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  • Vents et marées

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    Il n'y a pas qu'au congrès (du PS) qu'on brasse de l'air, qu'on bruite, qu'on pète pour ne rien dire et qu'on se tord les boyaux avec les potes.

    3992716853.png Jésus –Christ était là avec le petit Sabot, de Brinqueville, un vigneron, un autre farceur renommé, qui ventait, lui aussi, à faire tourner les moulins. Donc, tous les deux, se rencontrant, venaient de parier dix litres, à qui éteindrait le plus de chandelles. Excités, secoués de gros rires, des amis les avaient accompagnées dan s la salle du fond. On faisait cercle, l’un fonctionnait à droite, l’autre à gauche, culotte bas, le derrière braqué, éteignant chacun la sienne à tous coups. Pourtant, Sabot en était à dix et Jésus-Christ à neuf, ayant une fois manqué d’haleine. Il s’en montrait très vexé, sa réputation était en jeu. Hardi là ! est-ce que Rognes se lasserait battre par Brinqueville ? Et il souffla comme jamais soufflet de forge n’avait soufflé : neuf ! dix ! onze ! douze ! Le tambour de Cloyes qui rallumait la chandelle, faillit lui-même être emporté. Sabot péniblement, arrivait à dix, vidé aplati, lorsque Jésus-Christ, triomphant, en lâcha deux encore, en criant au tambour de les allumer, ceux-là pour le bouquet. Le tambour les alluma, ils brûlèrent jaune, d’une belle flamme jaune, couleur d’or, qui monta comme un soleil dans sa gloire.

    – Ah ! ce nom de Dieu de Jésus-Christ ! Quel boyau ! A lui la médaille !"

    Les amis gueulaient, rigolaient à se fendre les mâchoires. Il y avait de l’admiration et de la jalousie au fond, car tout de même fallait être solidement bâti, pour en contenir tant, et en pousser à volonté. On but les dix litres, ça dura deux heures, sans qu’on parlât d’autre chose.

    Émile Zola, La Terre (1887)

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  • La guerre d'Algérie et les silences du Panthéon

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    3992716853.png …Je n’ai pas « choisi » les gens à sauver : j’ai sauvé délibérément tous ceux que j’ai pu, Algériens et Français de toutes opinions. Je n’ai ni cherché ni (certes) désiré les périls représentés par l’entreprise qui me fut proposée en juillet 1957: exactement, c’est l’entreprise qui est venue me tirer par la main. « Il se trouve» que j’ai connu le peuple algérien et que je l’aime ; «il se trouve » que ses souffrances, je les ai vues, avec mes propres yeux, et «il se trouve » qu’elles correspondaient en moi à des blessures ; «il se trouve», enfin, que mon attachement à notre pays a été, lui aussi, renforcé par des années de passion. C’est parce que toutes ces cordes tiraient en même temps, et qu’aucune n’a cassé, que je n’ai ni rompu avec la justice pour l’amour de la France, ni rompu avec la France pour l’amour de la justice."

    G. Tillion, Lettre ouverte à Simone de Beauvoir, 1964-
    A la recherche du vrai et du juste
    , p.259.

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    Germaine Tillion est entré au Panthéon. Cette résistante au régime de Vichy et au fascisme, fonda le réseau du Musée de l’homme, un des premiers réseaux de la Résistance intérieure, où gravitaient également Pierre Brossolette et Geneviève De Gaulle-Anthonioz.

    C’est en organisant, avec le réseau Gloria SMH, l’évasion de Pierre de Vomécourt que Germaine Tillion fut arrêté par les Allemands. Accusée de cinq chefs d’inculpation punis de mort, elle fut déportée en Allemagne au camp des femmes de Ravensbrück sous le régime N.N. (Nacht und Nebel - Nuit et brouillard), c’est-à-dire condamnée à être exterminée.

    3992716853.png Si j’ai survécu » écrit-elle dans  Ravensbrück, " je le dois à coup sûr au hasard, ensuite à la colère, à la volonté de dévoiler ces crimes et, enfin, à la coalition de l’amitié." " Le groupe donnait à chacun une infime protection (manger son pain sans qu’on vous l’arrache, retrouver la nuit le même coin de grabat), mais il donnait aussi une sollicitude amicale indispensable à la survie. Sans elle, il ne restait que le désespoir, c’est-à-dire la mort."

    En 1950, elle contribua avec  David Rousset, Alfred Balachowsky et  Louis Martin-Chauffier  à la création de la Commission internationale contre le régime concentrationnaire, qui dénonçait l’existence des goulags staliniens en URSS.

