par la bourgeoisie. Cette semaine sanglante voit l'exécution en masse des communards par l'armée versaillaise.

    Grand massacreur du peuple, Thiers, "le Nabot" représente "le plus petit dénominateur commun des "centres" bourgeois, conservateurs et royalistes modérés comme ancien chef du gouvernement sous le roi Louis-Philippe, ancien républicain du "parti de l’ordre" durant la Seconde république, ancien soutien de Louis Napoléon Bonaparte en 1851.". ( Jacques Serieys). 

    Thiers représente le parti de l'ordre," Cette incarnation monstrueuse de l’égoïsme, de l’hypocrisie et de la férocité, que l’imbécile vulgaire accepte sous le nom de parti de l’ordre, et qui derrière cette raison sociale abrite effrontément ses tripots, ses coupe-gorge et ses lupanars. " (André Léo)

    Issue du Second empire  et de la répression de la Commune de Paris, La Troisième république établira bien vite le monopole politique de cette bourgeoisie et la corruption croissante d'une société asservie au capitalisme.  

    *

    Elie Reclus, frère aîné du géographe Élisée Reclus, est l'auteur de La Commune de Paris, au jour le jour  - 19 mars-28 mai 1871. Journaliste, ethnologue et humaniste libertaire, il fut le porte-voix des « peuples sauvages ». S'engageant avec son frère pour défendre la Commune de Paris - il fut le directeur éphémère de la Bibliothèque nationale - il sera condamné par contumace pour ses activités révolutionnaires.

    3992716853.pngLa France expie donc la corruption bonapartiste ; mais qu'était-ce que la victoire du Coup d’État ? — Si le Coup d’État n'eût été que l'avènement d'une dynastie au lieu et place d'une autre dynastie, il eût importé peu. Mais c'était l'avènement d'une dynastie renversant une République ; c'était la victoire de la bourgeoisie matant la Révolution, le triomphe d'une caste sur la nation, La restauration bonapartiste a été la restauration de la bourgeoisie.

    Sans doute, la République a été proclamée de nouveau le  4 septembre; ce n'était qu'une république de bourgeois, c'est-à-dire de monarchistes plus ou moins parlementaires, une république de libéraux, c'est-à-dire d'ennemis acharnés de la Révolution. Ces libéraux ont été les dictateurs de la France. Les Thiers, les Favre, les Simon, les Trochu, les Fourrichon et compères ont empêché tout élan national parce qu'ils n'auraient pu le suivre; quand il eût fallu monter à l'assaut, ils se trouvaient perclus d'une jambe. affligés d'un rhumatisme articulaire au bras droit, leur cœur s'épanchait en catarrhes. Et voilà pourquoi nous avons été vaincus : la bourgeoisie nous étouffe, elle nous asphyxie toujours.

    Le 20 mai 1871