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Soyons sport !

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Jeudi 27 janvier 2011, le Qatar est choisi pour l’organisation du championnat du monde de handball 2015. Deux mois plus tôt, l'émirat a obtenu le droit d’organiser la Coupe du monde de foot en 2022, aux dépens des États-Unis. 

glt1.pngLa quasi-totalité des pays africains, tous les États arabes et pas seulement les monarchies du Golfe ou les républiques islamiques, la Chine, la Russie, Cuba, les héritiers de la Yougoslavie torturent, massacrent, violent plus ou moins gravement les droits de l’homme, persécutent les opposants et les syndicalistes, étouffent les libertés publiques. Or, tous ces régimes s’arrangent pour redorer leur image grâce à leurs commandos sportifs en chasse de médailles.

Jean-Marie Brohm

Mémoire très sportive

Chili

1er décembre 1971, alors que Fidel Castro était en visite dans le pays, le Parti National (droite), la Démocratie Chrétienne et le groupe d’extrême droite "Patria y Libertad" organisèrent une manifestation massive dans les rues de Santiago où l'on vit des femmes taper sur des casseroles pour dénoncer la cherté de la vie et le manque de biens alimentaires conséquence, selon elles, de la politique du gouvernement.

Cette manifestation, une de plus importantes durant le gouvernement de l’Unité Populaire d'Allende, et qui sera suivie de bien d'autres, permit aux principaux partis de l'opposition d'apparaître publiquement. Leur projet politique s'exprimera plus clairement deux ans plus tard lors de l'intervention militaire et la mise en place de la dictature de Pinochet qui s'éternisera durant 17 années.

11 Septembre 1973 - L’armée du général Augusto Pinochet, appuyée par la CIA, bombardait le palais présidentiel. Après un combat de quelques heures, Salvador Allende, président du Chili depuis 1970, prononçait à la radio son dernier discours avant de mourir.

Pinochet et ses complices installaient leur dictature avec la complicité et le soutien des Etats-Unis. Du côté américain, Henry Kissinger, secrétaire d'État du gouvernement de Richard Nixon, écrivait : "Aussi désagréables que soient ses actes, le gouvernement de Pinochet est meilleur pour nous que ne l'était Allende".

Le lendemain du coup d’État, l'Estadio Nacional de Santiago (60 000 places) fut réquisitionné et transformé en camp de concentration - le plus grand du pays. Les opposants au nouveau régime y seront torturés et exécutés.

 Le 11 septembre 1973, Victor Jara était à l’université technique de Santiago, où il enseignait le théâtre. Barricadé avec les étudiants, il est arrêté le lendemain et emmené avec 600 prisonniers, non pas au Stade national, saturé, mais dans le plus modeste Estadio Chile, un gymnase couvert. François-Xavier Gomez 

Roué de coups, les mains brisées, Victor Jara sera assassiné au fusil-mitrailleur,  le corps criblé de 44 balles dont un "coup de grâce" à bout portant dans la tête. 

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Estadio Nacional de Santiago 1973 © - 2014 / WC

 Le 26 septembre 1973, en vue de la Coupe du monde 74, les équipes chilienne et soviétique s'opposaient à Moscou pour le match aller du barrage qualificatif. Pour organiser le match retour, il fallut nettoyer le stade de Santiago que la presse internationale surnommait déjà le " stade de la mort".

Le comité d'organisation de la FIFA entérina la date du 21 novembre 1973 sous réserve d'un rapport satisfaisant de la part de ses deux délégués : Helmut Käser (secrétaire général suisse) et Abilio d'Almeida (vice-président brésilien de l’organisation).

Ils rendront, on s'en doute, un rapport impartial :  le stade est selon eux utilisé comme un centre d'orientation, les gens présents ne sont pas des prisonniers mais des détenus dont l'identité reste à établir de même que leur rôle durant les évènements du 11 septembre. Il précisent même  : " Nous avons trouvé que le cours de la vie était normal, il y avait beaucoup de voitures et de piétons, les gens avait l'air heureux et les magasins étaient ouverts, et on  nous a dit que contrairement à l'époque précédant le 11 septembre la  nourriture et d'autres biens étaient disponibles." ( Paul Dietschy)

" L’instance internationale du football, soucieuse de donner l’image d’un football indépendant des événements politiques, et préservant par la même occasion des intérêts économiques colossaux, cautionne la dictature de Pinochet et l’utilisation militaire du stade en acceptant le déroulement du match dans la capitale chilienne. " ( Les cahiers du football)

La fédération soviétique refusa de se déplacer au Chili et demanda la tenue du match dans un pays tiers - ce qui lui fut refusée. Pour effacer ce camouflet, et dans le plus pur style des dictateurs démentiels d'Amérique latine, Pinochet organisa un simulacre de jeu : un arbitre, 40 000 spectateurs dans des tribunes nettoyées, onze joueurs chiliens... mais pas d'équipe adverse sur le terrain. Francisco Valdés, le capitaine de la sélection, assurera à son équipe la qualification pour la coupe du monde 1974 en marquant un but.