    Au lendemain des premiers attentats de novembre 1954,  en Algérie, elle est missionnée par le gouvernement français pour observer le sort fait à la population civile des Aurès qu'elle avait rencontrée en 1934 lors de sa première mission ethnographique. Les bouleversements économiques survenus chez les paysans Chaouïa entraîne alors une misère qui les pousse vers la périphérie des villes et qui les clochardise.

    3992716853.png La clochardisation, c’est le passage sans armure de la condition paysanne (c’est à dire naturelle) à la condition citadine (c’est-à-dire moderne). J’appelle « armure » une instruction primaire ouvrant sur un métier. En 1955, en Algérie, j’ai rêvé de donner une armure à tous les enfants, filles et garçons." (La traversée du mal, p.97)

    Convaincue de la nécessité de l’instruction pour combattre cette extrême misère elle élabora sous le couvert du Gouverneur général, Jacques Soustelle, un plan d’éducation populaire.  En 1955, les Centres sociaux éducatifs - qui fonctionneront jusqu'en 1962 -, furent ouverts pour les ruraux musulmans algériens déplacés. Le 15 mars 1962, un commando delta de l'O.A.S. assassinera six de ses inspecteurs.

    3992716853.png Ils étaient six, Algériens et Français mêlés. Tous inspecteurs de l’éducation nationale, réunis le 15 mars 1962, trois jours avant la signature des accords d’Evian, à Château-Royal dans le quartier d’El Biar, près d’Alger. Parmi eux, Max Marchand, leur responsable, un Normand passionné d’Algérie, et Mouloud Feraoun, l’écrivain kabyle. Ils dirigent des centres sociaux lancés en 1955 par Germaine Tillion, où l’on crut jusqu’au bout à l’alphabétisation et à la formation professionnelle des jeunes et des adultes pour apprendre, enfin, à vivre ensemble un peu moins mal. Un commando Delta de tueurs de l’OAS, commandé semble-t-il par l’ex-lieutenant Degueldre, les déchiqueta à l’arme automatique, ce jour-là, comme des chiens, dos au mur, pour qu’un dernier espoir s’éteigne. " (Jean-Pierre Rioux)

    Germaine Tillion a dénoncé la torture en Algérie, vite devenue un crime à grande échelle, et s'est efforcée d’empêcher les exécutions capitales comme les attentats aveugles contre la population civile:

    3992716853.png C’est en janvier 1957 que la guerre d’Algérie prend un tournant irréversible, lorsque Robert Lacoste confie tous les pouvoirs de police à l’armée. Tournant dramatique car à partir de ce moment-là, de Paris, la République française, va cesser d’être obéie en Algérie. Il est vrai que ce que l’on voyait le plus, à Alger, à Oran, Constantine, c’étaient des Français terrifiés, pauvres, éloquents, très semblables aux jeunes soldats qui venaient les défendre. Les Algériens " d’avant 1830 ", ils étaient ailleurs, pas aussi évidents. Le 13 mai 1958 ne sera qu’un épisode de cette dissidence qui s’amorce dès les premiers attentats urbains. Dès lors tout va dégénérer. Et particulièrement avec la torture qui est censée protéger les citadins des attentats. 

    Ce que nous avions stigmatisé quelques années auparavant chez les nazis, la France libérale, démocratique, socialiste l’applique à son tour et à sa manière. La preuve qu’aucun peuple n’est à l’abri d’une infection par ce mal absolu.

    Je suis alertée à Paris sur la torture dès février 1957 : plusieurs enseignants des Centres sociaux venaient d’être arrêtés et torturés sans qu’on puisse prouver leur responsabilité dans un délit quelconque. J’ai fait pour eux ce que j’ai pu et, avec quelques camarades survivants de la Résistance française, nous avons demandé à la Commission internationale qui avait enquêté sur les crimes de Staline de venir cette fois enquêter en France. Ce qu’elle a fait. Il s’agit de la commission créée par David Rousset : CICRC (Commission internationale contre le régime concentrationnaire)." (G. Tillion)

    Durant la guerre d'Algérie, Germaine Tillion est intervenue en faveur de membres du FLN ou de l’OAS. 

