"Un des événements les plus sanglants et les plus tragiques de la seconde moitié du XXᵉ siècle : le coup d’État militaire fasciste soutenu par les États-Unis qui a inauguré un quart de siècle de dictature policière au Chili.
Des dizaines de milliers de travailleurs chiliens, d’étudiants et d’intellectuels de gauche ont été rassemblés, emprisonnés, torturés et assassinés sur les ordres d’une cabale militaire dirigée par le général Augusto Pinochet. Le régime Pinochet a mené ces crimes en étroite collaboration avec la Maison-Blanche de Nixon, la Central Intelligence Agency (CIA) et le Pentagone.
Ce qui avait été une situation d’un immense potentiel révolutionnaire, marquée par les mobilisations, les grèves et les occupations d’usine de masses de travailleurs, s’est transformé en une défaite sanglante, un cauchemar de meurtres et de répression. C’était dû aux trahisons du gouvernement de l’Unité populaire de Salvador Allende, soutenu par le Parti communiste chilien stalinien, qui cherchaient à réprimer l’offensive des travailleurs chiliens et à faire entrer le général Pinochet dans le gouvernement d’Allende." Bill Van Auken
1971 : Les casseroles de la droite
Au Chili, le 1er décembre 1971, alors que Fidel Castro est en visite dans le pays, le Parti National (droite), la Démocratie Chrétienne et le groupe d’extrême droite Patria y Libertad mènaient à bout une manifestation massive dans les rues de Santiago, une des manifestations les plus importantes durant le gouvernement de l’Unité Populaire d'Allende.
Des femmes manifestèrent en tapant sur des casseroles pour dénoncer la cherté de la vie et le manque de biens alimentaires conséquence, selon elles, de la politique du gouvernement. Cette manifestation, qui sera suivie de bien d'autres, fut la première apparition publique des principaux partis de l'opposition.
En octobre 1972 une grève patronale, largement financée par la CIA, paralysait le pays : 70 000 camions et des milliers d’autobus bloquaient le pays, petits commerçants et professions libérales arrêtaient le travail.
1973 : le coup d'Etat
Un an plus tard, le projet politique de la droite chilienne s'exprimera plus clairement - et dans le détail.
11 Septembre 1973, l’armée du général Augusto Pinochet, appuyée par la CIA, bombardait le palais présidentiel. Après un combat de quelques heures, Salvador Allende, président du Chili depuis 1970, prononçait à la radio son dernier discours avant de mourir.
Pinochet et ses complices prenaient le pouvoir et installaient la dictature qui s'éternisera durant 17 années.
Du côté américain, Henry Kissinger, secrétaire d'État du gouvernement de Richard Nixon, écrivait : "Aussi désagréables que soient ses actes, le gouvernement de Pinochet est meilleur pour nous que ne l'était Allende"
"Faire crier de douleur l'économie chilienne."
Comme d'habitude, pour protéger leurs intérêts, ils ont tenté, sous l'administration Nixon, d'empêcher que Salvador Allende puisse prendre ses fonctions, puis ils ont incité l'armée à intervenir pour annuler les élections et ils ont financé et organisé des opérations visant à déstabiliser l'économie du pays.
Les directives à la CIA à l'époque étaient claires : " Dépenses illimitées. Peu importe les risques. Ne pas impliquer l'ambassade. "Faire crier de douleur l'économie chilienne."
Le laboratoire libéral aura su combiné jusqu'à nos jours, et bien après la dictature, "le banditisme financier, l’exploitation irresponsable et criminelle des ressources naturelles et la privatisation des services publics"
Un héritage encombrant
" Si le Chili de Pinochet a constitué un « laboratoire » pour les politiques néolibérales, c’est aussi dans le domaine de l’éducation. Le rêve que l’économiste monétariste Milton Friedman formulait en 1984, les généraux y avaient travaillé dès leur prise du pouvoir. Rares en 1973, les écoles privées accueillent désormais 60 % des élèves dans le primaire et le secondaire. Moins de 25 % du système éducatif est financé par l’Etat, les budgets des établissements dépendent, en moyenne, à 75 % des frais d’inscriptions. D’ailleurs, l’Etat chilien ne consacre que 4,4 % du produit intérieur brut (PIB) à l’enseignement, bien moins que les 7 % recommandés par l’Unesco. Dans le domaine de l’université – cas unique en Amérique latine –, il n’existe dans le pays aucun établissement public gratuit. Selon le sociologue Mario Garcés, les réformes Pinochet – maintenues et approfondies par les différents gouvernements depuis la chute de la dictature – ont perverti la mission du système éducatif : il visait à l’origine à favoriser la mobilité sociale ; il assure désormais la reproduction des inégalités
> " En finir (vraiment) avec l’ère Pinochet " par Victor de La Fuente, 24 août 2011
Permanence de la dictature
Une fois la dictature installée, ce fut au tour des " Chicago boys " de venir imposer la doctrine économique, philosophique et sociale du libéralisme :
" Pour le néolibéral, la liberté individuelle ne résulte nullement de la démocratie politique ou des droits garantis par l’État : être libre, c’est, au contraire, être libre de l’ingérence de l’État. Celui-ci doit se limiter à fixer le cadre permettant le libre jeu du marché. La propriété privée de tous les moyens de production, et donc la privatisation de tous ceux appartenant à l’État, est indispensable. Le marché répartira au mieux les ressources, l’investissement et le travail ; la charité et le volontariat privés doivent remplacer la quasi-totalité des programmes publics destinés aux groupes socialement défavorisés. L’individu redeviendra ainsi entièrement responsable de son sort. " ( Suzan Georges)
" La dictature militaire a dessiné le moule d’où émerge le Chili d’aujourd’hui. Une manière particulière d’organiser l’économie, le néolibéralisme. Une manière d’administrer la politique, une démocratie de basse intensité. Un type de culture adversaire de toute forme collectiviste ou associative, l’individualisme. Ce moule reste en vigueur dans chacune des composantes du pays. Tout observateur neutre doit reconnaître que le cadre militaire n’a fait l’objet que de rares changements et seulement dans l’apparence. Il suffit de voir par exemple que la constitution militaire reste la règle générale de la vie de la nation. "(Alvaro Cuadra. 2008-2009)
Le documentaire « La Spirale »
"Qui est responsable du coup d’État qui a renversé le gouvernement de l’Unité populaire (UP) au Chili il y a quarante ans ? Pour certains, comme le président américain Richard Nixon, ce serait le peuple chilien, qui aurait mal voté. Pour d’autres, y compris chez les « progressistes », ce serait la gauche, dont l’audace déraisonnable aurait mécaniquement conduit au désastre…
Dans le documentaire « La Spirale », qu’il a co-réalisé avec Jacqueline Meppiel et Valérie Mayoux, Armand Mattelart avance une autre analyse. Certes, l’UP a rencontré bien des difficultés, commis bien des erreurs. Mais, si le « nouveau monde » rêvé par les Chiliens est mort aussi tôt, c’est surtout parce que l’ancien était prêt à déchaîner toute sa violence pour survivre…" >>>Le Monde diplomatique_-_
> Patricia Parga-Vega -Chili, 35 ans après...
> Eduardo Hurtado - Paradoxes de la dictature et de la démocratie.
> Ernesto Carmona - Le côté obscur du Chili actuel.
> Les manifestations de rue à Santiago du Chili (1970-1973), par
> Les expériences révolutionnaires : un modèle pour la voie chilienne vers le socialisme ? par
> " Mythologies contemporaines - Comment la pensée devint unique ", par Suzan George.