La sélection chilienne quittera malgré tout la compétition au premier tour sans avoir gagné un seul vrai match.

 

> "Les manifestations de rue à Santiago du Chili (1970-1973)", par Eugenia Palieraki - Institut Pierre Renouvin /Université Paris I.

> "Les expériences révolutionnaires : un modèle pour la voie chilienne vers le socialisme ?" par Eugenia Palieraki - Nuevo Mundo. Revues.org

> Match de football Chili – URSS (1973) - Wikipedia

> Émission Partout ailleurs d'Eric Valmir  : '"Courir après un ballon, des montgolfières et le temps", Pinochet et le foot comme orgueil national -  " Le match le plus pathétique de l'histoire du foot, raconté par Adrien Bosc de la revue Desports qui a publié un numéro spécial Coupe du Monde"

> Chili-URSS 73, les fantômes du Nacional, par - Les cahiers du football

> L’autre histoire de l’Estadio Nacional - par Nicolas, le blog Lucarne opposée.

Argentine

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En 1966, la FIFA choisissait d’attribuer l’organisation de la onzième édition de la Coupe du Monde de football à l’Argentine.

En 1976, l’instauration de la dictature de Videla s'accompagnait d'une censure totale de la presse, de l'interdiction des activités politiques et syndicales et d'une persécution des opposants au régime sans précédent. Début 78, les chiffres avancés par Amnesty International ou le COBA*, faisaient état de 10 000 assassinats, 15 000 disparus, 8 000 prisonniers.

Malgré cette répression, la FIFA confirma l’Argentine comme pays organisateur de la Coupe du monde de 1978. Elle permettait ainsi à la junte fasciste de légitimer par le football sa répression contre le peuple argentin et, pour avoir su organiser brillamment ce rendez-vous médiatisé, d'améliorer son image sur la scène internationale.

" L’attribution des grandes épreuves sportives par les fédérations sportives internationales obéit en effet toujours à la logique du plus fort. Elle se conforme aux stratégies dominantes des puissances hégémoniques et aux rapports de force établis. Est-ce un hasard si l’Italie musolinienne organise les championnats du monde en 1934, si l’Argentine fasciste de Videla obtient le Mundial en 1978 ? Est-ce un hasard si les Jeux Olympiques sont confiés à Londres, la puissance victorieuse de l’Allemagne nazie, si ceux de 1952, en pleine guerre froide, sont confiés à Helsinki où l’URSS fait son apparition dans le concert olympique. Si enfin ceux de 1980 sont attribués à Moscou dans le cadre l’idylle provisoire entre les deux super-grands ? " Jean-Marie Brohm.

En décembre 1977, le COBA (Comité pour le Boycott de la Coupe du Monde de Football en Argentine, animé par François Gèze et Jean-Marie Brohm *) fut crée avec pour objectif de convaincre l'équipe de France de football de ne pas se rendre en Argentine et cautionner ainsi le régime dictatorial du général Videla.  Peine perdue, malgré une importante mobilisation.

Le 1er juin 1978, au stade de River Plate, lors d'une grandiose cérémonie d'ouverture du Mundial, le général Videla sait qu'il a gagné la partie.

Lors de la dernière coupe du monde au Brésil, Sepp Blatter, président de la Fifa et membre du CIO, affirmait que celle de 1978 avait été " une forme de réconciliation du public, du peuple argentin, avec le système politique, qui était à l’époque un système militaire".


 * COBA " L’action militante s’est trouvée décuplée dans l’organisation d’une campagne de boycott du Mondial de 1978. Le CSLPA a en effet créé, à l’automne 1977, le COBA (Comité pour le Boycott de la Coupe du Monde de Football en Argentine), en liaison avec des professeurs de sports militants d’extrême- gauche, qui publiaient la revue intitulée « Quel Corps » critiquant l’institution sportive. Le COBA a organisé des actions visant la Fédération mondiale de football. Un journal a été créé pour l’occasion. Plus de deux cents comités de soutien locaux se sont constitués dans toute la France. Si après le Mondial, le COBA s’est dissout, la mobilisation ne s’est pas arrêtée : d’une part, des actions ont été menées pour créer, avec la CADHU, un Tribunal international des peuples. L’idée était de constituer un tribunal symbolique devant lequel viendraient déposer des témoins, dont le jury serait composé de personnalités. D’autre part, les manifestations devant l’ambassade d’Argentine ont continué systématiquement jusqu’en 1984." Irenes.net

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> Coupe du Monde 1978 en Argentine, triomphe de la dictature de Videla

> De l’information au militantisme : http://www.irenees.net/

>  La coupe est pleine Videla ! Le Mundial 1978 entre politisation et dépolitisation Jean-Gabriel Contamin et Olivier Le Noé - Le Mouvement Social 2010/1 (n° 230)

> Bellaciao : Publicité et dictature :Chronique d'une relation stratégique

> Derèze Gérard. De la médiatisation des grandes compétitions sportives. In: Communications, 67, 1998. Le spectacle du sport. pp. 33-43.  url : /web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1998_num_67_1_2014

Les arrière-pensées réactionnaires du sport  par Frédéric Baillette

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