    3992716853.png  En juillet 1957, en pleine "Bataille d’Alger", elle favorise le premier contact entre les dirigeants du FLN (ce qui lui sera beaucoup reproché) et le gouvernement français qu’elle racontera dans Les Ennemis complémentaires. Dans ce livre, on trouve le récit des rencontres tumultueuses avec Yacef Saâdi, les dénonciations virulentes de la torture, les plaidoyers contre la peine de mort, une correspondance abondante avec le général de Gaulle après 1958, des interventions pour faire libérer de prison aussi bien des anciens « porteurs de valises » du FLN que des anciens membres de l’OAS. Elle rejette le terrorisme aveugle dirigé contre les civils européens, et exprime dans le même temps sa préférence pour une solution politique permettant de sortir du système colonial. (B.Stora)

    Parce qu’elle avait activement participé à l’élaboration du Programme du Conseil national de la Résistance, Germaine Tillion fut, notamment avec Raymond et Lucie Aubrac, signataire de l’Appel des Résistants aux jeunes générations  du 8 mars 2004.

     

    > Site consacré à Germaine Tillions http://www.germaine-tillion.org/

    > Un texte inédit de l’ethnologue Germaine Tillion : Vivre pour comprendre - Monde Diplo

    > Quand le Musée de l'homme inventait la Résistance  Jean-Marie Pottier / Slate

    > Lettre de Germaine Tillion au tribunal allemand  / Huffington post

    > Germaine Tillion et la guerre d'Algérie - LDH Toulon

    > l’Appel des Résistants aux jeunes générations - 8 mars 2004.

    > Germaine Tillion, une femme combattante, Benjamin Stora.

     

     En ces temps-là...François Mitterrand

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    3992716853.png Le manque de volonté politique des gouvernements français successifs de traduire en justice les responsables de ces crimes a contribué a présenter la torture, les exécutions sommaires et les "disparitions" comme des maux nécessaires. La lutte contre l'impunité constitue la pierre d'angle de l'éradication de la torture et des crimes contre l'humanité."

    Amnesty international

    Pendant les trois premières années de la guerre d’Algérie, de  1954 à 1957, François Mitterrand fut ministre de l’Intérieur puis ministre de la Justice. 

    3992716853.png A 39 ans, il prend ses fonctions de ministre de la Justice, le 2 février 1956, dans le gouvernement de Guy Mollet. C'est un homme politique confirmé, qui a déjà assumé sept portefeuilles ministériels depuis la fin de la guerre. Il connaît bien le problème algérien, puisqu'il était ministre de l'Intérieur quand l'insurrection a éclaté, quinze mois plus tôt, le 1er novembre 1954. Sa réaction d'alors est connue : « L'Algérie, c'est la France [...] ceux qui veulent l'en dissocier seront partout combattus et châtiés " (François Malye)

    A l'époque, pour la majeure partie de la classe politique, il n'était pas question d'envisager l'indépendance de l'Algérie. Quant à  La gauche traditionnelle, elle se refusait de prendre en  compte le nationalisme algérien et la question coloniale.

    Dès le 8 mai 1945, l'armée française avait massacré des milliers d'Algériens dans les régions de Sétif, Guelma et  Kherrata.

    3992716853.png Les forces politiques issues de la Résistance se laissent investir par le parti colonial. « Je vous ai donné la paix pour dix ans ; si la France ne fait rien, tout recommencera en pire et probablement de façon irrémédiable », avait averti le général Duval, maître d’œuvre de la répression.

    Le PCF – qui a qualifié les chefs nationalistes de « provocateurs à gages hitlériens » et demandé que « les meneurs soient passés par les armes » – sera, malgré son revirement ultérieur et sa lutte pour l’amnistie, considéré comme favorable à la colonisation.

    En Algérie, après la dissolution des AML le 14 mai, les autonomistes et les oulémas accusent le PPA d’avoir joué les apprentis sorciers et mettent fin à l’union du camp nationaliste. Les activistes du PPA imposent à leurs dirigeants la création d’une organisation paramilitaire à l’échelle nationale. Le 1er novembre 1954, on les retrouvera à la tête d’un Front de libération nationale. La guerre d'Algérie a bel et bien commencé à Sétif le 8 mai 1945." (Mohammed Harbi)

    Face à l'insurrection, le gouvernement Mendès France choisit la politique de la répression. Lors d'un bref voyage d'inspection dans les Aurès (27-30 novembre 1954), François Mitterrand, en sa qualité de ministre de l'Intérieur, s'en fait le porte-parole.

