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gardel

  • En passant par la Guadeloupe : 14 février 1952

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    14 février 1952 : grève et repression en Guadeloupe

    En février 1952 eut lieu en Guadeloupe le mouvement revendicatif le plus important depuis les grèves de 1910

    Le 14 février 1952, dans la commune du Moule, les ouvriers de l'usine Gardel qui revendiquaient une augmentation de 2%  de leur salaire appelèrent à la grève.  Le mouvement fut réprimé dans le sang par les forces de maintien de l'ordre : sous " les mitraillages en enfilade de la gendarmerie, en pleine rue principale du bourg du Moule ", quatre Guadeloupéens furent tués ( Constance Dulac, Capitulin Justinien, François Serdot, Édouard Dernon )  et 14 autres Guadeloupéens furent blessés.

    Le mouvement social avait débuté en novembre 1951, dans le. nord de la Grande-Terre, suite à l'échec des négociations portant sur la fixation du prix d'achat de la canne à sucre et les salaires.

    " Là où la grève avait commencé, en novembre 1951. Les ouvriers réclamaient une augmentation du prix de la journée de travail afin que leurs salaires soient alignés sur ceux des Français. Forts de la loi du 16 mars 1946 qui assimilait les colonies à des départements, ils avaient cessé le travail. Au fil des semaines, le mouvement s'était étendu aux petits colons et aux planteurs, exigeant un meilleur prix de la canne à la tonne. " (Béatrice Gurrey)

    En janvier 1952, les fonctionnaires rejoignaient  le mouvement des ouvriers et des cultivateurs et réclamaient une augmentation des salaires. Une grève générale affectait alors les plantations et s'étendaient du Moule à Capesterre, Sainte-Rose et Anse Bertrand.

    > Le Moule, berceau de la canne à sucre et symbole de la Guadeloupe en grève Le Monde  - Béatrice Gurrey 2009

    > " Le rôle réel du gouvernement et du patronat dans les événements des Antilles " par Danielle Bleitrach - 2009


    le 14 février 1952 dans la commune du Moule

    Source  : Combat ouvrier

    3992716853.png(...)On se souvient aussi de ce 14 février 2009 où des dizaines de milliers de manifestants s’étaient retrouvés là, prés de la petite stèle élevée il y a quelques années en mémoire des victimesde cette énième tuerie perpétrée par les troupes coloniales contre des travailleurs. Nous étions en pleine grève générale dirigée par le LKP (Liyannaj Kont Pwofitasyon- unité contre la surexploitation) et ses 48 organisations dont l’ensemble des syndicats de Guadeloupe.

    La grève générale des travailleurs de la canne

    Le " massacre de la Saint Valentin " comme on nomma cette tuerie survenait dans le cours d’une grande grève des travailleurs de la canne : ouvriers d’usine, et travailleurs des champs (coupeurs de canne et amarreuses). Le mouvement fut déclenché au mois de novembre 1951 dans le nord de la Grande Terre. Les revendications étaient : 125 francs de l’heure (de l’époque) estimé comme salaire minimum par la chambre de commerce. Les travailleurs ramenèrent cette revendication à 100F/h  pour tous. Les petits planteurs réclamaient le paiement de la «ristourne». La ristourne était  une dette que les patrons sucriers devaient aux petits paysans. Car ces patrons attendaient de connaître le prix du sucre sur le marché international pour fixer définitivement le prix de la tonne de canne en Guadeloupe. La nouvelle récolte allait démarrer sans que les petits paysans soient payés pour les cannes livrées de la récolte précédente. On comprend donc  leur colère.
    De plus, en ce qui concerne les salaires des ouvriers, le gouvernement fixa le salaire minimum en Guadeloupe à 76F/h. Ce fut alors le déclenchement de la colère générale. En janvier 1952 les travailleurs de la canne reçurent le soutien des fonctionnaires qui réclamaient la revalorisation de leur salaire.

    La grève devint générale et illimitée dans toute l’île. Un «cartel» syndical dirigeait le mouvement, formé de la CGT avec Gargar, de l’union départementale CGT (ancêtre de la CGTG) avec Nicolas Ludger, de la CFTC avec Démocrite, du syndicat autonome des enseignants, du syndicat des médecins hospitaliers.

    Face aux patrouilles de CRS armés menaçants et provocateurs, les travailleurs répliquèrent, y compris par des petites bombes artisanales. Les patrons du sucre  jouaient la montre et le pourrissement de la grève.
    Le 11 février, les CRS prirent position dans la ville du Moule qui fut occupée militairement.
    Le 14 février 1952 un barrage fut érigé par les travailleurs à l’entrée du boulevard Rougé (rue principale du Moule) pour empêcher l’accès de l’usine Gardel aux charrettes à cannes. C’est alors que les troupes françaises tirèrent à vue sur la foule. Quatre personnes furent tuées : Constance Dulac (enceinte), Capitolin Justinien, Edouard Dernon, François Serdot. Il y eut aussi 14 blessés.

    Une tuerie préparée et organisée

    Comme toujours dans l’histoire du mouvement ouvrier de Guadeloupe et de Martinique, ces tueries étaient bien préparées entre Préfet, patrons et militaires. Il fallait réprimer - au besoin dans le sang.


    En février 1952, c’était d’autant plus vrai que le mouvement ouvrier était largement soutenu par le Parti Communiste Guadeloupéen (PCG à l’époque Fédération du Parti Communiste Français) qui comptait nombre de militants ouvriers, de cadres et de dirigeants syndicaux. C’était le cas par exemple de Nicolas Ludger. Et ce n’est pas un hasard si la répression sanglante eut lieu à Moule, fief du PCG et ville de son dirigeant d’alors et aussi fondateur : Rosan Girard. Ce dernier était un dirigeant et orateur charismatique. Il fut aussi maire du Moule et député, particulièrement apprécié par les travailleurs et les masses populaires. L’occasion était donc trop belle pour le pouvoir colonial qui en profita pour tenter d’intimider les travailleurs du Moule et faire reprendre le travail par la force des armes. Il fallait aussi faire porter aux militants communistes et à Rosan Girard la responsabilité des «désordres sociaux» voire même de la tuerie perpétrée par les troupes coloniales.

    Une grève historique

    Le vendredi 15 février 1952, le préfet Villeger, le même qui avait ordonné l’occupation de la ville du Moule, fixa le salaire de base à 88 F l’heure au lieu de 76 F. Et s’agissant des ristournes pour les cannes livrées par les planteurs en 1950 et 1951, il les fixa à 434 francs par tonne. Ce qu’il ne pouvait faire hier il put le faire le jour même de la tuerie.

    La grève de 1952 compte dans l’histoire parmi les trois plus grandes grèves  du mouvement ouvrier de  Guadeloupe : après celle de 1910 et avant celle de février 2009 par ordre d’importance !