    3992716853.png (...) Il faut que les populations comprennent qu'elles doivent nous aider, ou bien qu'elles s'exposent par la force des choses et malgré notre volonté à souffrir davantage de la situation présente. Sans le concours des populations rien n'est tout à fait possible, sans aucun doute, mais les premières victimes si elles n'agissent pas dans ce sens, ce sera (sic) elles. Et comme notre devoir est de les en prévenir, nous ne manquerons pas une occasion de le faire. Nous ne frapperons donc pas d'une manière collective, nous éviterons tout ce qui pourrait apparaître comme une sorte d'état de guerre, nous ne le voulons pas. Mais nous châtierons d'une manière implacable, sans autre souci que celui de la justice, et dans la circonstance, la justice exige de la rigueur, les responsables. Et tous ceux qui seront surpris agissant d'une façon évidente par le moyen des armes contre l'ordre doivent savoir que le risque pour eux est immense, dans leur vie, dans leurs biens et, si nous le regrettons puisque ce sont nos concitoyens, ils sont soumis, comme tout criminel, à la loi ; et la loi sera appliquée. Voilà ce que je vous dis, au nom du gouvernement." Extrait de l'allocution de F. Mitterrand dans les Aurès

     

    Au nom de la lutte contre la “subversion”, le droit de la guerre n'était pas appliquer en Algérie et les nationalistes n'étaient  pas considérer comme des combattants.

    3992716853.png Le 17 mars 1956 sont publiées au Journal officiel les lois 56-268 et 56-269, qui permettent de condamner à mort les membres du FLN pris les armes à la main, sans instruction préalable. Pourtant avocat de formation, François Mitterrand accepte d’endosser ce texte terrible : " En Algérie, les autorités compétentes pourront [...] ordonner la traduction directe, sans instruction préalable, devant un tribunal permanent des forces armées des individus pris en flagrant délit de participation à une action contre les personnes ou les biens [...] si ces infractions sont susceptibles d’entraîner la peine capitale lorsqu’elles auront été commises. " (Source LDH)

    Plus de 1 500 condamnations à mort furent prononcées par la justice française. Entre 1956 et 1962,  222 militants du FLN furent exécutés  le plus souvent au terme d’une parodie de justice au regard de la légalité républicaine.

    3992716853.png (...) L’Histoire nous a enseigné que le système colonial n’exécutait pas les responsables politiques après jugement. On préférait, comme pour Ben M’Hidi, s’en débarrasser avant en les assassinant. Dans la réalité, ce sont surtout des pauvres bougres qu’on a guillotinés. Pour l’exemple, pour faire peur. " (Abdelkader Guerroudj, militant du parti communiste algérien, condamné à mort puis gracié)

    Victime parmi d'autres, Fernand Iveton, ouvrier, communiste, rallié au FLN et guillotiné pour l'exemple à Alger en 1957.

    3992716853.png En novembre 1956, il avait décidé de procéder au sabotage d'un tuyau dans l'usine à gaz où il travaillait, au moyen d'une bombe. Des précautions avaient été prises pour que l'explosion n'occasionne pas de victime mais uniquement des dégâts matériels. Arrêté le 14 novembre 1956, avant même qu'il ait pu installer la bombe, il fut d'abord torturé par des policiers, comme cela était alors la règle: décharges électriques sur le corps, supplice de l'eau."  (Libération)

    Des années plus tard Mitterrand  avouera : "J’ai commis au moins une faute dans ma vie, celle-là." Ses biographes insistent pour dire qu’il tenta  de sauver des condamnés à mort, ce que démentent les avis défavorables contenus dans les dossiers et autres archives.  Sylvie Thénault, dans son livre "Une drôle de justice", note que : " son désaccord avec les exécutions est loin de s’exprimer ou d’apparaître dans les documents d’époque. "

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    Entretien  de Philippe Robichon avec François Malyle - 1h

    > Les guillotinés de Mitterrand.  François Malye avec Philippe Houdart) / Le Point - 31/08/2001
     
    > La guerre d’Algérie a commencé à Sétif, Mohammed Harbi, Le Monde diplo
     
    > L'affaire Iveton, un silence français. Jean-Luc Einaudi, historien / Libération
     
    > Sharon Elbaz, « Sylvie Thénault, Une drôle de justice. Les Magistrats dans la Guerre d’Algérie », Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique, 85 | 2001 - http://chrhc.revues.org/1762

    > Mitterrand et la guerre d'Algérie : "La force du côté de la France " -  Par Etienne Manchette Rue 89, vidéos de l'INA

    Allocution de Monsieur Mitterrand et interview du Caïd de M'Chounèche - Jalons INA